Elle avait une façon très maternelle de s’immiscer dans votre vie et de vous asséner des commentaires détaillés sur tout, de vous dire si ce que vous faisiez était bien ou mal, alors même que vous étiez en train de le faire. Telle une mère, elle vous mettait sur la sellette, vous tenant le bras tout en scrutant ce que vous aviez à l’intérieur de la tête pour ensuite révéler à voix haute toutes vos pensées. Elle était capable de deviner ce à quoi vous pensiez. Pas étonnant que tout le monde la prît pour ma mère. Elle se comportait comme une mère avec chacun. Indifféremment. Même avec Manfred, le chauffeur, à qui elle tint le bras alors qu’il l’aidait à monter dans l’auto jusqu’à ce qu’il lui révélât qu’il était à moitié turc par sa mère, qu’il était marié et avait trois enfants de moins de dix ans.
Elle adorait les erreurs. Elle adorait les gens qui ne cherchaient pas à dissimuler leurs erreurs. Elle adorait tout ce que les gens faisaient et disaient par accident.
Elle avait la faculté de lire comme si rien ni personne n'existait au monde, en dehors de son livre.
Nous n'étions pas liés l'un à l'autre, ni ne vivions sous le même toit, tels des amoureux, nous n'étions pas mariés ni apparentés d'une quelconque manière, comme avec sa famille. Nous étions bons amis, c'est tout. Nous nous sommes rencontrés à un moment où notre vie était un peu en vrac. Elle était mon aînée, en livres, en tout.
Elle n’était pas douée pour inventer de toutes pièces un univers. Elle préférait la réalité. Elle préférait être elle-même au cœur de cette réalité. C’est ainsi qu’elle écrivait ses livres, en consignant une liste de situations vécues de première main.
Il lui fallait être elle-même et le solitude était la forme la plus pure de cette affirmation de soi.
Mes poumons sont en Roumanie, ma tête est à New York, mes pieds à Berlin et le reste à Dublin.