AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Fleitour


Très Belle découverte.
Le Pain de l'Exil de Zadig Hamroune, est porté par la grâce des personnages, de trois générations ainsi mises en lumière et racontées avec l'âpreté de la terre. Ce sont deux familles où se frôlent des êtres rudes, entiers, attachés à leur terre natale, restituant la Kabylie des années 50 avant les événements de Sétif en 1954.
Un texte que Albert Camus aurait pu adopter comme l'un des siens.

C'est le livre de Nahima, "le Livre de sa tribut, imprimé à même la peau", "écrit dans cette langue imprégnée de la terre et du sang, une langue archaïque et sacrée, cette langue qui charrie la lumière." p16.
C'est un livre d'une mélancolie farouche, primale, un cri d'espoir de retisser les liens avec le passé de sa mère Nahima et de son père Adan, comme un noeud de chagrin pour cette langue et ce pays perdus, une nostalgie qui vous étreint parfois, une lumière, une place, la mer, Béjaïa.

Comme dans un conte pour enfant, ce sont les récits des mères et des grands mères que le petit Zadig entend, leur musique et leur tonalité vont charpenter ses textes, les cheviller, faisant émerger cinq grandes figures, Ali Ouali le père de Nahima et Stssé sa grand mère, Mohand le frère ainé et Tannirt la soeur d' Adan, Adan le papa et son incroyable destin.

En Normandie après l'exil, les souvenirs qui remontent à la surface, quand Nahima fait à Zadig son câlin du matin, bien calé dans son lit après le départ d'Adan, ce sont les histoires de la grand mère, la mère de la maman de Nahima morte jeune.
Ce sont des récits charnels restitués avec une pudeur de vielle fille ou une pudeur caustique celle qui cache les affections les plus vives.

Le roman se divise en deux parties, le 1er temps, la terre et le sang, commence par l'exécution d' Ali Ouali le père de Nahima, le 2ème temps, la nuit répudiée, engage le mariage de Nahima, Stssé sa grand mère sentant venir sa fin veut la protéger de l'avenir.
Les événements entrecroisent la vie des deux familles celle de d'Adan et celle de Nahima.

La religion est présente mais on l'utilise pour soi on l'aménage à sa façon, les commandements de dieu s'ils vont dans le sens de la grand mère, deviennent des lignes divines et absolues.
Si la religion dérange on trouvera toujours un arrangement avec le ciel quitte à fuir et se faire oublier.

La violence imprègnent certaines pages, ce sont comme des pas qui se sont éteints dans la douleur, Mohand le frère ainé d'Adan, meurt en prison sans avoir avoué ni livré celui qui avait caché des armes dans l'étable de sa famille.

L'écriture, tel un métal grossier, est chauffée à blanc dans la forge de son père Alan, des mots forgés dans la sueur, il a fallu les limer et les patiner pour les insérer dans la montagne de Kabylie, trouver leur place, leur juste dimension restituant le monde de labeur de son père.
Les mots s' écoulent aussi limpides, fluides comme le sang versé de ses ancêtres dans les collines pierreuses, ou suintent de la blessure de l'exil encore mal cicatrisée.

Ce livre est plus qu'un livre de souvenirs, c'est un pain à partager, à donner à lire, un pain nourricier. Cet exil raconté par Zadig Hamroune est le fruit d'une greffe, la culture Kabyle donnant à ce récit dans la langue de Camus une tonalité littéraire poétique, et un authentique plaisir de lecture.


Commenter  J’apprécie          140



Ont apprécié cette critique (12)voir plus




{* *}