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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
L'histoire commence le 15 avril 1956, une petite fille est allée chercher du fromage pour sa mère et tout le monde la dévisage, ce qui la met très mal à l'aise. Cette fillette s'appelle Leïla. Elle a huit ans et cinq soeurs et deux frères. Elle vit dans un quartier habité surtout par des colons parce que son père a hérité du cinéma du quartier. On va la suivre ainsi jusqu'en juillet 2011, soit sur une cinquantaine d'années...

Ce que j'en pense
J'aime beaucoup l'héroïne, Leïla et sa façon de raconter son pays l'Algérie qu'elle aime, et qui peu à peu se transforme en cauchemar.
Pendant, les vacances, comme sa soeur, elle doit faire les travaux dans la maison, c'est le rôle des filles : laver les sols, les mouchoirs, à la main, les conserves de tomates… sa grand-mère raconte des histoires. Les voisines échangent des plats cuisinés, des desserts. Même s'il y a des moqueries, tout se passe bien, mais leurs vies sont différentes.

La violence monte de manière graduelle avec le couvre-feu, puis des exactions dans les deux camps, les arrestations la nuit, d'abord son frère Majid, puis c'est au tour de son père qu'elle va voir en prison avec sa mère et qui lui demande d'être la meilleure dans les études.

on a une description de la situation des femmes et des filles les unes par rapport aux autres dans la fratrie : la grande soeur Zahra n'a pas eu le droit de continuer ses études malgré ses bons résultats. Elle doit aider la mère et se retrouvera mariée malgré elle, car il est dangereux d'avoir une jeune fille de vingt ans à la maison en période guerre.

Leïla subit les contraintes d'être une fille, les premières menstruations et tout ce qui en découle : les serviettes qu'il faudra laver à la main, et cacher ; le ramadan qu'il faudra interrompre parce qu'elle est impure. "C'est un roman d'espionnage. Je suis l'héroïne. En prime, la honte, c'est d'être une fille". P 66

Il y a aussi les amitiés qui évoluent, son amie Camille, d'origine Bretonne dont le père est militaire, et avec laquelle elle restera toujours en contact. La peur qui peu à peu change de camp.

Elle évoque la fatalité, voire le fatalisme dans l'Islam, sa révolte que personne ne comprend ; on fait même appel au grand-père pour la raisonner, en vain. Elle veut pratiquer l'Islam autrement, donc en épousant Martin, son père va la renier et ne plus vouloir la revoir. Mais elle va trouver sa voie en enseignant dans une école pour sourds-muets. Comme elle, ils sont différents, incompris.

Les deux auteures nous décrivent l'Algérie en guerre, puis toute l'histoire de la reconstruction qui est très bien racontée. L'époque communiste avec l'aide de Moscou, les politiciens corrompus et la montée des Frères Musulmans, le changement des mentalités: les Frères musulmans qui versent de l'argent aux familles pour que les femmes cessent leur travail et restent à la maison. Sa meilleure amie qui a passé sa vie en jeans, opte pour le foulard et la soumission.

On comprend très bien l'importance de la langue française, du refus des rituels musulmans au profit d'une pratique religieuse différente, presque la laïcité, en fait et la liberté.

Leïla et sa famille sont en danger et doivent partir en France en 1981.
Et dans la dernière partie, trop courte hélas, la vie en France, son mari, ses filles. Parfois une phrase pour une année, comme s'il ne se passait rien.

C'est un premier roman écrit à quatre mains, pour retracer les multiples facettes de leur vie, abordant avec subtilité les guerres, l'exil, la transmission et l'identité. J'ai bien aimé l'écriture, c'est la petite fille puis l'adolescente et enfin la femme qui parle.

Il y a un bémol, j'ai été déçue par la brièveté de la troisième partie, car les auteures avaient un sujet en or, avec l'identité, la langue maternelle dans laquelle on s'enracine, la relation mère-fille et elles ont peu développé la transmission. comment la jeune Maïssa va-t-elle se construire alors que Leïla échange si peu avec elle. Je suis donc restée sur ma faim. Est-ce par pudeur ? Est-il trop tôt encore pour raconter leur relation ? Peut-être ont-elles prévu une suite ?

