Assise près du mur sur le banc des amoureux, je regarde les moineaux qui bâtissent leurs nids. Maçons nés, ils sont sûrs de leur tâche et ne laissent choir aucune brindille. Une musique s'échappe faiblement de la maison de l'autre côté du mur. Les notes d'abord lentement recherchées, suggèrent une mélodie. Une note est pincée, pure, cercle liquide qui miroite dans sa plénitude ; elle est si longtemps tenue qu'elle infiltre tous les pores de ma peau sans défense. Une tiédeur lumineuse s'empare de mon corps et le caresse, les gammes suivent un chemin en zigzag, une courbe ici, un détour là, et un motif se forme, en flots sensuels comme les eaux fécondantes de quelque fleuve antique.
Je rêvais souvent d'un héros pareil à un dieu qui traversait sans effort le ciel de la nuit et me guidait aimablement quand il voyait mes désirs désespérés de m'envoler avec lui. J'avais aussi de fréquents cauchemars, au cours desquels je planais sans heurts dans les airs et où ce vol, dont je ressentais maintenant un besoin maladif, s'interrompait brusquement à mi-course. Lui ou moi, lui et moi, nous fendions l'air en tombant, et dans un frisson d'effroi je m'éveille.
Les histoires de ma grand-mère n'avaient rien de commun avec les histoires qu'on lit aux enfants avant qu'ils ne s'endorment. Elle avait une histoire pour chaque occasion, et chacune des histoires enfantines trouvait sa réponse dans une histoire. Ma grand-mère avait réponse à tout, mais ses réponses n'étaient pas simples. Il fallait les décoder, comparer, découvrir ce qu'elles illustraient et tirer une morale.