«
Les Amandes Vertes» est une bande dessinée tout en nuances, en nuances de gris. Anaële raconte ses dix mois de travail en Palestine à sa soeur Delphine restée en Belgique. Delphine dessine. Anaëlle écrit, tout en pudeur, tout en délicatesse. À la grande soeur absente de voir entre les lignes, de mettre des images, tout en douceur, tout en humanité, autour de la voix de la petite soeur expatriée. Et «
Les Amandes Vertes » nous parlent alors de petits plaisirs quotidiens universels : elles se dégustent à l'apéro, entre femmes, avec des amis, lors de repas de famille.
Hélas, il y a bien une nuance de gris qui domine, une ombre qui n'existe qu'en Palestine, le gris du mur de sécurité, qui empêche de voir la mer, qui empêche de voir l'avenir. Et ces hommes qui portent des souffrances, des souvenirs de prison, des morceaux de balles dans la tempe, qui ouvrent les portes de leur maison, qui ouvrent leurs bras aux étrangers, sont soudain silencieux, épuisés comme un après-midi de ramadan, incapables de partager les doutes et les désespoirs qui les rongent, incapables d'accueillir dans leur coeur un peu d'amour inattendu. « C'est habituel ici », disent-ils. Pendant ce temps, le mur avance, Majdi déprime et Moussa restera six mois de plus en détention préventive. Pendant ce temps, leurs associations continueront d'aider et de redonner espoir aux femmes, aux jeunes de Palestine et d'accueillir des volontaires étrangers. Et Anaële n'aura plus envie de revenir en Belgique, dans ce pays en noir et blanc où la Palestine peut sembler une terre sans nuance.
«
Les Amandes Vertes», de Delphine et
Anaële Hermans, se lisent avec plaisir et intelligence. Elles donnent envie de rencontrer les autres, par-delà les conflits, les clichés, et de faire reculer les murs. Ces lettres de Palestine nous touchent parce qu'elles répondent à des cartes postales de Belgique. Nous devrions tous avoir une petite soeur à qui écrire :
« Salut Nan,
Tu pars bientôt… Quand j'expliquais « Ma soeur part à Bethléem », ça me paraissait si loin. Mais là, ça devient brusquement concret. Comment fait-on un sac pour 10 mois en Palestine ?
Dis-moi, tu prendras soin de toi ?
Delphine »