J'ai lu ce livre en parallèle avec « Soumission » de Michel Houellebecq, ce qui fut une expérience fort intéressante…
Note : 7/10
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Que reste-t-il de l'insouciance de la petite Leïla, âgée de dix ans lorsqu'elle jouait avec ses amies françaises, en 1956, en Algérie ? Quelle femme est-elle devenue, cinquante-cinq ans plus tard, en France ?
Ce roman autobiographique passionnant est captivant à plus d'un titre. le double récit d'une mère et sa fille est extrêmement touchant et montre la difficulté du choix de l'exil et de la double culture. Écrit sous la forme d'un journal, ce récit pudique et souvent poignant retrace l'histoire douloureuse de l'Algérie d'un point de vue féminin, plein de tendresse et de lucidité, sans manichéisme.
Leïla est une femme libre, diplômée, mariée à un français au prix de lourds sacrifices. Elle n'oublie pas les leçons de sa mère et de sa grand-mère dont elle dresse des portraits savoureux, elle n'oublie pas l'Algérie ancrée au plus profond de son être mais dont elle ne supporte plus les conditions de vie…
On peut regretter que le récit ne soit pas plus fouillé et éclipse beaucoup le rôle du mari/père de Leïla et sa fille Dalya, mais ce premier roman se lit d'une traite, avec beaucoup de plaisir et d'intérêt.
Je remercie chaleureusement les Éditons Versilio et Babelio pour cette belle découverte.





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Deux voix de femmes racontent. Traversant plus de 50 ans de souvenirs personnels pour mettre en mots une vie de famille à la sérénité fragilisée par leur double origine française et algérienne.

Les premiers souvenirs de Leïla sont ceux de son enfance en 1956, partagée entre l'innocence des jeux, de l'école et des amies et la peur du quotidien dans ces temps de guerre civile de l'Algérie Française. Une part émouvante du livre qui place les événements du coté d'une simple famille algérienne, quand on a souvent plus évoqué le conflit entre belligérants et le départ des pieds noirs.

Après 1962, l'Algérie est maitre de son destin.
L'indépendance fait naitre un pays où toutes les bonnes volontés sont nécessaires mais n'a pas pour autant changé les mentalités familiales. Réussir à s'émanciper de l'autorité parentale quand on est fille est un combat de tout instant. En moins de 10 ans, c'est un pari difficile mais réussi pour la jeune femme: études supérieures, métier d'éducation orienté vers le bilinguisme de ses origines, mariage mixte avec un français, en dépit de l'opposition paternelle, vie de famille harmonieuse avec deux fillettes.

Les années passant, l'intrusion de la religion musulmane dans le fonctionnement de la société algérienne fait craindre pour les libertés individuelles. L'islamisation s'accélère férocement au tournant des années 80, changeant fondamentalement la position de la femme, imposant un Code de la famille, faisant resurgir cette peur des origines dans un monde où rien n'est jamais acquis.
Quand le harcèlement des Frères se fait trop fort, le jour vient, inévitable choix, où voir la mer, c'est aussi voir l'exil.
"C'est fini, la peur au ventre".

