Lettre de
Jean-Louis Bory à
André Hardellet suite aux poursuites engagées pour complicité d'outrages aux bonnes moeurs après parution de son texte "
Lourdes, lentes"
Cher
André Hardellet
Je viens de relire
Lourdes, lentes... et de le relire en pion, en flic : je me suis évertué à dénicher le détail, l'expression qui pouvaient, en l'an de grâce 1973, non seulement choquer, mais faire simplement froncer le plus sourcilleux des fronts. Je suis aveugle et sourd --- ou bien je ne sais plus lire. Dans "
Lourdes, lentes..." je n'ai vu que ce que j'y avais d'abord vu : un texte admirable, débordant de vie, de générosité, d'amour, de chaleur, de santé. Et je voudrais souligner, hurler, ce dernier mot : SANTE.
Lourdes, lentes ... est un livre sain, comme sont sains le Gargantua et le Pantagruel : par exaltation de la vie.
Et qu'on ne vous reproche pas de décrire, avec une application éblouie, certains détails du corps féminin. Que l'on condamne alors tous les poètes qui ont "blasonné" en détail et avec la même dévotion ce même corps. Que l'on condamne l'exposition, dans la vitrine de librairie, de ce même corps photographié dans les manuels d'éducation sexuelle.
De quoi peut-on vous déclarer coupable ? de bien écrire ?
(...) n'ont-ils pas senti, compris en lisant ce texte, qu'ils avaient affaire à un écrivain, un vrai, et à un poète ? Mais peut-on demander à des juges d'être sensible à la poésie ?
(...) Mon cher
Hardellet, vous aimez l'amour : voilà votre crime. Vous en serez puni. Car vous êtes poète, mon pauvre vieux, c'est-à-dire con et criminel.
Je vous embrasse
J l'Bory