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Critique de Sarindar


Oublions ce que l'on sait, et même la question essentielle quand il s'agit d'Agnès Sorel : a-t-elle joué un rôle de premier plan auprès de Charles VII dans une mue que Jeanne d'Arc aurait contribué à faire naître et que la Dame de Beauté aurait aidé à transfomer en véritable programme politique et militaire pour sortir le royaume de France de la guerre de Cent Ans (un tout récent colloque a tourné autour de l'évaluation de ce rôle qu'aurait tenu la jeune femme auprès du roi) ? Oublions que le roi s'il avait bien eu besoin de la Pucelle d'Orléans pour stopper les Anglais sur la Loire, n'avait eu besoin de personne pour privilégier le rapprochement avec le duc de Bourgogne, seul préalable indispensable et réalisé (sans Jeanne et sans Agnès) pour espérer bouter les Anglais hors du royaume.
Oublions tout, et laissons-nous emporter et subjuguer par le récit fantastique imaginé par Martine Hermant sous le beau titre de la Vierge au lait (d'après l'un des noms donnés à cette belle peinture de Jean Fouquet qui représente Agnès Sorel en allaiteuse au sein nu). Nous sommes devant un texte écrit par un homme qui, ayant fait plusieurs séjours par nuit de pleine lune au château de Bois-Sir-Amé, aurait eu des rencontres bien détaillées, physiquement et matériellement incontestables dans la description qui en est faite, avec le fantôme de la défunte, prisonnière de son personnage, mais dont l'âme inconsolable chercherait le salut dans le pardon des péchés de chair commis avec le roi et des sujets de cour influents comme Pierre de Brézé et Jacques Coeur, sans jamais parvenir à mettre fin à son jeu de séduction dont le narrateur aurait à son tour, par-delà la mort, réussi à devenir une victime plus que consentante. Tout tourne autour de ces magiques rendez-vous où entrent inévitablement de l'amour et beaucoup de sensualité, ce qui, chaque fois, nous rend la scène féerique presque crédible et authentique. Nous n'échappons pas à ce mirage et l'on se demande comment cette histoire va bien pouvoir s'achever. Martine Hermant ménage avec raffinement et doigté le suspense qui va crescendo jusqu'à une conclusion totalement inattendue qui répond à toutes les questions matérielles que l'on peut se poser. Mais l'autrice fait mieux encore : à l'audace, elle mêle la grâce, le charme, l'amour courtois, et le consentement à la chair, mais comme ce commerce s'accomplit entre un homme venu tout droit de l'avenir ou de notre présent et une femme du passé, il y a une barrière à la fois franchissable et infranchissable qui se présente, et pas que symbolique. Avec une langue, de très belle tenue littéraire, qui sert d'écrin à cette histoire, Martine Hermant trouve le moyen de nous entraîner au-delà du réel tout en nous maintenant les pieds sur terre. Nous la suivons les yeux fermés. L'exercice est réussi, la magie opère. le lecteur est conquis. Il est "ravi".

François Sarindar
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