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Critique de Presence


Ce tome est le quatrième de la série ; il contient les 6 épisodes de la minisérie publiée en 2011. Il faut impérativement avoir lu les 3 autres tomes avant, à savoir (1) Bienvenue à Lovecraft, (2) Casse Tête et (3) La couronne des ombres.

Bode Locke a du mal à se faire des amis dans sa classe. La maîtresse convoque sa mère pour en parler. Tyler continue à garder le secret sur l'endroit où il a caché la clef Omega. L'insouciance de Kinsey perdure. Zack Wells entretient des relations complexes et ambigües avec Kinsey et Tyler. Bode trouve et utilise la clef des animaux. Tyler et Kinsey se font attaquer par des loups dans l'étendue sauvage qui entoure le manoir. Erin Voss apparaît dans l'histoire (son nom figurait sur la paroi de la grotte sous-marine. Bode découvre une autre clef. L'équipe de Tyler perd un match de hockey sur glace. Jamal Saturday et Scot Kavanaugh continuent de fréquenter Kinsey. Rufus joue à la guerre avec Bode. Duncan Locke assiste à la reprise de conscience de Brian Rogan à l'hôpital. Dodge intensifie ses attaques pour récupérer la clef Omega.

Merveilleux ! Joe Hill et Gabriel Rodriguez n'ont pas perdu la main. Ils continuent de dévoiler de nouvelles clefs (6 dans ce tome), ainsi que quelques mystères du passé, petit à petit, tout en faisant évoluer les relations entre les protagonistes, et la personnalité de chacun. Chacun des 3 enfants de la famille Bode devient plus complexe, plus attachant, plus incarné. La modification de la personnalité effectuée sur Kinsey à sa demande dans le tome 2 continue de produire des moments exceptionnels d'émotion. Son caractère particulier permet à Joe Hill d'éviter les atermoiements émotionnels spécifiques à l'adolescence, pour des résolutions simples de situations chargées en affect. Il ne s'agit cependant pas d'un truc artificiel pour contourner l'obstacle narratif, ou pour faciliter le travail du scénariste. Hill prend au contraire toute la mesure de ces traits de caractère et les exploite de manière intelligente et sensible. le tout aboutit à un personnage à la séduction duquel il est impossible de résister.

Tyler Bode n'est pas en reste car Joe Hill le fait évoluer en douceur en prenant en compte les expériences vécues par Tyler dans les tomes précédents. C'est un grand plaisir de lecteur que de constater que Joe Hill sait où il va; qu'il a une fin de prévue pour cette série, et que les personnages évoluent au fil des épisodes, plutôt que de rester figés dans un statu quo tiède. Tyler commence à sortir de cette phase où il encaissait coup dur sur coup dur, pour prendre un peu de recul. Joe Hill montre un individu qui apprend à se connaître lui-même, sans tomber dans un flux introspectif, uniquement grâce aux dialogues rigoureux.

Il est hors de question d'oublier l'individu le plus sain de la famille : le jeune Bode Locke. Ce jeune enfant apprécie chaque occurrence merveilleuse comme elle vient, sans intellectualiser les choses. S'il subsiste bien des moments où son comportement ne semble pas complètement réaliste pour un enfant de son âge, Joe Hill réussit à décrire un jeune garçon avec une justesse impressionnante dans le monde des comics, et même de la bande dessinée. le premier épisode est exceptionnel : Bode a trouvé le moyen de se transformer en moineau et les auteurs racontent son vol à la manière de Bill Watterson pour Calvin et Hobbes.

Gabriel Rodriguez fait à nouveau des merveilles en rendant hommage au style de Bill Watterson sans le reproduire servilement. Il intègre parfaitement le sentiment d'innocence et de fraîcheur propre aux aventures de Calvin, tout en assurant une continuité graphique avec le monde réel de "Locke & Key". Ce premier épisode n'est d'ailleurs pas le seul dans lequel Hill et Rodriguez utilisent une approche différente, évitant de s'installer dans un ronron efficace, mais prévisible. le deuxième épisode s'attaque à la question du racisme ordinaire et passif, sans tomber dans le prêche primaire, à la fois grâce à l'utilisation d'une nouvelle clef, et aux illustrations qui évitent le piège d'insister lourdement sur ce qui est montré, qui évitent d'appuyer les effets dramatiques.

À nouveau, Gabriel Rodriguez impressionne par ses mises en page efficaces et inventives, par sa capacité à tout savoir dessiner, par son contrôle du dosage de l'intensité. Lorsqu'il dessine un loup, il le place à mi-chemin entre une vision naturaliste, et une vision de conte (avec l'empreinte discrète de la clef dans sa fourrure). Les 2 employés racistes de l'asile sont d'une vulgarité ordinaire bien dosée, avec une apparence distincte pour l'un comme pour l'autre, rendue plus particulière par un tatouage tribal bien placé. Dans le troisième épisode, le scénario de Joe Hill repose sur 28 courtes saynètes, une pour chaque jour du mois de février. Chaque utilisation de clef est synthétisée en une image au fort pouvoir onirique, un véritable enchantement visuel. Dans le quatrième épisode, il travaille en étroite collaboration avec Jay Fotos (le metteur en couleurs) pour donner une apparence sophistiquée à une apparition spectrale. Et l'affrontement d'escrime de l'épisode 5 reproduit exactement l'agilité surnaturelle de Zack Wells.

Avec ce tome, Joe Hill et Gabriel Rodriguez continuent de développer leurs personnages, tout en révélant quelques pièces supplémentaires du passé, et en faisant évoluer les relations complexes entre les uns et les autres. Les 3 enfants de la famille Locke continuent de gagner en richesse humaine, en personnalité et en pouvoir d'empathie. En prime, Hill et Rodriguez se paient le luxe d'utiliser des formes de narration différentes pour un résultat toujours parfait.
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