Savoir s’il faut ou non rester chez soi participe de différentes manières au débat qui a agité l’Amérique toute l’année et divisé les candidats démocrates dans leur course à l’investiture contre Trump : notre pays tire-t-il sa fierté du soin qu’il prend des plus vulnérables ? Nous définissons- nous par notre capacité à faire prospérer notre abondance ou par notre capacité à aider les membres de la société qui sont plus fragiles que nous, maintenant plus que jamais, pas seulement à cause du virus, mais en raison des prisons surpeuplées, des soins médicaux inabordables, des dangereuses conditions de travail (...) ?
J’ai beaucoup de chance. Je suis confinée avec ma famille. Aucun proche n’est mort. J’exerce toujours mon métier, j’enseigne le "creative writing" à l’université. Mon mari et moi avons récemment quitté Brooklyn, l’épicentre de la crise aux États-Unis, pour emménager à Iowa City.
Ici, tout est plus calme. Il est vrai que nous vivons près de l’hôpital et les hélicoptères font de plus en plus d’allers-retours vers les services d’urgence. Mais pour l’essentiel, les rues vides sont la manifestation la plus évidente de la pandémie.
(...)
Quand nous arrivons à la maison, mon mari s’occupe du bébé pour que je puisse évaluer les textes de mes étudiants, reçus sous forme numérique de Chicago, San Francisco, Maryland, Hollande. Ces histoires racontent différentes expériences de pandémie qu’on aurait lues il y a encore quelques mois comme des dystopies fantastiques.
Certains jours, je me suis sentie prisonnière à la maison. Je ne quitte jamais le bébé. J’ai pensé à Betty Friedan qui dit que la difficulté pour les mères au foyer ce n’est pas l’isolement, mais le fait qu’à l’intérieur de leur maison, elles ne peuvent trouver le moindre endroit où être seules.