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Critique de Bigmammy


Depuis les envahisseurs Varègues qui fondent la Rus à l'abdication de Nicolas II sur 1486 pages, finalement, c'est une performance.

Le maître-livre de Michel Heller (1922 – 1997), né en Bielorussie, déporté en camp de travail pendant six ans au Kazakhstan pour « propagande anti-soviétique », libéré en 1956 avant d'émigrer en Pologne puis de venir enseigner à partir de 1969 à la Sorbonne l'histoire et la littérature soviétiques, est un maître-livre incontournable.

J'ai pris la résolution de lire d'une seule traite – à part une ou deux petites « respirations » - cet ouvrage fondamental qui montre, une fois encore, combien nous sommes ignorants de ce qui s'est passé et se passe actuellement à l'est de l'Union Européenne. Il serait donc insensé de résumer cette immense saga, mais tenter d'en retenir quelques constantes, de celles qui structurent encore aujourd'hui la politique intérieure et extérieure de notre imposant voisin.

Deux remarques liminaires. L'épouse de Michel Heller est d'origine polonaise, et lui-même est issu d'une famille juive. Aussi souligne-t-il tout au long de son ouvrage deux traits séculaires de l'antagonisme des Russes à l'encontre des Polonais et des Juifs qui émane des Russes depuis l'origine des temps.

Pour faire court, l'histoire des débuts de ce qui deviendra la Russie s'organise en quatre grandes tâches : le rassemblement des terres autour de Moscou, la victoire sur le joug Tatar, l'édification d'un état centralisé, la lutte pour l'accès à la mer libre de glaces.

Du fait d'une règle successorale à la fois complexe et floue, chaque fin de règne conduit à des troubles. Et on constate qu'alternent des tsars – et tsarines - de grande envergure et de piètres souverains. On note aussi l'omniprésence des Allemands depuis Pierre le Grand, aussi bien dans la haute administration et l'armée que dans le choix des princesses, qui fait que parmi les derniers tsars ne coule quasiment aucun sang russe ...

Une seule notion domine : la symbiose du trône et de l'autel. le Tsar est investi par Dieu, son pouvoir est infini, il possède tout : la terre, les nobles, les paysans … C'est l'autocratie poussée à l'extrême, ce pouvoir absolu qui peu à peu, sous l'influence des idées des Lumières et des défaites militaires, finira par échapper à l'infortuné dernier Romanov, le mystique Nicolas II.

L'ouvrage est riche d'informations sur les tendances économiques et culturelles de l'histoire russe. Il s'appuie sur de nombreux témoignages, en particulier Vassili Klioutchevski et Alexandre Soljenitsyne.

La question fatale porte sur l'influence de l'Occident : est-il source de mal ou de sagesse ? La défense des Slaves, la propagation de l'orthodoxie et plus tard du communisme restent les ressorts immuables de la politique d'expansion russe, dans son infini espace en Asie comme vers l'inaccessible rêve du contrôle des détroits et la conquête de Constantinople.

S'ajoute à partir du XVIIIème siècle lancinante question agraire, l'abolition du servage initiée par Alexandre II (assassiné en 1881), le début des réformes qui mécontentent tout le monde, le processus révolutionnaire, l'apparition de mots comme « intelligentsia », « nihilisme », les vagues d'attentats, le rôle provocateur de la police secrète, les déportations en masse …

L'ouvrage a été terminé en 1995. L'auteur ne cache pas son regard critique sur le projet et le système soviétique et son évolution : « à ses yeux, ils sont par essence, autoritaires, répressifs, incompatibles avec l'idée de l'Etat de droit et le respect des libertés et des droits individuels et structurellement incapables d'évolution démocratique » (M-P Rey).

Vingt-cinq ans plus tard, comme nous le voyons aujourd'hui, rien de nouveau sous le soleil de l'Est.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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