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Critique de bgbg


La chouette aveugle, par Sadegh Hedayat. Un livre magnifique, mais éprouvant, qui n'est pas sans rappeler « Les carnets du sous-sol » de Dostoievski, encore que plus oppressant, plus désespéré, plus proche d'une réalité vécue par l'auteur. Ce dernier s'est suicidé à 47 ans, en 1950.
Il s'agit du monologue d'un homme qui se dit malade, dépressif, qui se vautre dans la négation de tout et l'autodestruction, un opiomane qui ne fait plus la différence entre ses divagations hallucinées et la réalité, toutes aussi sordides l'une que l'autre pour lui, et qui s'interpénètrent au point que le lecteur lui-même s'y perd parfois. Mais peu importe, il vaut mieux se laisser aller au fil du récit, rêves glauques ou situations sinistres, pensées paranoïaques ou intrusions désespérées dans le monde palpable, allées et venues incessantes entre les douleurs permanentes de la vie et l'idée obsédante de la mort. Après les visions surnaturelles et artificielles qui laisseraient un peu d'espace à l'espoir ou à la pureté, c'est le retour à la laideur et à la pourriture du monde.
Dans l'ancienne cité de Rhagès, en Perse, dans des temps reculés, peut-être moyenâgeux, le narrateur vit reclus dans sa chambre, à décorer des cuirs d'écritoire, à boire et fumer de l'opium. Veillé par sa nourrice, il assiste à la licence et aux turpitudes de sa femme qui n'a jamais voulu se donner à lui, pas même pour un baiser. Il semble que là, cet homme, si pessimiste, devient sensible à la beauté, à l'amour, au mythe fusionnel de la mandragore et s'ouvre à la jalousie. Ce désir contrarié est-il à l'origine de son mal être ? Ce n'est pas ce qu'il dit, mais on peut le penser. Il craint le monde qui l'entoure, la “canaille“ comme il dit, qu'il vit comme absurde et brutal, notamment le boucher au “couteau à manche d'os“, “misérable“ qui “découpe voluptueusement la viande“, le vieux brocanteur au “cache-nez crasseux“ et “aux pensées imbéciles“. qui ne vend jamais rien mais “apparaît dans tous ses cauchemars“ et qui possèdera sa femme, malgré “ses dents jaunes et rares“.
Dans ce roman où la poésie est à la fois foisonnante et parsemée, dans cette diatribe étrange et envoûtante, lourde de ses ombres et de ses rancoeurs, une fois les barrières de la réalité refermées sur elle-même, et le fantastique muselé, il reste une tentative (inconsciente ?) de l'auteur d'indiscipliner les esprits, de dissiper l'ordre des pensées, de militer pour la mécréance, et d'offrir une vision de la Perse à la fois traditionnelle et parfois superstitieuse, et moderne avec ce portrait paradoxal.
Lien : http://lireecrireediter.over..
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