Récit attachant, vivant et effrayant par les anecdotes relatées, édifiant pour la mise en perspective de l'Algérie moderne, les années 90 des assassinats de masse, triste destin d'un pays où le malheur s'est installé.
Et en constat final qu'il est bien difficile de s'affranchir de son passé et de son identité, quelque soit la vie choisie.
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Livre reçu dans le cadre d'une masse critique Babelio
Le premier qui voit la mer, le titre évocateur renvoie aux souvenirs d'enfance, à la claque que l'on ressent en voyant la mer pour la première fois, une étendue d'eau à perte de vue, dansant sous les reflets du soleil, éblouissante, inquiétante, attirante et mystérieuse, qui ouvre des horizons sans fin, des questions du genre et après qu'y-a-t-il au bout ?
Le livre de Zakia et Célia Héron ne répond pas à ces questions, mais en pose des tas d'autres.
La bandeau rouge qui entoure la couverture veloutée et bleue foncée, figurant une route de montagne tracée à gros traits noirs comme au fusain, annonce «Un texte magistral et tout en subtilité, sur les guerres, l'exil, la transmission et l'identité.»
Sans être «magistral», le texte est indéniablement bien écrit, une structure agréable et maîtrisée, de courts récits du quotidien, chacun figurant sous une date précise, un quotidien fait de petits riens, mais pose tout de suite les données d'une équation à deux inconnues connues : «nous» et «les autres».
On parcourt ces textes à la recherche d'un surgissement que l'on attend mais que l'on ne voit jamais venir : pudeur ? volonté de ne pas aller trop loin ? crainte du politiquement incorrect ? Retenue volontaire ? Difficile à dire !
Algérie entre 19656 et 1962 : Leïla est une petite fille algérienne, arabe disent-ils, excellente élève, bonne camarade, elle a des amies françaises, fréquente le patronage, s'interroge sur ce qui fait leurs différences essaie de trouver les bonnes réponses à ses pourquoi.
Les références culturelles se croisent sans jamais se mêler, s'échangent sans jamais se comprendre, se côtoient sans jamais se heurter.
Seule la petite Leïla se pose des questions, en mangeant la «mouna» à Pâques, le chocolat à Noël, en s'interrogeant sur le goût du jambon, de la bière, de la «soubressade», parmi les clients de la crèmerie où seuls les Français achètent ce camembert plein de calcium dont a besoin sa mère.
L'indifférence colorée d'empathie entre les deux communautés, les algériens - «les indigènes» - et les Français - les pieds-noirs - se transforme peu à peu en méfiance active, chacun est sommé de choisir son camp, la famille de Leïla est soumise aux contrôles de l'armée, son frère Majid est fait prisonnier, soupçonné d'être membre du FLN, ils déménagent, elle fait sa rentrée en 6ème alors que son père a disparu.
Leïla se pose toujours les mêmes questions, mais cette fois les différences lui apparaissent plus crûment et des bribes de réponse commencent à émerger.
Deux dates emblématiques dans ces récits journaliers, le 13 mai 1958 (jour du coup d'état avorté à Alger qui porte la Vème République sur les fonts baptismaux), les maîtresses à l'école laisse les élèves livrés à eux-mêmes pour se regrouper autour de la directrice sous le préau ; le 19 mars 1962 (date du cessez-le-feu en Algérie, suite aux accords d'Evian), le concierge du Lycée, Mr Matthieu, protège les élèves arabes de manifestants envahissant l'établissement aux cris de ALGERIE FRANÇAISE.
A partir de là, le récit s'accélère jusqu'au 20 juillet 1962, éludant la date officielle de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962.
Une nouvelle ère s'ouvre pour le pays.
Mais l'indépendance est un chemin pavé de bonnes intentions, un peu comme l'enfer, les mêmes questions viennent tarauder l'adolescente puis l'adulte sans que le pays nouveau n'apporte véritablement de réponses nouvelles.
La religion pointe le bout de son nez et fait rentrer dans les rangs ceux et celles qui s'attendaient à des lendemains qui chantent.
L'identité de Leïla devient un enfermement, elle lutte, à sa façon contre ces frontières culturelles, mais ne peut trouver d'échappatoire, elle se résout à quitter le pays pour la France.
Situation paradoxale que le questionnement de ses enfants sur leurs origines, lui rappelle chaque jour.
Malgré ses qualités littéraires, indéniables, la lecture du livre laisse le lecteur sur sa faim, peut-être parce que, notamment dans la partie écrite à deux mains, par la mère et sa fille, l'auteur ne va pas jusqu'au bout de sa démarche, à l'instar d'auteurs comme Boualem Sansal, Yasmina Khadra, Assia Djebar, ou plus récemment Kamel Daoud, qui analysent leur rapport à la langue et à la culture du «colonisateur», dans ce qu'elle a pu libérer chez eux pour leur permettre de se construire une identité multi-culturelle dont leur personnalité s'enrichit sans s'y soumettre.
Comme le chante Maxime le Forestier, « on ne choisit pas les trottoirs de Paris ou d'Alger pour apprendre à marcher» ; «être né quelque part c'est toujours un hasard pour celui qui est né».

