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Critique de Presence


Ce tome fait suite à The Manhattan Projects Volume 5: The Cold War (épisodes 21 à 25) qu'il faut avoir lu avant pour comprendre ce qui joue entre Laïka et Yuri. Il regroupe les épisodes 1 à 4 de la saison The sun beyond the stars, initialement parus en 2015/2016, écrits par Jonathan Hickman, dessinés et encrés par Nick Pitarra, avec une mise en couleurs assurée par Michael Garland.

Dans une galaxie très lointaine, à bord d'une base spatiale, le mercenaire Primor rend compte à ses commanditaires de l'avancée de ses travaux. Il se tient devant eux dans une très grande pièce, ouvrant un conteneur sphérique flottant : à l'intérieur une spore, sorte de plasma rose en ébullition. le conteneur se referme. Les deux hommes de la Guilde lui indiquent que le compte n'y est pas : il avait promis une récolte de douze spores, et il n'en a fourni que trois et une autre incomplète qui ne produira jamais les larves attendues. Primor ne se démonte pas et répond que les résultats sont exactement ceux qu'il attendait. Les deux autres lui indiquent qu'ils ne peuvent pas se satisfaire de ce résultat, surtout au vu des risques qu'ils encourent du fait de l'illégalité de cette récolte. Ils se demandent de combien de temps ils disposent encore avant de se faire attraper. Primor répond : plus aucun. Il ouvre le conteneur contenant la sphère incomplète et sort de la pièce par une trappe dans le sol, alors que toute l'assistance est saisie d'effroi à l'idée de ce qui va se passer avec la spore ainsi libérée.

À proximité de ce vaisseau et de la planète vidée de sa substance et laissée à 'état d'enveloppe, apparait un vaisseau des Libraires de la Justice, de l'Union Scientifique des Sionnu. Ils décident d'investiguer à l'intérieur de la base spatiale : ils meurent attaqués par la spore qui s'est bien développée, et qui lance une vrille jusqu'à leur vaisseau, le détruisant d'un coup. Concomitamment, Primor parvient à s'enfuir, à rejoindre son propre petit vaisseau et à s'échapper dans l'espace, trop petit pour que la spore y prête attention. Dans une autre base spatiale, Garru explique comment il s'est rendu coupable de génocide d'une race extraterrestre entière, sans s'en rendre compte, car il pensait que c'était vraiment un bar, et pas une église. Son interlocuteur est Yuri Gagarin, également emprisonné dans cette vaste cellule, avec une dizaine d'autres, lui accusé d'intrusion dans ladite base car incapable de les documents requis en règle, alors qu'il avait en fait été contraint de se poser dans la base, pris dans un rayon tracteur. Garru lui explique qu'ils ne devraient pas rester longtemps dans cette cellule car les passages en jugement sont rapides en ce moment sur Faraway Station, du fait des vacances et du festival qui commence. En plus, ils ont de la chance, car c'est le juge Ryleth le Marteau qui siège, et il est réputé pour ses peines légères.

Après 5 tomes d'une rare intensité à la fois en science-fiction, à la fois en humour, le lecteur est d'attaque pour poursuivre ce voyage là où nul n'est jamais allé, avec des scientifiques sans conscience, sans limite. de prime abord, il se demande pur quelle raison les auteurs ont préféré que ces épisodes soient publiés comme une minisérie indépendante. Puis il n'y prête pas trop attention car les chapitres sont numérotés de 26 à 29, comme suite directe de ceux des tomes précédents. Il lui faut passer la scène introductive avec Primor et la spore pour retrouver l'un des personnages récurrents de la série : Yuri Gagarin. Celui-ci est toujours à la recherche de la chienne Laïka, sans savoir qu'elle a été transformée. Cela laisse supposer que les deux Einstein ne doivent pas être loin derrière, et que viendra le temps également de retrouver Lyndon B. Johnson et les deux généraux Leslie Groves & William Westmoreland, ainsi que Leonid Brezhnev et les envahisseurs associés. Eh bien non : rien de tout ça. En fait, ce format de minisérie se justifie par le fait que l'histoire se focalise sur Yuri et sur Laïka, ainsi que la mission de vengeance de Primor. Il ne faut donc pas s'attendre à une suite directe du tome 5.

