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Critique de Ys


Angelika Raubal, dite Geli, était la fille de la demi-soeur d'Hitler. Son oncle la rencontra pour la première fois à l'occasion de son baptême, à Linz, en 1908. Lui est à l'époque un jeune étudiant fauché et instable, passionné de dessin, d'architecture et de mythologie germanique, dont la candidature à l'académie des Baux Arts de Vienne vient d'être refusée. Vingt-trois ans plus tard, Geli trouve la mort dans l'appartement d'Hitler, à Munich, tuée par une balle du pistolet d'ordonnance de celui-ci. Meurtre ? Suicide ?
Entre temps, le petit étudiant teigneux est devenu le très adulé leader du parti national-socialiste des ouvriers allemands, dont chaque discours soulève l'ethousiasme des foules et emporte de plus en plus de voix et d'adhésions, parmi les plus prestigieuses. Entre temps, une relation d'abord affectueuse puis de plus en plus trouble, tordue, perverse même, s'est établie entre l'oncle et la nièce.

A travers cette relation mi-paternelle, mi-sado-masochiste, Ron Hansen dresse de Hitler un portrait privé assez fascinant – celui d'un homme à la fois vaniteux et complexé, pudibond et voyeur, idéaliste et borné, fascinateur, manipulateur et cruel, narcissique par dessus tout. Face à lui, Geli est un personnage d'une fraîcheur délicieuse et sans fadeur : gaie, insouciante, un brin provocatrice, manipulable mais pas naïve. Introduite par son oncle dans les hautes sphères du parti, elle porte sur les Himmler, Goebbles et consorts, ainsi que sur leur montée en puissance, un regard insolite et intéressant : celui d'une jeune fille que la politique n'intéresse guère, que les rodomontades n'impressionnent pas, que le nazisme ne convaincra jamais mais pour qui le nazisme est une histoire de famille, et qui ne manque pas d'épingler les travers des uns et des autres avec une bonne dose de dérision. Dérision dont, en un sens, elle finira par mourir, pour n'avoir pas compris la mesure du terrible sérieux de tous ces gens-là.

Si par la mise en scène de l'histoire la Nièce d'Hitler est un roman, Ron Hansen a basé son écriture sur un gros travail de documentation qui rend l'ensemble très crédible... et donne envie d'en savoir plus sur l'histoire de cette nièce, dont la mort n'a jamais été élucidée.

Parfois, dans la première partie surtout, la dimension documentaire l'emporte un peu trop sur l'aspect romanesque et l'articulation entre les deux est un peu artificielle : j'ai trouvé certains passages narratifs sur la jeunesse d'Hitler assez lourds, certaines scènes un peu trop anecdotiques. le roman, en somme, met du temps à démarrer, et prend surtout son essort lorsque se développent les relations entre Geli et son once.
Mais à partir de là, il devient de plus en plus intéressant, captivant même – d'autant plus qu'il ne bascule jamais dans le dramatisant ni dans le moralisant trop faciles. La subjectivité des personnages, de Geli surtout, est la seule que l'auteur s'autorise, du moins jusqu'à l'épilogue. Et à travers son histoire, il dresse de l'Allemagne d'entre-deux guerres un tableau très vivant, qui permet bien de comprendre de l'intérieur comment les choses, peu à peu, ont basculé vres le nazisme.

Un beau travail d'historien romancier, qui ne craint pas de se confronter à un sujet délicat et le regarde droit dans les yeux. A découvrir.
Lien : http://babel-oueds.livejourn..
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