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Fils d'une pied noir d'origine espagnole, qui a vécu 10 ans en Algérie avant de quitter le pays, à cause de la guerre, j'ai souvent baigné, tout au long de ma vie, dans une athmosphère orientale, où l'Algérie était très présente, directement ou moins.
Par nostalgie pour cette période j'ai voulu lire, grace à Babelio, l'opération masse critique et les éditions Versilio (merci à eux), "le premier qui voit la mer", récit à deux voix, celle d'une mère et sa fille qui évoque 50 ans de souvenirs personnels entre la France et l'Algérie.
Questionnement sur la double identité, ces bribes de journaux intimes mélangent avec émotion et sensibilité petite histoire et grande histoire et, malgré certaines maladresses, touchent au coeur.
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le beau récit de Zakia et Célia Heron, proposé par le cercle Babelio, est un livre agréable et bien troussé. Les deux auteures, mère et fille, racontent plus de cinquante années de la vie de Leïla, jeune algérienne depuis le début de la guerre, en 56, qui bouleverse son existence insouciante et heureuse auprès de ses sept frères et soeurs. L'orange paradis de l'enfance de Leila va bien vite s'assombrir d'abord avec les années de guerre, le FLN et l'OAS, les attentats et les disparitions. Vivant cela avec ses yeux de huit-dix ans, c'est en fait un journal que l'on lit au fil du temps, les termes en sont simples et quotidiens, la pénurie, les queues chez l'épicier, l'attente d'un mieux qui tardera, les regards qui se détournent, la découverte de l'hostilité, le frère volatilisé et très vite chez cette enfant le sentiment d'un gâchis inéluctable.

C'est surtout la sincérité de la diariste, relayée à la fin par sa troisième fille, qui nous touche. Point question ici d'un souffle littéraire ou romanesque. Quelques maladresses parfois. Peu importe en l'occurrence. Leila, après un beau portrait de sa grand-mère et une évocation qu'on peut trouver un peu idéalisée de ses très tendres années, va mûrir, douloureusement mais n'est-ce pas la règle, et suivre des études vers l'éducation des sourds et l'enseignement. le premier qui voit la mer devient alors le récit d'un exil vers la France, mariage mixte et enfants oublieux de l'Algérie, quoi de plus normal, les trois filles n'ayant pas connu le pays de leur mère. Encore une fois le livre est agréable et doit être lu comme ce qu'il est, sûrement pas une oeuvre majeure, mais un témoignage vivace sur ce je t'aime moi non plus de l'Algérie et de la France, qui n'en finit pas de suppurer.

