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Critique de PGilly


Marie de Hennezel se confie comme jamais, à soixante-dix-sept ans, au seuil du cinquième âge et ça déménage !
J'ai lu des pages inoubliables. Tellement nourrissantes que je ne sais pas où donner de la tête. Je vais donc privilégier quelques idées-force.
Son itinéraire de femme engagée m'a enthousiasmé.
Elle bouscule les tabous de la mort, de l'invisible, du vieillir. Elle préfère Jung à Freud, à rebours de la mode lacanienne. L'anticonformiste de nature se fie à son intuition, un peu chamane, un peu médium, dira François Mitterrand, approché puis connu dans la foulée d'un rêve in-spir-é et d'une lettre au sphynx. Elle consacre des pages surprenantes à leur relation purement spirituelle, cultivée sur onze années, jusqu'à la mort différée du président. Lorsqu'il accède à l'Élysée en 1981, les médecins lui prédisent entre trois mois et à trois ans d'espérance de vie. Il mourra en 1995.
Elle se forme à haptonomie alors qu'elle commence à accompagner les mourants. Elle apprend la manière de toucher une personne afin qu'elle retrouve confiance et sente le « bon » en elle. L'accompagnante s'assied sur le lit du patient, lui permettant de s'enrouler en position foetale autours du corps de l'écoutante. La peau renoue ainsi avec sa sécurité de base, celle ressentie, nourrisson dans le ventre de sa mère.
« Dans le tact, il y a une écoute, un respect, de la tendresse. »

Marie de Hennezel aime ce qu'elle fait, les rencontres qui en découlent, aime la vie et ses surprises. Difficile de la faire entrer dans une case. Rebelle dans l'âme, elle pourfend le suicide assisté, récuse la légifération de la fin de vie. Elle propose plutôt d'aider le mourant à trouver ce qui lui procure de la joie, de l'aider à redonner du goût à la vie.
Elle préconise l'anorexie finale décidée en toute lucidité et en connaissance de cause. La personne cesse de boire et de manger et s'en va doucement. Les unités de soins palliatifs savent parfaitement encadrer ce départ assumé. La contestataire pense qu'une loi arrange beaucoup de monde. Une injection létale et hop ! Une personne bien aidée en fin de vie coûte cher à la collectivité.
Des alternatives existent à l'EHPAD, les béguinages et habitats solidaires, par exemple. le propos prend un tour politique pour fustiger une classe dirigeante aveugle à la nécessité de penser et de financer le soin d'une longévité accrue. de nombreuses initiatives individuelles attestent l'existence d'une solidarité intergénérationnelle. Mais l'implication des politiques est indispensable, bientôt aux prises bientôt avec une situation explosive, au vu de la croissance du peuple des anciens.

Parler de la fin. La parole délivre, allège.
Dire ce que l'on veut, ce qu'on ne veut plus.
Se mettre au clair avec la mort.
Confier ses directives à une personne de confiance, futur porte-parole éventuel.
Anticiper ses derniers jours, pour mieux vivre la mort.
Dialoguer assez tôt avec une équipe de soins palliatifs.

Cette femme exceptionnelle, psychologue atypique, répond avec franchise au journaliste, venu recueillir son témoignage durant quelques jours dans sa belle maison de l'île d'Yeu. Son itinéraire de femme engagée m'a passionné et nourri, récit d'anecdotes, de moments-clés, de rencontres touchantes, d'opinions tranchées.
Toutefois, ce qui m'a fort impressionné, c'est sa relation avec l'invisible. Ses patients attendaient qu'elle les rejoigne dans cet espace intérieur qu'est l'âme, ou en tout cas qu'elle s'en approche, « car l'âme est ce qu'il y a de secret, de mystérieux, d'énigmatique en tout être humain ».
Accueillir les signes de l'invisible surtout quand ils font du bien, sans chercher à les interpréter. Et de raconter une merveilleuse histoire de papillon, manifestation d'un disparu. Chaque être possède sa longueur d'onde propre. Rien n'interdit de penser qu'elle puisse subsister après la mort. Plus tard, nous serons peut-être des ondes, informatrices d'un corps dont nous n'avons aucune idée.
Renversant, détonnant, pourtant naturel chez la confidente du dernier souffle de centaines de personnes :
« Je n'en ai pas vu une seule - je dis bien pas une seule ! qui croie au néant".

Les convictions et les certitudes abdiquent face au mystère de l'au-delà.
Marie de Hennezel évoque sa propre fin dans un épilogue serein, déterminée à continuer sa mission ici-bas.
« Je constate que l'énergie m'est donnée dès lors que je suis dans mon axe de vie. »
Ces paroles sincères aident grandement à finaliser une belle dernière ligne droite.







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