— Allan… Ne perds pas le contrôle.
Ces cinq mots sont un véritable électrochoc. Je me fige sur place, cesse tout mouvement de la main. Mon regard troublé rencontre ses orbes francs et sérieux, qui me communiquent un message que je ne peux ignorer.
Non… Perdre le contrôle, je ne peux pas. Je n’en ai pas le droit. C’est la pire chose qui pourrait arriver…
Tout autour de nous, la Nature se calme peu à peu.
La douleur est aussi forte que notre jouissance, et ces deux sensations dévalent en nous. Elles brisent nos os un à un avant de les ressouder, plus solides que jamais. Elles s’arrachent nos tripes, nous éventrent avec hargne, puis nous remplissent d’une chaleur salvatrice dans la seconde qui suit. Elles nous percent, nous étranglent, nous broient, nous détruisent tout à la fois… avant de nous faire renaître, de nous arrimer à la vie dans un même cri de plaisir.
Le bruit est assourdissant, les odeurs écœurantes de mort et de sang. Tous se battent, esquivent, repartent à l’attaque, s’acharnent sur leurs proies. Une frénésie sans nom s’est emparée d’eux et guide leur mouvement, dont le seul but final est de tuer à la place d’être tué.
Après un demi-tour sur moi-même, je prends un peu d’élan et frappe la chair offerte, tout en parant sans difficulté ses recherches de défense.
Encore.
J’obéis, non sans éprouver un immense plaisir à chaque fois que mes coups atteignent leur cible. Une giclure de sang fait son apparition sur l’abdomen tuméfié d’Onyr, et à cette vue je sens monter un sourire froid sur mes traits.
Encore !
— Tu es un être étrange, Allan, me fait-il part tout à trac, sans aucune autre forme de préambule. Tantôt craintif, tantôt sûr de lui… L’aura que tu dégages est tout aussi instable, comme incapable de s’arrêter sur une seule voie. Ton évolution risque d’être la chose la plus incroyable qu’il m’aura été donné de voir et à laquelle j’aurai participé.
Qu’est-ce qui m’arrive ?
Des larmes incontrôlables me montent aux yeux, mes rotules cèdent sous la pression étouffante qui m’assaille.
Mais qu’est-ce qui m’arrive, putain ?
Tout va changer, à présent.
Mais après tout ce qu’il s’est passé, après ce que nous avons vécu ensemble… je m’en veux amèrement pour tout ce temps perdu. Je contemple de très près, de trop près ma faute, et l’envie de pleurer me reprend devant ce grand gâchis.
Il m’est vital. Indispensable. Plus précieux que tout autre être au monde.
Je suis tellement désolée. Pardonne-moi…
Être déterminé, réfléchi, calculateur, implacable, intouchable. Être le meilleur... Et c'est maintenant que je vais m'efforcer de l'être.