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Critique de oblo


oblo
31 décembre 2019
Que ce soit sur la forme ou sur le fond, Lucas Harari a choisi la ligne claire. Il s'est aussi choisi, pour cette première oeuvre, deux maîtres : Hergé et Peter Zumthor. Les lignes claires et épurées caractérisent les oeuvres de ces deux hommes, chacun dans son domaine : la bande-dessinée et l'architecture. Pour le scénario, il a puisé dans des souvenirs personnels et a essayé de restituer, dans une fiction fantastique, le choc esthétique causé par la découverte des thermes de Vals, en Suisse. Pour ajouter encore de la profondeur, Lucas Harari opère, dès le début, une mise en abîme intéressante qui le fait, lui l'auteur, le simple intermédiaire entre son lecteur et une histoire venue aux oreilles de son père. Ainsi l'histoire baigne-t-elle, dès le début, dans une atmosphère nimbée de mystères.

Pierre a été l'étudiant en architecture de M. Harari, avant de disparaître complètement, et ses études avec lui. Au hasard d'un orage, M. Harari recroise Pierre, devenu garçon de café, lequel lui annonce qu'il part prochainement pour Vals et ses thermes. Sur place, Pierre joue au curiste type : hôtel et bains rythment sa journée. Pierre dessine aussi beaucoup ces thermes, de l'intérieur et de l'extérieur, retraçant continuellement ces lignes simples, horizontales et verticales, qui font ressembler les thermes à un dédale où l'on imaginerait se perdre facilement. le soir, le lieu prend des couleurs inquiétantes, car sombres, et cependant il semble émaner de lui quelque chose d'envoûtant, qui pousse sans cesse Pierre à y revenir. Il faut dire aussi que les personnages que croisent Pierre ne vont pas sans apporter, chacun, leur pierre à l'édifice magique. Il y a Christian, le fermier francophone dans ce coin des Grisons, qui rapporte à Pierre la légende du Mund des Berges, le monstre des montagnes. Il y a Testis, qui narre à Pierre ce jour de 1914 où il assista à un prodige, qui depuis le fait passer pour fou dans le village, lorsqu'un soldat français fit léviter autour de lui des blocs de pierre. Il y a aussi Valeret, universitaire français spécialiste des villes d'eau, pour lequel les établissements thermaux cachent des secrets politiques. Il y a même Ondine, cette jeune réceptionniste des thermes au prénom bien trouvé, inquiétante puis sensuelle. Lorsque la légende du monstre des montagnes croise un phénomène surnaturel auquel assiste Pierre, il n'y a qu'un pas que ce dernier franchit allègrement pour basculer dans le thriller fantastique.

Avec L'aimant, Lucas Harari réussit à créer une remarquable bande-dessinée à l'ambiance magnétique, qui forcerait presque le lecteur à ne pas lâcher l'album avant la fin. Il faut dire que le travail des éditions Sarbacane est remarquable : le grain du papier est très plaisant au toucher, chaleureux, en écho contradictoire avec l'environnement montagnard de l'histoire. le travail graphique et de découpage joue aussi beaucoup : les cases liées entre elles laissent peu de place au lecteur pour reprendre son souffle. de la même façon, le rythme de la narration est très bien géré par Lucas Harari, dont c'est le premier album. La tension va croissant jusqu'à la moitié de l'album, puis les choses s'emballent et les menaces, réelles ou imaginées, se précisent pour Pierre. La fin ouverte a le mérite de conserver cette tension et de ne pas lever les secrets qui pèsent sur les thermes de Vals ; mais, ne dévoilant rien, elle frustre aussi et pare l'album entier d'une impression d'inachevé.
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