Zakia et Celia Heron n'éludent bien sûr pas les années noires de la quasi guerre civile, les graves tentations du FIS et les milliers de victimes. Tout cela est bien amené, y compris la dernière partie qui court sur les années 2000 quand Dalya la cadette vit en France sa vie de jeune femme libre, pas si facile malgré tout, et qu'à l'éclosion des fameux printemps arabes le livre se termine ainsi: "Dans l'air subsistera la chanson fredonnée, le parfum du jasmin et des fleurs d'oranger". Reste de ce livre une naïveté un peu confondante relative à la colonisation quand on sait qu'au simplisme des uns répond l'angélisme des autres. Ces deux "ismes" s'y entendent pour gâcher le sentiment qu'on pourrait retenir d'une telle lecture, au demeurant sympathique.
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En 1956, Leïla a 8 ans. Petite fille vive, joyeuse et curieuse, elle vit dans un village en Algérie avec ses parents, ses sept frères et soeurs et sa grand-mère. Ses amies s'appellent Denise et Chantal, elles sont françaises, enfin pieds noirs comme on dit. Leïla les connaît depuis toujours. Leurs rires se confondent et résonnent dans les ruelles. Ici les églises et les mosquées se font face. Une cohabitation qui dure depuis des décennies. Chez Leïla, les femmes de la maison s'occupent des tâches ménagères, de la cuisine, du linge, du potager. Les hommes ne partagent pas grand chose avec elles. Bonne élève, appliquée, elle déteste cependant les jeudis, jour sans école, car il y a patronage. Elle y fait de la couture pendant que les petites françaises écoutent le cathéchisme. Elle trouve les religieuses trop sévères, elle préfèrerait dessiner. La vie s'écoule lentement, les familles voisines sont solidaires les unes des autres, elles échangent des savoir-faire, des amabilités même si une certaine distance semble se creuser depuis quelques mois...
Le calme, l'insouciance de l'enfance, la doux parfum du jasmin, les savoureux gâteaux au miel de grand-mère... vont être balayés en peu de temps. En effet, les soldats envahissent chaque jour davantage le village. La grogne monte, on se bat pour l'indépendance du pays. Les attentats se succèdent. le regard de Leïla est confronté à la barbarie des hommes. Son grand frère est enlevé...
Puis c'est l'indépendance. Un vent de liberté souffle, plein de promesses et d'espoir. Leïla a quinze ans. Contrairement à ses soeurs ainées, ses parents la laisseront étudier. Mais son père ne soutiendra pas ses envies d'indépendance : gagner sa vie, se marier avec l'homme qu'elle aime – un français de surcroît – , sa distance avec la religion. Il ira jusqu'à la renier. Elle deviendra enseignante dans une école pour sourds muets. Elle aura deux filles.
Au début des années quatre-vingt, l'exil s'impose pour la petite famille franco-algérienne, la liberté individuelle s'étant réduite à une peau de chagrin. Leur troisième fille Dalya naîtra en France, elle ira en Algérie une seule fois, à l'âge de six mois. Aucun souvenir ne restera.
Après celle de sa mère, c'est la voix de Dalya qui s'élève. Difficile pour elle de trouver sa place. de l'Algérie, elle ne connaît que ce que sa mère a bien voulu lui raconter, et c'est bien peu. Elle ne parle pas arabe, ne connaît pas les rituels. Pas évident de se construire ainsi, de s'intégrer dans ce pays d'accueil au racisme patent.
Un témoignage passionnant et sensible écrit sous forme de journal à quatre mains, celles de la mère et celles de la fille. de la cohabitation à l'indépendance d'un pays, de la reconstruction à la corruption, de la soif de liberté d'une jeune fille à l'exil, des odeurs de l'Algérie au déracinement, de la tradition à l'émancipation, de la transmission d'une culture à la recherche d'une identité, le parcours de ces femmes est ardu et douloureux, émouvant et sincère. J'aurais cependant aimé entendre davantage la voix de Dalya, en apprendre plus sur cette génération dont la double culture semble être une entrave et non une richesse.
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Tel un journal intime, Zakia et Célia Héron, mère et fille, livre l'histoire d'une femme, de sa fille et de l'Algérie à travers le temps. Un témoignage du quotidien d'un pays qui a radicalement changé dont il reste juste des souvenirs avec beaucoup de sourires mais trop de blessures.

L'Algérie c'est le pays natal de notre héroïne, Leïla. Issue d'une famille nombreuse, elle apprend très jeune les tâches réservées aux femmes et celles réservées aux hommes avec sa mère et sa grand mère. Très vite, elle s'interroge sur le pourquoi une telle différence. Elle aussi veut sortir, faire des études, se marier avec qui elle veut et non que son père lui choisisse un mari. D'ailleurs, c'est ce qu'elle va faire, conquérir petits à petits une liberté de choix et d'être. Mais certains choix impliquent alors de ce couper de sa famille, comme par exemple se marier avec un français et non un homme choisi par son père.

Elle ne veut plus souffrir d'être une femme. La guerre lui a fait perdre un frère et sa grand-mère meurt de chagrin. Après, le retour au calme ne se fait pas vraiment même si un léger souffle de liberté revient. Mais pas trop vite, car les frères musulmans sont là et brident complètement les femmes pour les enfermer à la maison avec les enfants. Obligation de sortir voilée, interdiction d'apprendre à lire, à écrire et encore moins à réfléchir. Une femme doit juste obéir à son mari et lui dire merci. le durcissement des conditions de vie la pousse à fuir avec son mari et fonder une famille en France.

Son histoire débute le 15 avril 1956 pour finir en juillet 2011, avec l'écho de la voie de sa dernière fille, qui elle n'a pas connu l'Algérie. Une souffrance de quitter ces racines et de ne pouvoir jamais retourner sur les pas de son histoire et ne pas arriver en parler. Chaque jour, il faut vivre avec ces blessures et la perte des gens que l'on aime. Heureusement, qu'il y a de l'amour de ces enfants et de son mari qui l'aide à supporter chaque jour.

