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Critique de AMR_La_Pirate


Merci à NetGalley France et aux éditions Dargaud pour l'envoi de cette BD de Hernan Migoya et Segui Nicolau Bartolomé.
Naturellement, en tant qu'inconditionnelle de Manuel Vásquez Montalbán, je ne pouvais que m'intéresser à cette adaptation en BD d'une aventure du célèbre détective catalan, Pepe Carvalho…
Il s'agit ici du Tome 2 de la série consacrée à ce célèbre personnage, La Solitude du Manager, le premier (que je n'ai pas lu) étant consacré à Tatouage
Sur le site de l'éditeur, ces albums sont ainsi présentés : « le tandem formé par Hernán Migoya et Bartolomé Seguí adapte en bande dessinée les enquêtes de Pepe Carvalho, l'inoubliable privé barcelonais créé par Manuel Vázquez Montalbán. Une balade sans nostalgie dans les rues du Barrio Chino et dans les cloaques du pouvoir, au fil de pages qui sentent le cuir et la poudre, le zinc des bistrots, le tabac brun et l'anis sec… ».

La Solitude du Manager se passe en 1977 mais, au cours de cette enquête, Pepe Carvalho est rattrapé par l'époque où il était agent de la CIA, en 1969.
Il se remémore sa rencontre, lors d'un voyage aux États-Unis, avec un certain Antonio Jaumà, manager de la branche espagnole d'une multinationale. Mais voici qu'il se retrouve embauché par la veuve de Jaumà, dont le cadavre vient d'être découvert sans slip mais avec une petite culotte dans la poche… L'affaire semble claire : règlement de comptes autour d'un trafic de prostituées.
Mais ce n'est pas aussi simple que l'on veut bien nous le faire croire car l'Espagne émerge à peine de la longue nuit franquiste et abrite encore trop d'individus prêts à tout risquer pour conserver certains privilèges...

J'ai retrouvé avec plaisir et même une certaine admiration l'univers si particulier de Pepe Carvalho, le désordre de son appartement, son étrange rapport à la culture qui le pousse à brûler ses livres, son côté bon vivant et épicurien autour de la cuisine, des bons vins et de tous les plaisirs de la vie. J'ai apprécié l'importance restituée par le scénario de Hernan Migoya aux repas et les digressions sur l'art de préparer et de savourer les plats avec notamment des développements sur la langouste ou le canard…
La BD nous plonge sans concessions ni tabou dans l'intimité de Pepe Carvalho ; ainsi, j'ai pris en pleine figure certaines de ses postures que mes lectures des romans de Manuel Vásquez Montalbán avaient peut-être pudiquement édulcorées. Nous le voyons parfois nu, en train de baiser, en érection, assis sur le siège des toilettes, en proie à des rêves érotiques ou s'abandonnant à des fantasmes très suggestifs… Son côté machiste crève certaines planches…
J'ai aussi retrouvé le côté fataliste et philosophe du détective, « ancien enseignant, ancien rouge, ancien agent de la CIA, amant d'une pute » dont le CV peu sélect entraine une certaine sélection de sa clientèle, son côté « flaire-braguette » qui continue l'enquête pour aller au bout du travail même si la veuve lui demande de tout arrêter : « un chèque ne vaut pas la peur de la mort ».
Les personnages secondaires sont à la hauteur de leur réputation, plutôt bien transposés dans l'adaptation graphique : Charo, Fuster, Bromure et Biscuter… Au sujet de ce dernier, j'avoue que la transformation de son nom en Biscooter m'a cependant agacée.

L'ambiance de l'après franquisme transparaît dans les dessins et les couleurs de Segui Nicolau Bartolomé… Les planches extérieures, foisonnantes de détails, méritent des arrêts sur images et des relectures. Je garde en mémoire les reflets de la ville de Barcelone dans l'iris d'un oeil, par exemple, ou des scènes d'émeutes…
La Solitude du manager déroule une intrigue complexe aux nombreuses ramifications et avec de fréquents aller-retour entre le présent et le passé. le personnage de la victime, que les souvenirs de Pepe Carvalho nous permettent de voir évoluer de son vivant, y gagne en profondeur ; le manager est seul mais « histrionique, intelligent et dangereux ».
Enquête compliquée, roman dense… Les 80 pages de l'adaptation graphique méritent une lecture approfondie et même une relecture pour ne rien laisser de côté : beaucoup de texte et innombrables détails…
L'ensemble est très cinématographique et pas seulement grâce aux références à Humphrey Bogart, Alan Lad ou Gene Hackman. Les couleurs des planches y sont pour beaucoup avec une belle alternance de plans larges et rapprochés. J'ai souvent pensé aux séries télés inspirées de l'oeuvre de Manuel Vásquez Montalbán.

J'ai apprécié le petit bonus final sur les conditions d'embauche de Biscuter en qualité de secrétaire, cuisinier, confident et homme à tout faire.
Si je devais formuler un seul bémol, ce serait au sujet des physionomies des personnages… Je reconnais qu'il est difficile de cerner en quelques traits de crayons et touches de couleurs toutes les évolutions d'un visage au gré des émotions qui le parcourent mais, d'une planche à l'autre, j'ai trouvé que le tracé des visages des un(e)s et des autres manquait de rigueur et je ne parle pas des différences dues aux années qui séparent certaines scènes.
Et puis, dans la version numérique que j'ai eu sous les yeux, Manuel Vásquez Montalbán n'est presque pas cité et c'est tout de même un comble !

Une découverte intéressante et une belle adaptation, respectueuse de l'univers original…
Je lirai sans doute le tome 1 dès que possible, même si je pense rester fidèle aux romans de Manuel Vásquez Montalbán qu'il vaut mieux, selon moi, avoir lus avant les BD.

#PepeCarvalho #NetGalleyFrance
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