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Critique de FabPz
Une enquête médiévale
Le confinement m'a donné le temps de lire cet ouvrage que j'avais acheté voici 18 mois… Je suis intéressé par le polar historique et la thématique originale (la Hanse du XVème siècle, l'Estonie de la même époque) avait retenu mon attention. le titre est lui-même assez intriguant. Bref, il y avait, de mon point de vue, pas mal de bonnes raisons pour acheter le roman.
Pour résumer, l'apothicaire Melchior de Tallinn (Estonie) devient l'exécuteur testamentaire d'un riche marchand qui lui demande, sur son lit de mort, de résoudre un crime vieux de 60 ans. Dans le même temps, Melchior est prévenu par son fils, installé à Lübeck de l'arrivée d'un individu, le "démon de Gotland" qui pourrait attenter à sa vie. Par la suite, deux meurtres sont commis...
"Le démon de Gotland" peut se décrire comme une très bonne enquête médiévale.
Une véritable enquête, tout d'abord. Un (double) meurtre 60 ans avant les faits qui lance l'intrigue. Puis deux meurtres qui interviennent à l'époque du roman (le XVème siècle). Et c'est un des grands succès de ce roman que de nous proposer une véritable enquête policière. Car trop souvent, le roman policier historique n'est qu'un prétexte à faire de l'Histoire, l'aspect policier ne devenant qu'un prétexte à l'érudition. Or, ce n'est pas le cas ici. L'intrigue est soignée et bien construite. Elle est admirablement menée. L'auteur abat progressivement les cartes de l'intrigue: on comprend avec le héros, et non sans lui ni avant lui. Même si nous pouvons deviner ceci ou cela, nos intuitions ne sont jamais avérées tant que le héros ne les confirme pas. L'auteur parvient à créer une ambiance avec des évènements divers et variés qui semblent marginaux ou anecdotiques mais qui, à la fin du roman, prennent tout leur sens. On peut en dire autant des personnages apparemment secondaires mais qui ont tous un rôle dans l'enquête...
L'intrigue se précise au fur et à mesure de la lecture et c'est appréciable.
Le titre est d'ailleurs assez bien choisi: outre qu'il appelle le mystère, il met en évidence le rôle central joué par ce fameux "démon de Gotland". Ce rôle est au final plus complexe qu'il n'y paraît (je n'en dis pas plus).
Un petit bémol cependant: les aller-retours avec Lübeck ou le fils du héros (Melchior le jeune) vit ses péripéties. Je suppose que c'est le tribut à payer pour construire une saga et nourrir le suspense mais l'apport à l'intrigue est relativement limité…
L'aspect médiéval enfin. Cette dimension prend tout son sens sous la plume de I. Hargla. le roman montre bien les logiques à l'oeuvre au Moyen-Âge: l'organisation sociale, les mécanismes commerciaux, le fonctionnement de la justice, le rôle de la religion, etc. Mais il le fait sans ostentation: contrairement à beaucoup de romans historiques, le roman ne cède pas à l'exercice de style ou à la monographie historique. Ici, la description de la société est mise au service de la narration. Elle permet d'animer et de nourrir le récit pas de le noyer dans force détails…
Mais le Moyen-Âge est également un moyen de favoriser et d'épaissir le mystère. le titre est évocateur de ce point de vue.
La thématique d'ensemble est d'ailleurs assez mystérieuse (un meurtre vieux de 60 ans, la lutte contre les sectes hérétiques médiévales, etc), sans pour autant verser dans le fantastique. le contenu de l'intrigue va également dans la direction d'un mystère dont la conclusion est finalement tragique sinon "glauque".
En définitive, un roman de qualité. Bien qu'ils ne soient évidemment pas comparables, le "démon de Gotland" a un petit parfum de "nom de la Rose" et ceux qui ont aimé la thématique d'ensemble de l'ouvrage de Umberto Eco apprécieront probablement le roman d'Indrek Hargla.
