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«  le récit qui suit, je le porte en moi depuis que, sortant, au Printemps 1982, d'une crise qui m'avait amené au bord de la mort, je me contraignais à reparler en mon nom personnel. »
Toujours aussi difficile de lire Guyotat. Écorché vif de la vie. Quasiment christique. Il nous met devant sa dépression, sa tentative de suicide et sa lente convalescence. Son errance dans son camping-car où il loge, où il écrit, à la rencontre de sa famille, d'amis. Il retrouve peu à peu l'envie de vivre. Entouré d'amis Maghrébins, le plus souvent. Il ne se remettra jamais des atrocités vécues lors de la guerre d'Algérie. Il fait de nombreuses digressions, dans l'histoire, ses souvenirs, ses pensées… Il reprend vie au contact du réel, si pauvre et triste soit-il. L'instant présent. C'est tout.
Ce livre est assez déprimant. Je l'ai lu par passages décousus. le texte est parfois sublime, parfois contingent, trivial. La vie de Guyotat est un combat de tous les instants. Trouver un sens pour continuer, sinon à quoi bon. Contrairement à Cioran, pas de philosophie, pas d'humour. L'outrance est vécue, réelle. On ne s'amuse pas. Les photos intercalées ne font qu'alourdir la souffrance qui émane du texte. Les décapitations des saints par Fra Angelico ou la danseuse nue devant des officiers allemands notamment.
A ne pas mettre entre toutes les mains.
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Le langage a créé une faille ? le langage doit pouvoir y remédier. La dépression vécue par Pierre Guyotat est abordée de côté, avec la prudence de celui qui sait qu'une grande quantité de malheurs n'existerait pas si les mots ne les avaient pas précédés. On ne peut pas parler de dépression en général et Coma nous montre bien qu'il existe peut-être autant de dépressions qu'il y a de dépressifs. La dépression de Pierre Guyotat est d'ordre esthétique : il se meurt de ne pouvoir atteindre l'absolu.


« Tous les absolues créés par l'homme, auxquels j'ai souscrit, sont dépouillés par moi de leur valeur d'absolu en regard d'autres qui ne nous sont pas encore connus. »


L'absolu... le point de discorde de chaque homme… Si l'on demandait à Pierre Guyotat ce qu'il entend par là, il ne saurait rien répondre précisément. Il croit d'abord qu'il s'agit d'une quête de liberté, un peu facilement réduite à la liberté de mouvement :


« L'angoisse est pour moi attachée à ce qui est fixe, à l'habitation, aux fondations, aux meubles. La révolution aussi, non violente, que j'espère alors, je la ressens comme incompatible avec la fixation des peuples et des individus sur le sol où ils sont nés. »


Mais on se rend rapidement compte que la liberté maladroitement décrite par Pierre Guyotat est d'ordre métaphysique. Pierre Guyotat veut revivre le parcours de sacrifice christique : mourir aux autres pour devenir soi et tous les autres, dans tous les espaces et tous les âges possibles !


« Quelle douleur aussi de ne pouvoir se partager, être, soi, partagé, comme un festin par tout ce qu'on désire manger, par toutes les sensations, par tous les êtres : cette dépouille déchiquetée de petit animal par terre c'est moi… si ce pouvait être moi ! »


Cette volonté vire bientôt à la complaisance... Pierre Guyotat se trompe sans doute : la dépression, constat d'un échec, ne peut pas corriger l'échec et le conforte au contraire. de même, il se trompe dans un récit aux tournures empruntées, chaotiques, trop préoccupées de l'insignifiant pour parvenir à l'absolu tant recherché. Effectivement, Pierre Guyotat ne s'étend ni dans le temps, ni dans l'espace, suscitera peut-être la faim et le désir de quelques lecteurs partageant son esthétique du détail, mais laissant de côté les autres.


