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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Écrit sous la forme d'un journal, le récit s'ouvre en 1956 sur l'enfance idyllique de Leïla, 8 ans. Elle vit en Algérie avec ses parents, ses cinq soeurs et deux frères et avec sa merveilleuse grand-mère dans une belle et grande maison avec jardin que lui envie toutes ses amies, même les Françaises. Son père a son propre cinéma dans lequel il projette les films qu'il choisit et fréquente aussi bien des arabes que des français. Les premières pages du récit sont empreintes d'une beauté touchante lorsque Leïla parle de sa grand-mère, des histoires qu'elle raconte, de ses mains magiques capables de toute faire, des rituels familiaux. Derrière ce portrait magnifique, je n'ai pu m'empêcher de retrouver avec nostalgie un peu de ma propre grand-mère.

Mais, dès 1957, les violences de la guerre d'Algérie viennent détruire leur vie. Des gens sont tués, Majid le frère de Leïla est enlevé, enfermé et torturé, puis c'est au tour de son père d'être fait prisonnier.

"Je sais qu'il y a des morts de partout, en Algérie et en France. Tous les jours on l'entend à la radio. C'est la guerre. "C'est Eux ou Nous."
Avant dans le "Nous", il y avait mes amies françaises.
Nos différences nous amusaient. Maintenant, elle nous renvoie à nos peurs."

L'indépendance de l'Algérie proclamée, c'est une nouvelle vie qui commence pour Leïla. Avec son caractère bien trempé, Leïla souhaite participer à la construction du pays. Difficile pour elle de le faire accepter par ses parents, qui ne comprennent pas qu'une fille ait besoin de faire des études et qui aimeraient la marier. Pour Leïla, "chaque miette de liberté une conquête". En constante opposition avec son père, elle va pourtant réussir à faire ce qu'elle entend de sa vie : visiter la France, travailler avec des enfants sourds-muets, épouser l'homme qu'elle aime, vivre à Paris pour rédiger son mémoire de fin d'études.

En 1974, Leïla et son mari retourne habiter à Alger. Commence alors une vie agréable, ils sont entourés par leurs amis et voisin, au sein d'un quartier animé. Leïla accouche de sa première fille, Maïssa. Mais, la montée de l'islam radical rend rapidement le climat irrespirable pour une femme libre et indépendante comme Leïla.

"L'"islam vrai" n'a rien à voir avec l'"islam religion d'État de la République algérienne démocratique et populaire". Cet islam-là, disent-ils, est gangrené, aménagé par la corruption des grands afin de détourner le peuple de la voie divine. Eux, veulent nous aider à retrouver "la pureté fondatrice"... de gré ou de force. Elle passe par le port du hidjab pour les bonnes musulmanes.
Nous, les femmes, les évitons comme la peste. La peur d'être vitriolée. Quand nous les côtoyons, nous anticipons une attaque, nous sommes sur nos gardes. Drôle de jeu de cache-cache, invisible et complexe... meurtrier parfois."

Retour en France pour Leïla et sa famille. Il faut à nouveau se reconstruire une vie, loin de sa famille et de son pays. Leïla accouche de sa troisième fille, Dalya, qui prend à son tour la parole dans ce journal intime à quatre mains. Dalya ne connait pas l'Algérie, sa mère en parle très peu, elle se s'interroge sur ses origines, sur ses liens avec ce pays inconnu, pressés parfois par les questions indélicates de ses amies françaises. Sont évoqués ici les problèmes de la transmission et de l'identité d'une jeune fille perdue entre deux pays.

"Maghrébins, arabes, musulmans, islamistes. Quand l'imaginaire collectif intègrera-t-il que la religion n'est pas une nationalité ?"

