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Critique de Tachan


Je ne suis pas habituée à lire des thrillers mais je suis une grande fan des récits mettant en avant des femmes dans des rôles que la société souvent leur dénie. Alors je suis ravie qu'Audrey (Light and smell) ait pensé à moi quand elle a eu envie de se lancer dans cette lecture. Nous avons fait cela en trio, comme nous avons pris l'habitude de le faire, avec notre cher Steven (Maven Litterae) qui, tout comme nous, est sensible à ces récits sur la condition féminine.

Je ne partais pourtant pas des plus rassurées. Il faut dire que peu de temps avant d'entamer cette lecture, quelques avis m'avaient un peu échaudée et fait craindre le pire sur l'écriture jeunesse / young adult du récit, moi qui n'en suis pas friande. Heureusement Corpse Queen, comme nous sommes tombés d'accord tous les trois, est avant tout un titre d'ambiance qui permet ainsi de faire oublier ces petits travers.

Dès les premières pages, nous avons eu le sentiment de nous retrouver dans un étrange conte macabre mélangeant quête de soi, médecine, évolution de la science, rapport aux corps et à la mort, dans une ambiance très Dickenienne voire proche d'un certain Jack l'Éventreur également, mais dans une Amérique du XIXe siècle. Si la série L'Alienist vous dit quelque chose, vous voyez ce que je veux dire. Ce fut donc une entrée en matière fort alléchante pour moi qui ai envie de ce type de récit un peu frissonnant et dérangeant en ce moment. L'autrice fait preuve d'une plume simple mais fort évocatrice pour invoquer la vie pas facile de son héroïne et le tournant majeur qu'elle va connaître.

« – Ce n'est pas parce qu'on aime quelqu'un qu'on ne lui ment pas.
– Non, soupira Ava. Parfois, c'est même justement le contraire. «

L'histoire repose en effet entre les mains de Molly Green, une jeune orpheline qui vient de perdre dans des circonstance tragique sa meilleure amie et qui souhaite découvrir qui a fait cela. Elle soupçonne l'amoureux de cette dernière, un étudiant en médecine, et par un concours de circonstance, elle va se retrouver recueillie par sa tante perdue, qui est une chasseuse de cadavres pour un célèbre médecin. Ni une, ni deux, la voilà qui va travailler également dans le milieu !

Que voilà une histoire atypique. Avec ce mélange de thriller et de médecine, l'autrice nous a tous les trois de suite alpagués avec un récit addictif et rondement mené où l'on suit une héroïne en quête de vérité. J'ai beaucoup apprécié ce que le récit dit ainsi sur cette société du XIXe et son rapport à la science ainsi qu'à la médecine. C'était glauque et immersif de se lancer à la recherche de cadavres frais avec Molly pour satisfaire un professeur mégalo cherchant à avoir la plus grande audience. J'ai vraiment aimé la dimension sociétale que l'autrice va ajouter peu à peu, parlant de la grande pauvreté de la majorité du peuple, de l'orgueil des puissants, de leur façon d'utiliser les premiers sans le moindre scrupule, de leur différence de traitement même dans la mort. C'était édifiant. Et l'ajout d'une petite touche spectaculaire avec des hommes et femmes avec des particularités singulières, comme une queue, était original. Vive les freaks !

« Parfois, il est plus simple de croire à l'existence de monstres que d'accepter la vérité au sujet des gens qu'on aime. »

Cependant malgré un début très entraînant où je me suis laissée prendre à la nouvelle vie singulière de notre héroïne et à cette ambiance miséreuse, macabre et dérangeante, j'ai connu un coup de mou voire une bonne dose d'agacement au milieu du récit, quand la vie de Molly est à nouveau chamboulée et qu'elle trouve sa voie. Celle-ci se transforme alors peu à peu en cliché de l'héroïne de Y.A avec ce côté frondeur et fonceur agaçant, qui fond devant un garçon et rêve qu'il l'embrasse. Cela n'avait pas vraiment sa place ici et c'était agaçant de la voir foncer sans réfléchir dans les ennuis alors qu'on cherche à lui expliquer mais qu'elle n'écoute pas. L'autrice a également ajouté des éléments de trop à mon goût pour toujours faire dans le spectaculaire. Y avait-il besoin de cette espèce de maison close spéciale où Molly aime donner des coups de fouet ?! WTF !

Heureusement la fin du récit où l'enquête s'accélère et les révélations pleuvent m'a réconciliée avec cette oeuvre aux fondements féministes et engagés où on cherche à faire entendre la voix de ces femmes trop longtemps tues et enfermées. J'ai beaucoup aimé la façon dont Heather M Herrman fait monter la tension et exploser les vérités après les avoir préparées avec saveur dans de brèves pages entrecoupant les parties de l'intrigue et révélant l'horreur de l'enfermement des femmes qu'on croit folles ou mauvaises. le discours de l'autrice sur la psychiatrie, les institutions religieuses ou encore les facultés de médecine est implacable et réel, ça fait donc du bien de le faire exposé ainsi.

« Les ténèbres existent, Molly. Et elles ne sont pas dans le ciel. Elles sont en nous «

Récit avant tout d'ambiance, The Corpse Queen est un thriller addictif dont le discours féministe porté par des héroïnes aux destinées dramatiques touchantes m'a plu. Certes, il a au milieu une écriture Young Adult qui m'a dérangée car je n'aime pas les schémas que cela implique et qu'ils m'agacent désormais. Mais quand on dépasse cela, on est face à une belle aventure pleine de frissons avec des valeurs fortes et des dénonciations justes qui touchent la société américaine (mais pas que) du XIXe, le tout avec une ambiance historique parfaitement restituée. Merci à Steven et Audrey de m'avoir accompagnée au cours de cette après-midi de lecture automnal.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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