Un roman qui se lit très vite et qui a un côté très agréable. Direct et sans trop de facilités, les auteures ont décidé de tout traité sans rien cacher. le genre qui se rapproche d'un journal intime favorise l'authenticité du récit et surtout l'attachement aux narratrices. Il est rare que l'Algérie soit abordé et encore moins d'un point de vue féminin. Alors bravo, mesdames d'avoir osé, j'espère que vous trouverez vos lectrices. Cela m'a donné envie de connaître plus ce pays que cela soit du point de vue politique, droits de la femme où culinaire. Toutefois, je trouve étrange le choix du motif de couverture car malgré une texture agréable, l'image est vilaine. J'aurais vu le livre en librairie où en médiathèque, je n'aurais même pas pris la peine de regarder la quatrième de couverture, ce qui aurait bien été dommage.

Alors comme Leïla lorsqu'elle prit le bateau avec ces deux filles pour la France, soyez le premier qui voit la mer et partez à la découverte d'une vie surprenante, haute en couleurs et en conviction.
Lien : https://22h05ruedesdames.wor..
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N°890– Avril 2015

LE PREMIER QUI VOIT LA MER – Zakia et Célia HERON – Versilio.

Nous sommes en 1956, quand l'Algérie était encore française, dans un village perdu de la plaine agricole de la Mitidja près de Blida. La narratrice, Leila, 8 ans, une petite arabe, d'une fratrie de 5 soeurs et 2 frères fait partager au lecteur sa vie quotidienne et familiale faite de jeux, de travaux domestiques réservés aux filles, d'une cohabitation paisible mais juxtaposée avec les Français, de rituels et d'interdits religieux musulmans, de soleil, de sirocco, un décor bucolique... Cela commence doucement, au rythme d'un éphéméride, puis soudain les temps changent, s'accélèrent, avec la présence des soldats, les attentas, le couvre-feu, les arrestations arbitraires, le départ des pieds-noirs, l'indépendance, le pays à construire... Leila s'éveille à l'instruction, à la vie qui évolue. C'est une jeune fille brillante qui ne craint pas de s'adapter, de s'affirmer, de contester les idées reçues surtout en matière de religion. L'université va lui ouvrir les portes de la connaissance jusque là réservée aux européens. Elle aborde cette émancipation à travers la culture et grâce aux intellectuels français favorables à la paix, à la décolonisation, à l'indépendance et prend ainsi conscience de l'émergence d'une identité africaine. Son évolution personnelle croise celle de son pays et du continent africain. Nous assistons au paradoxe qui met en perspective des danseurs africains à demi-nus applaudis…par des femmes voilées. Elle parfait même cette démarche en voyageant à l'étranger, en venant plusieurs fois en France sous l'égide de la culture et de la santé y rencontre l'amour libre et est bouleversée par les enfants algériens sourds et les problèmes que pose pour eux l'abandon du français et l'implantation de l'arabe comme langue officielle. Sa vie se poursuivra par un mariage mixte avec un français malgré l'opposition paternelle inévitable, la naissance de deux filles, la vie en Algérie. L'histoire est en marche avec ses évolutions, la présence pesante et liberticide de l'Islam intégriste dans la vie quotidienne, la violence des « fous de Dieu », l'intolérance, l'intransigeance de l'ordre moral et finalement le refuge en France, le déracinement.

Le style est ordinaire au début, comme celui d'une enfant mais au fur et à mesure que Leila grandit, la phrase s'affirme, le style devient plus fluide. Dans les deux premières parties du récit c'est Leila qui parle. Dans la troisième partie, il y a une alternance de narrations entre elle et d'autres dont ses filles (la police d'impression change en fonction des locuteurs). Ces dernières ont grandi, vivent en France, n'ont aucune mémoire de l'Algérie où elles en sont jamais allées, ne parlent pas arabe et s'étonnent même de ce qu'elles apprennent au sujet de ce pays bouleversé. Même s'il reste un mystère pour elles, il est aussi une sorte d'aimant, une interrogation autant que le silence de Leila qui y répond est une source de culpabilisation pour elle. Reste le problème de l'identité, du droit à la différence pour ces jeunes filles qui sont de plus en plus écartelées entre deux cultures et deux pays.

