Cœurs confinés

Je trouvais ça plutôt mignon ! Je pensais que cela n’arrivait que dans les films, mais il fallait croire que non. Je n’avais aucune idée de ce que je pourrais mettre dans une telle liste…

Le fait d’être acteur aidait beaucoup, et je jouai la comédie pendant tout le week-end en répondant poliment à toutes les questions, alors que le cœur n’y était pas. Je voulais rentrer chez moi dans mon petit appartement ou voir Lou, mais, à la place, j’étais à Lille… Je me sentis oppressé tout le week-end, soit par mes parents qui faisaient du mieux qu’ils pouvaient pour passer du temps avec moi, soit parce qu’ils cherchaient à en savoir toujours plus sur ma vie déprimante.

y avait deux types de personnes ; ceux qui n’étaient pas raisonnables et, au contraire, ceux qui se ravitaillaient une seule fois pour survivre pendant un bon bout de temps. J’étais plutôt de la deuxième catégorie et avais fait un stock de farine, d’œufs et de papier toilette pour tenir un moment

J’étais admiratif puisque je n’étais pas un grand sportif et que la course était pour moi synonyme de torture. Je finissais rapidement essoufflé avec les jambes en coton… Mais elle avait besoin de cet espace de liberté, surtout en ces temps de confinement.

Je lui aurais bien dit qu’elle ne ressemblait pas vraiment à une adulte actuellement, mais préférai me taire, ne voulant pas recevoir ses foudres. Elle avait changé radicalement d’humeur en un laps de temps si court que c’en était effrayant. Je n’avais pas l’habitude des crises de nerfs de cette sorte, les seules dont je me souvenais étaient celles de ma sœur quand elle était enfant lorsqu’elle voulait à tout prix quelque chose que mes parents lui refusaient. J’avais désormais une vie tranquille digne d’un senior.

Ça s’appelle la scopa, mais ça faisait désormais un moment que je n’y avais plus joué. Je l’avais mis dans une boîte sur une des étagères poussiéreuses de ma bibliothèque, ne pensant plus jamais rejouer une partie de ma vie. Mais, encore une fois, Lou me ramenait à Lola. Quand je dis le nom du jeu de cartes à Lou, elle me répondit qu’elle ne connaissait pas. Je regardai les règles du jeu sur Internet et les lui expliquai ensuite.

Vivre dans vingt mètres carrés ne semblait pas être son rêve le plus fou, surtout quand on ne pouvait sortir qu’une heure hebdomadaire ! Nous avions de la chance, car il ne faisait pas encore trop chaud à cette période, mais, si le confinement continuait jusqu’en avril, nous risquions de suffoquer et mon petit ventilateur nous serait bien utile.

J’espérais que, dans les jours à venir, les rues deviennent presque désertes, car sinon la circulation du virus ne ferait qu’augmenter. Les quelques jardins publics à côté de chez moi étaient désormais fermés et cela voulait donc dire un lieu de vie en moins.

Pour certains, c’était peut-être le cas, vivre sans ses parents rimait avec un vent de liberté. Même si au début, j’avais aimé cette indépendance, désormais, je ne voyais plus ça de la même façon, c’était juste une solitude extrême et une routine plus ou moins barbante.

Elle était même tout sourire et m’avait fait la bise d’une façon si naturelle que j’en étais décontenancé. Elle était exactement comme sur les photos et elle semblait bien avoir une vingtaine d’années, ce qui me soulagea. Je lui offris la rose achetée un peu plus tôt et elle me remercia tout sourire. J’étais un romantique de la première heure et, dans tout bon film romantique, l’homme offrait une rose, il me paraissait ainsi normal de faire de même.