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Critique de beatriceferon


Des individus sortent d'une voiture et se mettent à démolir l'un d'eux qu'ils abandonnent dans le caniveau. Peu après, un automobiliste, qui s'était arrêté par hasard à cet endroit, découvre le corps et appelle les secours.
La situation semble désespérée pour le patient de la chambre 419. Plongé dans le coma, il est considéré comme en état de mort cérébrale. Les médecins parlent de le débrancher. Seule le docteur Catherine Milan, qui s'est prise d'une sorte d'affection pour l'inconnu, passe du temps à son chevet, lui parle, raconte sa vie. Et l'impensable se produit : le malade se réveille. On le baptise « Néo ».
Comme j'avais dévoré « La fille derrière la porte », j'étais curieuse de lire le nouveau roman de Patricia Hespel.
Il s'ouvre sur un prologue violent, puisqu'on y assiste à une scène, j'allais écrire de passage à tabac, mais, en réalité, il s'agit d'une véritable mise à mort, où on entend les « os qui se brisent, (…) la chair qui éclate ». Il est aussi mystérieux. En effet, la victime semblait seule au bord de la route jusqu'à ce qu'un automobiliste providentiel s'arrête et la découvre. Et pourtant, il y a une troisième personne, qui a vraisemblablement assisté à ce drame sans intervenir. C'est elle qui raconte. Elle est « accroupie aux côtés du corps », mais lui « ne [la] voit pas. »
L'histoire qui suit est divisée en trois parties intitulées « Catherine », « Elsa » et « Gaspard » et se conclut par un bref épilogue.
Tous les chapitres sont simplement numérotés, mais certains commencent, curieusement, par une explication de tricot qui a l'air assez compliquée : « Étape délicate de l'ouvrage. Travailler souplement pour éviter de casser le fil. » ou « Suivre fidèlement le motif repris sur le diagramme. Veiller constamment à ne perdre aucune maille. » Ce qui évoque, bien évidemment, le dessin de la couverture, ainsi qu'une mystérieuse vieille femme, traînant un cabas dont dépassent des aiguilles et qui croise, de temps à autre, le personnage principal.
La construction est donc très élaborée et il faut rester attentif pour ne rien rater et bien comprendre.
J'ai mis du temps pour rentrer dans l'histoire et j'ai trouvé qu'il fallait attendre longtemps avant qu'elle ne démarre vraiment :on part dans tous les sens, on découvre nombre de personnages qui ne joueront aucun rôle important (Docteur Vincent Herbert, Inspectrice Isabelle Laurent, Eddy Lambotte...)
Il y a deux narrateurs : l'un est externe, l'autre, interne, est le personnage principal lui-même. Ce qui est difficile, c'est qu'en réalité, il ne sait pas qui il est. Il sort d'un coma si profond que les médecins avaient perdu tout espoir. C'est donc un miraculé. Et c'est aussi un amnésique. Personne n'ayant essayé de le retrouver, on peut penser qu'il n'a ni famille ni amis. Lorsqu'il peut enfin se regarder dans un miroir, il est mécontent de ce qu'il voit: ce corps de brute ne correspond pas à celui qu'il se sent être, prisonnier de cette enveloppe. D'ailleurs, à plusieurs reprises, il répond avec agressivité qu'avec un telle dégaine, il ne peut logiquement être que « vigile, déménageur, bûcheron, terrassier? Parce qu'un grand gaillard comme [lui] doit forcément faire un métier de brute. »
Blessé, il se sent proche du Docteur Catherine Milan qui s'est occupée de lui et qui cache, elle aussi, des fêlures.
Il m'a fait songer au « Voyageur sans bagage » d'Anouilh. Tout comme lui, il n'a pas vraiment envie de savoir qui il est réellement. le psychiatre, le Docteur Maurin, le lui explique bien : « Vous craignez d'être déçu par celui que vous étiez, de ne pas assumer ses choix, ses actes. » C'est pour cela qu'on l'a nommé Néo, il va pouvoir repartir à zéro, devenir celui qu'il veut être. Malgré cela, il a besoin de comprendre qui il était, pourquoi on s'est acharné sur lui avec tant de haine. Qu'a-t-il bien pu faire pour mériter un tel traitement ?
Le récit se construit petit à petit et il faut prendre du recul pour discerner le dessin de jacquard complexe que réalise la tricoteuse. Ce ne sera que dans les dernières pages qu'on connaîtra le fin mot de l'énigme.
Outre une analyse fouillée de l'âme humaine, Patricia Hespel mêle à son récit une bonne dose de fantastique.
Donc, même s'il m'a fallu un petit temps d'adaptation, je peux dire, finalement, que cette histoire m'a plu.
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