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Critique de Clem_YCR


Je me suis lancée dans Coeurs itinérants en pensant rencontrer l'auteure, Jane Harvey-Berrick lors de la RARE qui se tiendra à Paris en avril de cette année. Malheureusement, c'était sans compter l'annulation de sa venue, et j'en suis très déçue car Hors de portée (ce premier tome) est un coup de coeur. J'ai adoré l'histoire, les personnages, la façon dont elle est contée et il faut absolument que je lise la suite.
Le récit, porté par Aimee, se déroule sur 14 années. Il commence par la rencontre d'Aimee et de Kestrel, l'été des 10 ans de la jeune-femme et se termine d'une façon plutôt abrupte (oui, il y a un second tome) l'été de ses 25 ans. J'ai beaucoup aimé la première partie, la vision de l'enfant qu'était Aimee ; le ton colle parfaitement à un enfant de son âge, puis à l'adolescente qu'elle devient et l'on attend avec la même fébrilité qu'elle le retour annuel de la fête foraine et de Kes. Ce que j'ai le plus apprécié dans ce roman, ce sont la justesse des sentiments et de l'état d'esprit des personnages, ainsi que le réalisme du récit. La nostalgie de l'enfance, où tout semble simple, et l'importance du premier amour m'ont particulièrement parlé. On se trouve ancré dans une magnifique histoire d'amitié puis d'amour, qui transcende les sens sans pour autant être rêvée puisque la réalité « matérielle » est toujours là et la raison d'Aimee prime sur le reste. Jane Harvey-Berik nous prend aux tripes avec ses personnages atypiques, que ce soit Aimee, la petite fille bien sous tous rapports dont la famille n'est pas si fonctionnelle que ça et qui est sujette aux moqueries et aux préjugés ; ou Kes, ce jeune-garçon, enfant de forain, heurté dans son amour propre et sa fierté par ses difficultés à étudier qui font de lui un enfant buté et fort en apparence. S'il excelle dans d'autresdisciplines, il garde pourtant une faille en lui et un sentiment d'échec. Entre Kes et Aimee, c'est une évidence ; pourtant, beaucoup de choses se dressent entre eux : leur différence de vie, le fait qu'ils ne se voient que 2 semaines par an, et surtout leur famille. Familles dont on peut comprendre les réticences, carles adultes sont pleins de préjugés, de désillusions et envisagent toujours le pire même quand il n'y a pas lieu. L'adulte a perdu sa vision innocente du monde et est souvent poussé par son propre intérêt et son image.
Aimee et Kes ne sont que des enfants, sans aucun moyen, portés uniquement par la force de leur amour. Et pourtant, ils n'ont pas totalement confiance l'un en l'autre, doutant chacun de l'intérêt de l'autre. Ainsi, que peuvent-ils faire contre les adultes et leurs mensonges ?
Tout au long de ma lecture, j'ai été révoltée, au même titre qu'Aimee par moment, par les réactions et les actions de certains. Choquée d'entendre Kes adulte dire que tout le monde manipule tout le monde dans la vie… mais au fond n'a-t-il pas raison ? J'ai en permanence eu le ventre noué, appréhendant les évènements à venir, mais j'ai aussi vibré, et senti des papillons s'y agiter !
Jane nous ouvre les portes d'un monde inconnu pour moi : celui des forains. Je ne sais pas si elle a des attaches parmi eux ou si elle s'est immergée dans leur univers pour écrire son livre mais la façon dont elle expose leur mode de vie si particulier, qu'ils ont choisi et qu'ils aiment, sonne vraiment juste. Voir l'envers du décor est vraiment intéressant, nous permettant de découvrir l'immense famille qu'ils forment. S'il n'est pas facile de s'y faire une place, une fois que l'on est intégré, c'est pour toujours. Toutefois, cet esprit d'entraide et de soutien n'empêche pas auxjalousies et aux mensonges de naître ; on ne peut pas aller à l'encontre de la nature humaine. L'auteure nous pousse également à prendre conscience du regard des autres sur les forains : que ce soient les « braves » gens qui demandent l'interdiction qu'ils restent en ville ou les regards de jugement lorsqu'ils font leurs courses. Les gens « dans le moule » ont une grande propension à avoir peur et à juger ce qu'ils ne comprennent pas ou ce qui est différent d'eux.
J'ai admiré Aimee et Kes qui se battent, chacun de leur façon, pour être ensemble puis, pour se construire sans l'autre. Kes, en se lançant corps et âme dans ce qu'il aime et réussit brillamment : le spectacle, et Aimee en aidant les enfants souffrant du même problème que son amour d'enfance. Les deux personnages m'ont totalement séduite et il me tarde de connaitre la suite de leur histoire, savoir si elle pourra être sauvée malgré les non-dits de Kes. Car Aimee, et c'est aussi ce qui rend cette histoire si réaliste et accrocheuse, du haut de ses 25 ans, garde les pieds sur terre et refuse de quitter sa vie et ce qu'elle a construit sans « garantie » ; c'est une femme forte et indépendante, qui aime son métier et ses élèves. Kes est un personnage poignant, un adulte qui s'est construit sur des blessures et dont la fierté en fait quelqu'un d'explosif, cherchant à masquer ses failles. Un homme que l'on a envie de protéger mais qui ne nous laisserait certainement pas faire. Très secret, il ne se confie que rarement et cache encore certaines choses que j'ai hâte de découvrir.
Ce livre comporte des scènes de sexe qui n'ont pas perturbé ma lecture pour plusieurs raisons : elles sont très bien écrites (traduites), pas trop nombreuses et encore une fois, très réalistes ! En effet, entre les balbutiements de la relation de Kes et Aimee et leur relation adulte, la différence est là. On sent, l'émoi et la maladresse des adolescents, puis la découverte des jeunes adultes. Même si c'est le genre de scènes dont je me passe facilement, elles n'entachent en rien le plaisir de la lecture.
J'ai donc adoré ce premier tome, addictif et passionnant, et attend beaucoup de la suite ; espérant que réalisme ne veuille pas forcément dire désillusioncar on a toujours besoin d'un peu de lumière dans ce monde de fous.
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