J’ai toujours eu une approche assez pragmatique des ordinateurs. Ça ne marche pas ? Éteignons et attendons que le problème se règle tout seul. Aussi aberrant que cela paraisse, ça marche très souvent. Ce que j’avais de mieux à faire était donc de m’occuper l’esprit et de rester concentrée sur le présent. Tout finirait par s’arranger.
Les choses sont faites pour qu’on les sente, par pour s’ébahir de leur mystère.
J’ai beau m’empêcher d’y penser, rien n’y fait. Il faut pourtant que je sois sage, comme une fille ordinaire. Ne pas trop réfléchir, ne pas trop rêver.
Curieux comme certains souvenirs que l’on croyait à jamais perdus peuvent resurgir dans leurs moindres détails… J’avais cinq ans et respirais la bouche ouverte.
Pas facile de dire quand commence une histoire. J’ai longtemps cru que le temps se déroulait en ligne droite, un événement succédant à un autre, en ordre de marche. Il n’en est rien. Le temps n’obéit à aucune règle. Il arrive qu’il fasse une boucle avant de repartir, voire qu’il revienne sur ses pas ou qu’il tisse ensemble le présent et l’avenir jusqu’à former un sac de nœuds inextricable, un méli-mélo de bifurcations, de coïncidences et de conséquences.
Je ne suis pas très experte en collecte des ordures. J’ai beau avoir un avis sur un tas de choses, j’avoue que je ne suis pas intarissable sur ce sujet. J’ai toujours loué par baux de six mois, je n’ai jamais vraiment pris le temps de prendre racine…
Me noyer, j’ai l’habitude. Cela m’est arrivé si souvent en rêve. Mon inconscient devrait savoir qu’il est vain de lutter contre la terreur, la suffocation, la supplique des poumons, la souffrance. Comment ne sait-il pas, depuis le temps, qu’à la fin je finis toujours par me réveiller en sursaut, exactement comme j’ai fini par surgir hors de l’océan, lorsque les mâchoires de la vague m’ont enfin recrachée ? Mais il ne semble pas s’y faire.
Le présent est toujours le présent. Tout semble soudain se précipiter. Je m’enfonce dans l’eau qui se referme, brune et âcre, sur mon visage. Je la sens qui s’engouffre sous mes jupes, remplit mes manches, alourdit mes vêtements qui m’entraînent par le fond.