C'est avec beaucoup de talent que Zakia et Célia Héron évoquent tout un pan de l'histoire algérienne, indubitablement liée à celle de la France, de la guerre d'Algérie aux récents "Printemps Arabes". Les thèmes évoqués - exil, identité, transmission, racisme...- sont forts et rendent le récit particulièrement intéressant car, tout en prenant du plaisir à notre lecture, ils nous interpellent, nous font réfléchir. J'ai toujours aimé les récits qui nous apprennent des choses.
Les deux auteurs utilisent le journal comme forme de récit, ce qui le rend plus sincère, plus intime, et cela fonctionne particulièrement bien pour traiter une période qui s'étale de 1956 à 2010. J'ai parfois regretté les sauts dans le temps, les trous d'une année sans explication, mais au final, le premier qui voit la mer est une réussite, un texte vraiment captivant.
Lien : http://leschroniquesassidues..
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Merci à Babelio (Masse critique) et aux éditions Versilio.

Avril 1956, un village en Algérie ; Leïla a 8 ans, cinq soeurs et deux frères. Sa famille vit dans la partie française de la petite ville et les amies de Leïla s'appellent Denise, Chantal, Dominique ; c'est une petite fille plutôt heureuse, elle a une grand-mère qui sait les plus belles histoires et une soeur très proche, mais c'est aussi une enfant qui se pose beaucoup de questions sur la place des femmes et des filles, sur Dieu, sur la couleur très foncée de sa peau, sur le fait d'être arabe ...
Petit à petit, à travers les yeux de la petite fille, on voit la famille - et la société - fonctionner ; puis les choses vont changer : une bombe explose dans le cinéma de son père, le fils aîné Majid est arrêté, et les milices de l'OAS parcourent les villages. Leïla est bonne élève, elle peut aller au lycée alors que ses parents sont analphabètes ; elle cède en apparence à tout ce que la société, la religion lui impose mais à l'intérieur elle bouillonne et se rebelle.
A l'été 1961, il faut déménager, partir à Blida, habiter la partie arabe ; puis c'est l'indépendance, la liberté, Leïla a quinze ans.
Dans la deuxième partie du livre, à partir de 1965, Leïla est devenue une jeune femme décidée, qui suit sa route tout en étant attentive aux autres. Elle se marie - contre l'avis de son père - et a des enfants ; puis c'est l'arrivée ou plutôt le surgissement des " fous de Dieu" ...
Une troisième partie permettra à une de ses filles devenue grande de s'exprimer, de parler de sa mère et de l'Algérie qu'elle ne connait pas.