Au départ j'ai lu ce récit assez laborieusement, à cause du thème de la guerre d'Algérie déjà de nombreuses fois traité où à cause du commentaire que je m'étais engagé à écrire dans le cadre de « Masse critique », mais, au fur et à mesure de ma lecture, j'ai réellement pris plaisir à parcourir cet ouvrage émouvant écrit à quatre mains. le conflit armé est ici à peine évoqué au profit de l'itinéraire personnel de Leila qui remet en cause l'image traditionnelle de la femme maghrébine. Il met en lumière l'évolution de cette petite fille arabe de 8 ans qui grandit dans un pays qui s'émancipe de la France, acquiert son indépendance mais tombe sous la domination politique et économique de la Russie, sacrifie sa liberté et connaît à nouveau la violence et les meurtres. le lecteur suit son éveil à la connaissance à travers l'éducation scolaire, sa volonté de s'émanciper en tant que femme des événements qui fondent la nation algérienne mais aussi et peut-être surtout de s'opposer à ce qui est le lot des femmes dans la société maghrébine, leur dépendance servile par rapport aux hommes qui fait d'elles de véritables esclaves, le refus des mariages arrangés avec la complicité des familles, la remise en cause des préceptes de la religion musulmane mais aussi la résistance au prosélytisme des religieux catholiques.

Comme beaucoup métropolitains de ma génération, je n'ai vécu le conflit algérien qu'en pointillés, à travers les images des actualités cinématographiques, les conversations d'adultes, les idées reçues mais aussi de l'afflux au quotidien de gens qui avaient tout perdu et devaient recommencer leur vie dans un pays qui était certes le leur mais qu'ils ne connaissaient pas, de leur accent, de leurs coutumes... Il y eut, certes des réactions de rejet, d'abus, de racisme ordinaire surtout à l'encontre des Arabes, des harkis survivants qui pourtant avaient fait le choix d'une France qui maintenant les rejetait.

Ce récit retrace 50 ans de souvenirs de nostalgie, de mélancolie.


©Hervé GAUTIER – Avril 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Leila a huit ans en 1956. Algérienne, elle vit avec sa famille dans le quartier français où son père tient un cinéma. Au fil des années, son journal rapporte les petits et les grands événements de sa vie, entrelacés dans ceux de l'histoire tumultueuse de l'Algérie. Ce récit montre bien comment, décolonisé par la violence, ce pays a peiné à se construire une identité et que les rêves de liberté de la génération de Leila se sont brisés sur la radicalisation islamique.
J'ai eu du mal à écrire la critique de ce livre reçu dans le cadre de Masse Critique car il m'a laissé une impression mitigée. Même si je n'ai rien trouvé à redire au style - peut-être un peu passe-partout mais pas désagréable, je me suis sentie gênée par la forme de journal car, au début, elle ne me semblait pas vraiment justifiée. Certains jours, Leila racontait des faits de la vie quotidienne qui auraient tout aussi bien pu être rapportés sur un autre jour. Par la suite, le journal s'étendant sur une longue période (de 1956 à 2011), l'auteur doit faire des sauts dans le temps plus ou moins longs et plus ou moins justifiés. Ce journal ne m'a pas tout à fait convaincue et j'ai donc eu du mal à croire vraiment aux événements rapportés (du moins en ce qui concerne la vie de Leila). Par contre, au fil de ma lecture, j'ai apprécié la vraisemblance qu'apportent certains détails (par exemple le parcours professionnel de Leila). A tel point que je me suis demandé si ces éléments n'étaient pas pris dans la vie des auteurs. Au final, ce récit-journal ne m'a pas laissé une impression trop désagréable et j'ai eu l'impression d'en ressortir avec une meilleure connaissance de l'histoire de l'Algérie, surtout de la façon dont ce pays a essayé de se construire son identité et dont les mentalités ont peu à peu évolué, de la façon dont les espoirs soulevés par la décolonisation ont été ternis par la radicalisation islamique de la société. J'ai également découvert comment l'histoire de l'Algérie a pu être impactée par l'histoire du monde à la même époque, par exemple par l'exil des Chiliens fuyant la dictature de Pinochet, par l'affrontement idéologique entre blocs de l'Est et de l'Ouest... Par contre, il m'a semblé qu'il vaut mieux avoir quelques notions de l'histoire de l'Algérie et de l'histoire du Xxe siècle pour pouvoir suivre sans difficulté.
En résumé : un livre intéressant et profond, qui survole l'histoire de l'Algérie tout en la montrant à hauteur humaine, mais qui pèche un peu par sa forme.
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