Pour reprendre son souffle, Mandred prit appui contre une grosse roche. Il avait déjà parcouru la moitié du chemin. Il regarda la forêt derrière lui. La verte lueur des fées ne parvenait pas à en percer l'obscurité, mais ici, sur ce versant de la falaise, il faisait aussi clair que par une nuit de pleine lune.
Alors que la plupart des hommes des Pays du Nord en avaient peur, il avait toujours aimé ce genre de nuit, où il croyait voir dans le ciel des voiles tissés en clair d'étoiles.
Certains prétendaient que les elfes se cachaient dans cette lumière quand, par les nuits d'hiver, ils partaient à la chasse en chevauchant le ciel cristallin. Mandred sourit. Freya aurait trouvé plaisir à cette image. Les soirs d'hiver, assise auprès du feu, elle aimait écouter les conteurs évoquer les trolls des montagnes lointaines et les elfes au cœur froid comme les étoiles hivernales.
Noroelle sentit une Étoile d'albes à la croisée des deux Sentiers. Elle ferma les yeux et se concentra sur la force. Quand bien même la reine réussirait à suivre sa piste jusqu'ici, il lui serait impossible de la découvrir dans l'Autre Monde. Elle pourrait bien passer cent fois par cette Étoile, elle se retrouverait cent fois ailleurs dans le Monde des Humains, car ici, le lien entre les mondes était très ténu.
De quelque côté qu'elle regarde ses deux prétendants, elle n'arrivait pas se décider. Si Farodin lui dévoilait son être intime, elle le choisirait. Si Nuramon tendait vers elle ses mains pour saisir la sienne, elle lui accorderait sa préférence. La décision ne dépendait pas d'elle. Leur cour n'avait commencé qu'une vingtaine d'années auparavant. Ils attendraient bien encore une vingtaine d'années sa décision. Et si elle n'arrivait pas à se prononcer, celui qui montrerait la plus grande constance l'emporterait. Mais si là encore, on ne pouvait les départager, leur cour durerait pour toujours - à cette idée, Noroelle eut un sourire amusé.