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Critique de Polomarco


Ceux qui vont mourir nous apprennent à vivre, indique le sous-titre de cet ouvrage qui fit connaître Marie de Hennezel au grand public. En nous livrant un florilège de témoignages de ce qui se passe et se dit au seuil de la mort, elle nous rappelle que la vie est présente jusqu'au bout. Exemples à l'appui, comme autant d'étincelles d'amour formant un ultime feu d'artifice de vie, elle illustre comment sa proximité avec les mourants a changé sa vie. Et elle nous émeut.

La mort intime est un voyage au coeur de ces unités de soins palliatifs, "où on ne soigne pas d'abord une maladie, mais une personne" (page 114) qu'on ne peut pas guérir, et où on ne veut pas donner la mort, mais où on accepte seulement de ne pas pouvoir l'empêcher. "S'il n'y a plus rien à faire médicalement, cela veut-il dire qu'il n'y a plus rien à faire pour les mourants ? Ne sont-ils pas tous des vivants jusqu'au bout ?" (page 29). "Quand on ne peut plus rien faire, on peut encore aimer et se sentir aimé, et bien des mourants, au moment de quitter la vie, nous ont lancé ce message poignant : ne passez pas à côté de la vie, ne passez pas à côté de l'amour" (page 17).

A l'approche de la mort, les patients ont peur de mourir avant d'être prêts. Il est donc important de lever le tabou sur la mort et de lui rendre sa place au coeur de la vie. "La pire solitude pour un mourant est de ne pouvoir annoncer à ses proches qu'il va mourir" (page 44). le mourant sent et/ou sait qu'il va mourir et il a besoin de l'exprimer. S'il ne peut pas le faire, prisonnier d'un secret trop lourd à porter seul, il devient condamné à la confusion mentale ou au délire. Alors qu'en s'exprimant à la première personne, il ne subit plus sa mort, mais en devient l'acteur. Marie de Hennezel dénonce ainsi la "conspiration du silence" qui fait taire au malade le mauvais diagnostic, dans le but -vain- de lui laisser de l'espoir et ne pas l'achever. "On pense protéger celui qui va mourir, mais ne cherche-t-on pas d'abord à se protéger soi-même ?" (page 30).

Les demandes d'euthanasie expriment le caractère insupportable de la situation, mais elles sont néanmoins une tentative de communication. le malade a besoin de parler. le cas de Dominique (page 55) est symptômatique. Marie de Hennezel lui demande : "Êtes vous sûre d'avoir fini votre vie ?" Déstabilisée, Dominique lui répond : "Plus personne ne me rattache à la vie, non, mais il y a tant de choses à régler". Et c'est ainsi que remontent à la surface, s'expriment et se réalisent tant de choses qui permettent aux malades de partir dans la paix et de "ne pas s'en aller sans avoir renoué avec la vérité de leurs sentiments".

A l'approche de la mort, outre ce besoin de vérité, les malades ont donc besoin de temps. Revoir une dernière fois les enfants d'une première union, écrire une lettre de pardon pour effacer une vieille rancune ; "d'autres attendent tout simplement qu'un être cher, qui leur est douloureusement attaché et les raccroche à la vie, leur donne la permission de partir" (page 218).

Du côté de l'entourage, lorsqu'on est au bout des ressources thérapeutiques, il faut savoir assumer cette impuissance. Ne rien faire, ne rien dire, ne pas mentir ; mais être présent. C'est une forme de soin ("nous serons là pour vous accompagner jusqu'au bout") qui s'ajoute aux autres : assurer les soins de confort, empêcher de souffrir, aider le patient à vivre ses derniers instants comme il a envie de les vivre. Marie de Hennezel ne cache pas que c'est parfois difficile. "Il y a des moments où j'ai l'impression de ne plus pouvoir aider, d'être à mon tour submergée. Nous avons pleuré ensemble car je ne savais rien faire d'autre" (page 104).

L'ouvrage est préfacé par François Mitterrand, alors Président de la République, qui visita avec intérêt et émotion l'établissement de Marie de Hennezel et qu'il reçut lui-même au Palais de l'Elysée, dans les dernières semaines de son mandat, malade et conscient de sa fin prochaine.
Un ouvrage d'une rare intensité.
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