page 34 - Septième lettre -
Amoureuse de tout ce qui échoit aux yeux , aux mains, à la bouche et qu'il suffit de saisir, vous nous transmettez la sagesse de qui prend le temps de choisir, de goûter, d'apprécier. Vous nous rappelez cette qualité de vivre trop oubliée, la lenteur qui divinise l'instant présent. Ce fut votre credo.
Vous avez tiré une leçon de ces années: pleurer, geindre, renâcler ne servaient à rien. Apprendre à vivre. Ne pas la gâcher stupidement. Avancer. Ne pas regarder en arrière. Être.
Mitsou, mon unique [chatte], m’a non seulement enrichie, mais elle m’a montré ce qu’était aimer sans demande, sans attente, simplement parce que l’amour est.
Mes yeux ont toujours connu les livres. Ils m’enveloppaient de mondes inconnus, de vies à fourrager, d’odeurs légèrement moisies, de pages craquantes, de couleurs acidulées, mates, brillantes, de remparts bienfaisants que je voulais franchir.
Oh ! Madame ! le goût délicieux de ce qui ne se fait pas. Et l’enfant désobéissante crée son univers de mystères. Je vous avoue, Madame, que je n’ai pas compris grand chose. Ingénue et libertine, ces deux mots accolés créaient un trouble inexplicable. Il était difficile de comprendre ce que recherchait Minne... Tout était vide de sens pour le papillon qui commençait seulement à sortir de sa chrysalide. Il ressentait les palpitations de l’interdit et trouvait les adultes bien cachottiers et bien compliqués.
Aurais-je si bien regardé, aurais-je si bien goûté les fruits de la vie si mon adolescence ne vous avait pas croisée ? Je ne sais, peu importe…
[…]
C’est peu dire, Madame, que vous aurez accompagné toute ma vie et… il m’est venu l’idée de vous écrire pour vous raconter comment notre amitié s’est forgée durant toutes ces années.