Et pourtant, malgré l'écueil esthétique, certaines bribes qui ressemblent à de la vérité parviennent à émerger. Lorsque Pierre Guyotat baisse les armes de l'écriture hyper-stylisée, abandonnant momentanément sa quête perdue d'une expression sophistiquée, il se rapproche de tous les dépressifs multiformes de ce monde. Son dernier paragraphe ne peut que susciter l'unanimité des enragés d'absolu qui ont dû se résoudre à faire des concessions à la réalité. Ces concessions sont celles du quotidien : dormir, manger, marcher, parler. Il faut perdre beaucoup de soi pour revenir à ces actes. On croit alors n'avoir rien gagné : une plaine, une dépression, une plaine. Pierre Guyotat essaie de s'élever au-dessus de son niveau initial en extirpant ce Coma de son voyage guttural.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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"Coma" est le roman autobiographique des affres d'une création littéraire. L'auteur nomade vit dans son véhicule aménagé à bord duquel il sillonne les routes de France et écrit la vie d'un jeune prostitué, Samora Mâchel. Entre de fréquentes périodes de dépression, pour lesquelles il est hospitalisé, il vit dans une transe littéraire permanente et oublie de s'alimenter, se bourrant d'une sorte de paracétamol codéiné qui peu à peu le fait sombrer dans un délire où se mêlent une religiosité mystique mâtiné d'animisme et de réminiscences mythologiques. Cela se manifeste par une immense empathie envers l'univers entier et tous les êtres qui le composent : planètes, animaux, végétaux, objets manufacturés usés tels que vieux stylos, outils mis au rebut. Le monde devient Un, l'homme n'y est plus le roi de l'univers ni le lion le roi des animaux. Chaque existant est remis à sa place, tous, animés ou non, sont pourvus de leur relation au monde particulière. Ainsi se multiplient des réalités au-delà du concevable. On touche là aux caractères essentiels de l'oeuvre de Pierre Guyotat : sculpture de la langue, pour laquelle il n'existe pas de meilleur atelier que sa demeure sur roues ; vision religieuse empreinte d'amour pour tout ce qui dure et se transforme : l'étendue n'est plus dissociable du temps.
Le régime sévère d'exaltation artistique, d'extase presque, auquel il se soumet, transforme en l'espace de quelques mois le corps du mystique de la langue en épave anémiée. Quasiment mourant, il est transporté dans une unité hospitalière où soins intensifs et perfusions le rappellent aux nécessité d'un quotidien plus gris, mais moins dévorateur. Juste au moment, heureusement, où son livre a pris forme et densité. Car nous ne doutons pas qu'il aurait été prêt à payer de sa vie l'achèvement de sa mission.
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Retrouver » Coma » de Guyotat, avec la distance que donnent le plaisir admiratif devant le style, l'étrangeté et la différence grande des expériences, la radicalité, et suivre en témoin, hors d'atteinte, la tentation terriblement forte de la douleur.
Il y a les amis hospitaliers, la famille, la beauté de paysage, ou des rues sales, et lui et son corps - il y a les amours (avec un plaisir dans une tentative de dégradation), les médicaments, leur recherche, et l'usage qu'on en fait, il y a surtout l'écriture
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Sans doute l'ouvrage le plus accessible de Guyotat, qui tente ici de lancer une corde aux lecteurs qui voudraient le suivre au sommet / au fond de l'abîme du langage qu'il explore depuis des années. La langue est minérale et brute, comme dépouillée de tout accessoire et ouverte à tous les possibles. On suit Guyotat dans la souffrance de son travail de création, dans sa douleur de ne pas être complètement au monde, dans sa libération par l'écriture.

On ne sort jamais indemne d'un livre de Guyotat. Celui-ci, bien qu'évidemment beaucoup moins violent et brutal que ses chefs-d'oeuvre ("Eden, eden, eden", "Tombeau pour cinq cent mille soldats") laisse une trace profonde, une sorte de blessure au fond de la langue qui n'est pas prête de cicatriser.
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Un récit très dur sur une déchéance physique et spirituelle poussée à son paroxysme puisqu'elle aboutit à un coma. Sans trop de considérations intellectualisées mais sans rien occulter non plus, le récit reste en grande partie factuel et parfois cru. Pierre Guyotat raconte sa vie au tournant des années 1970/80, tout en abordant de loin en loin quelques évènements marquants de son histoire comme la mort de sa mère ou la guerre d'Algérie. Il était déjà à cette époque un écrivain reconnu, très entouré - des frères et soeurs, des amis -, ce qui ne l'empêchait pas de vivre dans la précarité et un quasi nomadisme. Même si lui n'emploie jamais, je crois, le mot de solitude, et qu'il fait grand cas, au contraire, de ses relations avec le monde extérieur - il s'agirait, en effet, plutôt d'une fusion ou d'une dissolution dans ce monde -, on devine le paradoxe d'une grande solitude. Et ce n'est pas le moindre des paradoxes, car on a aussi l'impression d'une forme d'accomplissement quand il raconte cette descente aux enfers.
Il est surtout question de l'écriture d'un livre lié à cette période et encore inédit : « Histoires de Samora Mâchel ». Je ne sais pas si Guyotat le juge bon ou mauvais mais, de toute évidence, il le trouve exceptionnel dans son oeuvre, le pas ultime d'un mouvement, celui d'une dépersonnalisation.
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Coma ou absinthe, LSD … J'ai supporté cette lecture jusqu'au bout ne serait-ce que pour jauger ce que l'on appelle la création littéraire, l'expérimentation de nouveaux genres mais n'ai discerné qu'une pâle association de mots qui pouvaient nous faire penser de temps à autres à de la poésie.
Texte très confus, je n'ai jamais goûté aux joies du coma, cette frange entre la vie et la mort où les voyages anciens défilent en films désordonnés. Où les blessures d'antan, de soi et de ses aînés s'ouvrent à nouveau. Exercice douloureux, périlleux et surtout ambitieux. Pierre Guyotat n'est plus de ce monde alors que ses amis, écrivains et critiques littéraires lui ayant décerné le prix décembre 2006 peuvent le porter encore aujourd'hui au pinacle. Il n'entrera pas dans mon panthéon.
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