Ecrit sous forme de journal, un récit très intéressant parce qu'il apporte un point de vue de l'intérieur et évolutif ; de la guerre d'indépendance au printemps arabe ce livre nous donne à connaître l'Algérie et des algériens d'une façon différente et originale. La réalité est plus complexe qu'on ne le croit souvent et ici, une femme puis sa fille se dévoilent profondément et sincèrement. Un témoignage passionnant !
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Leila, tu as cherché à voir la mer car pour toi, c'était le moyen de voir la vie.
Leila, ta jeunesse dans ton pays, colonisé.
Colonisé, ta vie va t'apprendre à découvrir ce que ce mot veut dire, à la fois dans ton corps et dans ton esprit. Cette guerre qu'aujourd'hui encore, on a du mal à nommer!
On a parlé pendant si longtemps des "événements", nous les colons.
Toi, tu as vécu ce temps là, les humiliations qu'ils t'ont fait subir, tu as pu voir et ressentir ces gestes qui petit à petit sont venus empoisonner ton quotidien et te rendre prisonnière de clichés absurdes.
Tu as vu leurs comportements changer, tu les as vu devenir, méfiants, méchants, ....
Jusqu'à l'insupportable, jusqu'à leur départ, et ton constat : l'Algérie est enfin algérienne.
Leila, ta jeunesse dans ton pays, enfin indépendant, libéré de nous, colonisateur.
Ta vie va enfin te permettre de t'épanouir, de vivre au milieu des tiens, de choisir comment tu veux vivre, de choisir ton mari, tes amis,.... Tu vas enfin pouvoir réfléchir non pas pour respecter ta famille, les autres, mais simplement trouver le sens que tu veux donner à ta vie.
Tu vas enfin te libérer des clichés dans lesquels tu t'étais trouvée, enfermée, prisonnière de l'image qu'il fallait donner, de ce qui était admis de faire et faire enfin, ce que tu as envie.
MAIS, voilà, c'était sans compter sur ces murs que certains vont réussir à installer, ces murs qui petit à petit vont rétrécir ton espace vital, le poids de la religion qui va venir ternir ton quotidien et l'embarrasser d'interdits, tous plus idiots les uns que les autres.....
Jusqu'à l'insupportable, jusqu'à ton exil forcé, et ton constat : l'Algérie est devenue intégriste.
Leila, ta vie dans cette France que tu as choisie de rejoindre, cette France qui t'accueille plutôt mal, tu es et tu resteras algérienne, toute ta vie tu resteras déchirée par cette double appartenance, jamais entièrement algérienne car tu ne peux te reconnaître dans ce qu'est devenu ton pays, jamais entièrement française car les autres ne te reconnaîtront pas comme telle par la couleur de ta peau, le soleil de tes yeux ...
Leila tu suivras l'actualité et les malheurs qui frappent ta terre originelle :
Le massacre de Bentalha ("dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997, des criminels sans foi ni loi se sont acharnés durant plus de cinq heures sur des enfants, des femmes et des vieillards sans défense dans une zone dite "protégée" ! Des survivants miraculés de ce massacre horrible crieront leur rage devant les caméras du monde entier devant la passivité des autorités qui les avaient abandonnés à leur sort face à leurs bourreaux sanguinaires").
Tes notes du 5 juillet 1992 :
"Trente ans que l'Algérie est indépendante.
Sept jours que son président, Boudiaf, a été assassiné.
Ce qui devait être une fête n'est qu'un immense désarroi.
Y a t il une fin au malheur quand il s'installe dans un pays ?"
Tes espoirs illustrés par un poème d'Abou Kassem El Chabbi :
"Lorsqu'un jour le peuple décide de vivre,
Force est pour le destin de répondre,
Force est pour les ténèbres de se dissiper,
Force est pour les chaînes de se briser".

Alors j'ai envie de hurler, même si je ne crois en aucun Dieu,
J'estime avoir le droit de prier des hommes et des femmes de lire ce livre :

A tous ceux qui pensent qu'un voile doit recouvrir le corps d'une femme,
A toutes celles qui souhaitent prouver leurs différences et affirmer leurs appartenances à une communauté en cachant leurs corps derrière un voile quelqu'en soit la dimension et la couleur,
A tous ceux et celles que l'on nomme beur ou beurette de nième génération, je leur demande de prendre un peu de leur temps pour réfléchir à ce qu'ont vécu leurs parents,
A tous ceux là, lisez ce livre, itinéraire de femmes qui pourraient être votre grand mère, votre mère, vos soeurs ou vos enfants...
Revivez les horreurs qu'elles ont vécues, les malheurs qu'elles ont affrontés, les combats qu'elles ont du mener contre les colonisateurs, les donneurs de leçon, leurs familles engluées dans les traditions.
Lisez ce livre et réfléchissez à vos gestes à l'avenir,
Pour ne pas recommencer à s'enfermer dans un intégrisme réducteur,
Pour que vos filles n'aient pas à recommencer ce combat qui a déjà été mené et gagné par vos mères contre l'obscurantisme!
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Le premier qui voit la mer est un merveilleux titre ! On s'attache tout de suite à Leila et sa famille, des gens simples, aimants et respectueux (des traditions, des valeurs, des autres, de la famille). Non soumise et un peu obstinée, intelligente et positive, elle n'hésite pas à tenir tête à ses parents pour ne pas se marier quand son père le décide, pour s'inscrire à la fac, voyager, choisir son métier et son époux…s'émanciper tout simplement. le fort attachement qu'on éprouve pour elle rend son récit plus fort et vivant. Les émotions sont bien présentes, d'abord porté par une vague d'amour pour ce beau et riche pays (la richesse humaine m'a touché), on finit par être gagné par la peur, la colère devant tant de bêtises (exigences et intolérances liées à l'intégrisme) et l'amertume lorsque l'exil s'impose................
Lien : http://libre-r-et-associes-s..
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