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Critique de LeScribouillard


Après deux excellents premiers tomes, il est temps de retrouver la Horde du Contrevent qui n'a pas l'intention d'avoir traversé plus de la moitié de son monde simplement pour écrire des guides touristiques. Et alors qu'elle croyait avoir tout traversé, voilà que l'attend une épreuve pire que tout ce qu'elle a pu connaître : la Flaque de Lapsane…
Immense mélange entre grand lac et marécages, la Flaque est une étendue d'eau sans fin, pleine de chrones dangereux et de bestioles vicieuses, couverte de tempêtes lors de la saison des pluies et subissant le reste du temps ou bien les vents pluvieux, ou bien les pluies venteuses. La Bretagne, quoi. Mais avec plus de tentacules.
Éric Henninot nous avait habitué au grandiose et à la démesure, il ne démérite pas une nouvelle fois avec ce paysage rempli de plantes titanesques courbées par le vent. Oui mais ici tout est pourrissant : chaque forme de vie semble éteinte par ce climat impitoyable, se traînant lentement vers une mort aussi lente qu'inéluctable. Les couleurs qui n'avaient jamais été vives prennent ici une teinte terne voire sinistre ; les quelques moments où elles reparaissent sont les seuls où il semble à nouveau possible de vivre avec un semblant d'esprit serein. Même Te Jerkka, le sensei bienveillant d'Erg Machaon, est représenté la tête couverte d'algues gluantes. Si dans le roman de Damasio il était facile d'imaginer la Flaque quelque chose d'éprouvant physiquement, Henninot quant à lui va insister sur le côté psychologique ; avec les subtiles modifications de son adaptation, les souffrances de Sov et de Callirhoé explosent lentement entre deux révélations ou déflagrations de violence. C'est même l'occasion de reprendre une trouvaille de Damasio qui servait un peu de danger-filler pour permettre aux personnages de se battre avec ; ça ne sert qu'une seule fois, mais c'est très bien vu.
On pourra toujours râler que le style virtuose du roman originel commence à revenir de plus en plus avec ses grandes acrobaties verbales ; mais c'est un détail qui ne m'a dérangé que durant la première moitié du bouquin. Entre les discussions animées et les dangers à baver se glisse lentement l'idée du vif, de quelque chose que nous garderions de l'autre après sa mort, venant approfondir un peu plus la cosmogonie de Damasio ; et c'est agréable de voir aussi bien distillées les informations à mesure que l'aventure se déroule, dans une fluidité quasi-parfaite malgré la lenteur contemplative et désespérée qui s'immisce à mesure que nous tournons les pages.
Fresque noire, épuisante, mais ô combien belle dans tous ses aspects tragiques, La Flaque de Lapsane nous plonge dans les tréfonds de la dépression de ses personnages à mesure que leur voyage devient insoutenable, l'exprimant aussi bien par des dialogues pleins de tension que par un décor tourmenté inoubliable. L'ayant moi-même lu durant un épisode dépressif, je n'ai pas pu l'apprécier au même titre que ses deux précédesseurs. Il n'empêche qu'on reste sur une proposition solide et cohérente, et que je serai certainement là pour le tome 4. Parce qu'après tout, c'est pour ma culture…
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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