En revanche, le lecteur retrouve bien l'inventivité débridée des deux créateurs. Ça commence avec Primor qui se joue de ses deux commanditaires, en leur faisant comprendre progressivement qu'ils ont pris des vessies pour des lanternes, qu'ils ont pris pour argent comptant ses promesses qui n'étaient que des boniments soigneusement formulés sous la forme de ce qu'ils voulaient entendre. Ça continue avec la tronche totalement improbable, ridicule et un peu inquiétante de Garru. La séquence de jugement est aussi improbable qu'imprévisible, entre horreur et comique macabre, avec l'apparence très particulière du juge. Dans la séquence suivante, le lecteur découvre ensuite le barman, une masse énorme avec un nombre de bras très pratique pour servir beaucoup de client à la fois. La réunion entre Laïka et Yuri ne se passe pas aussi bien que prévue, ce qui occasion à nouveau une scène entre drame et comique irrésistible, grâce à une mise en scène remarquable de punch. La séquence suivante est l'occasion de découvrir l'équipage de Laïka, avec Rys, une tête flottante avec deux bouches et des excroissances rocheuses, totalement improbables. Puis le lecteur assiste à une scène de léchage de pieds purulents par deux esclaves, aussi repoussante et humiliante, que drôle et grotesque. Il faut encore mentionner une course-poursuite dans un vaisseau spatial ayant subi un abordage, avec des chassés-croisés dignes d'une pièce boulevard, la violence et l'action en plus.

Le lecteur accepte donc finalement bien volontiers de mettre de côté ses attentes pour la suite de l'intrigue principale, même s'il aurait bien aimé savoir quel est ce mystérieux projet Charon développé par Joseph Oppenheimer. Il assiste donc aux retrouvailles entre le premier humain à avoir effectué un vol dans l'espace et sa chienne. Au vu des développements du tome précédent, il avait parié sur une évolution de nature zoophile de leur relation : ça ne se passe pas comme ça. le dessinateur de garde bien de sexualiser Laïka, et Youri n'a jamais été un Apollon. le scénariste s'amuse bien à jouer avec la dynamique de leur relation : Youri étant visiblement profondément amoureux d'elle, et celle-ci ayant gagné en autonomie du fait de sa transformation. Ils sont fort occupés à rester en vie et à accomplir leur mission. Pour autant, la dernière scène vient lever toute ambiguïté sur le fond de leur relation, provoquant un petit pincement au coeur du lecteur.

Le scénariste raconte une histoire de vengeance et de rébellion dans laquelle Gagarin & Laïka se trouvent impliqués en acceptant de transporter Primor et sa spore au coeur de l'empire de l'Union Scientifique de Sionnu. le lecteur est vite entraîné dans ce plan de la dernière chance, soigneusement ourdi. La narration s'avère déconcertante car Primor ne devient pas le personnage principal : il reste un personnage secondaire, tout en impliquant les autres dans son projet. le lecteur ne prend conscience de son plan qu'au fur et à mesure de son déroulement, tout en assistant à plus de scènes que l'équipage du vaisseau de Laïka. Son attention reste détournée par le fait qu'il a développé un investissement émotionnel pour Laïka et Youri, préalable à cette aventure. de son côté, Pitarra n'a rien perdu de sa verve visuelle. Il est patent qu'il s'amuse beaucoup à concevoir l'apparence des extraterrestres, essentiellement des variations sur la forme humanoïde, pour les rendre à la fois ridicules, très expressifs, et inquiétants, tout à la fois. Il parvient à trouver le juste équilibre pour rendre à la fois dangereux et bizarres, et amusants du fait de leur apparence qui ne leur donne pas un air intelligent.

Dans le fil du récit, le lecteur ne prête pas forcément attention à la mise en scène, ou à ce que l'artiste parvient à rendre concret. S'il s'arrête un instant sur un moment particulier, il mesure mieux ce qu'il lui fait avaler : la spore qui dévore tout, le ramassis d'extraterrestres attendant de passer en jugement dans une cellule commune (sans oublier celui installé dans la cuvette des toilettes), le serveur du bar, Yuri en train de se faire couper les cheveux, le grand Sionox qui se fait lécher les pieds, Yuri s'apprêtant à réassembler un robot complètement démantelé, le chassé-croisé dans les coursives d'un vaisseau spatial, etc. Tout cela semble parfaitement naturel, un peu loufoque par moment, tout en conservant le premier degré nécessaire pour que le lecteur puisse s'investir dans l'aventure.

C'est un vrai plaisir que de pouvoir retrouver ces personnages pur cette aventure qui sera vraisemblablement la dernière, avec la verve visuelle de Nick Pitarra, toujours aussi en forme pour croquer des extraterrestres, et Jonathan Hickman pour mettre ses personnages dans le pétrin, et faire en sorte que les choses aillent de mal en pis. Toutefois, le lecteur éprouve un petit pincement au coeur en comprenant que ce tome sera le dernier, qu'il ne mène pas à leur terme les intrigues de la série, et qu'il n'est pas aussi iconoclaste avec les génies scientifiques que les précédents.
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