Le confinement m'a donné le temps de lire cet ouvrage que j'avais acheté voici 18 mois… Je suis intéressé par le polar historique et la thématique originale (la Hanse du XVème siècle, l'Estonie de la même époque) avait retenu mon attention. le titre est lui-même assez intriguant. Bref, il y avait, de mon point de vue, pas mal de bonnes raisons pour acheter le roman.
Pour résumer, l'apothicaire Melchior de Tallinn (Estonie) devient l'exécuteur testamentaire d'un riche marchand qui lui demande, sur son lit de mort, de résoudre un crime vieux de 60 ans. Dans le même temps, Melchior est prévenu par son fils, installé à Lübeck de l'arrivée d'un individu, le "démon de Gotland" qui pourrait attenter à sa vie. Par la suite, deux meurtres sont commis...
"Le démon de Gotland" peut se décrire comme une très bonne enquête médiévale.
Une véritable enquête, tout d'abord. Un (double) meurtre 60 ans avant les faits qui lance l'intrigue. Puis deux meurtres qui interviennent à l'époque du roman (le XVème siècle). Et c'est un des grands succès de ce roman que de nous proposer une véritable enquête policière. Car trop souvent, le roman policier historique n'est qu'un prétexte à faire de l'Histoire, l'aspect policier ne devenant qu'un prétexte à l'érudition. Or, ce n'est pas le cas ici. L'intrigue est soignée et bien construite. Elle est admirablement menée. L'auteur abat progressivement les cartes de l'intrigue: on comprend avec le héros, et non sans lui ni avant lui. Même si nous pouvons deviner ceci ou cela, nos intuitions ne sont jamais avérées tant que le héros ne les confirme pas. L'auteur parvient à créer une ambiance avec des évènements divers et variés qui semblent marginaux ou anecdotiques mais qui, à la fin du roman, prennent tout leur sens. On peut en dire autant des personnages apparemment secondaires mais qui ont tous un rôle dans l'enquête...
L'intrigue se précise au fur et à mesure de la lecture et c'est appréciable.
Le titre est d'ailleurs assez bien choisi: outre qu'il appelle le mystère, il met en évidence le rôle central joué par ce fameux "démon de Gotland". Ce rôle est au final plus complexe qu'il n'y paraît (je n'en dis pas plus).
Un petit bémol cependant: les aller-retours avec Lübeck ou le fils du héros (Melchior le jeune) vit ses péripéties. Je suppose que c'est le tribut à payer pour construire une saga et nourrir le suspense mais l'apport à l'intrigue est relativement limité…
L'aspect médiéval enfin. Cette dimension prend tout son sens sous la plume de I. Hargla. le roman montre bien les logiques à l'oeuvre au Moyen-Âge: l'organisation sociale, les mécanismes commerciaux, le fonctionnement de la justice, le rôle de la religion, etc. Mais il le fait sans ostentation: contrairement à beaucoup de romans historiques, le roman ne cède pas à l'exercice de style ou à la monographie historique. Ici, la description de la société est mise au service de la narration. Elle permet d'animer et de nourrir le récit pas de le noyer dans force détails…
Mais le Moyen-Âge est également un moyen de favoriser et d'épaissir le mystère. le titre est évocateur de ce point de vue.
La thématique d'ensemble est d'ailleurs assez mystérieuse (un meurtre vieux de 60 ans, la lutte contre les sectes hérétiques médiévales, etc), sans pour autant verser dans le fantastique. le contenu de l'intrigue va également dans la direction d'un mystère dont la conclusion est finalement tragique sinon "glauque".
En définitive, un roman de qualité. Bien qu'ils ne soient évidemment pas comparables, le "démon de Gotland" a un petit parfum de "nom de la Rose" et ceux qui ont aimé la thématique d'ensemble de l'ouvrage de Umberto Eco apprécieront probablement le roman d'Indrek Hargla.
