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Critique de Brulang


Dans "l'Éthique hacker", que j'ai relu pour le plaisir, le philosophe finlandais Pekka Himanen s'inspire du concept d'informationnalisme élaboré par Manuel Castells (on retrouve le texte de Castells à ce propos dans l'épilogue) pour faire un essai complet sur la façon dont la culture hacker, née dans les années 1960 au MIT, pourrait être l'esprit de cette nouvelle ère de l'information, caractéristique de la société d'aujourd'hui, la société dite « en réseau », toujours selon Castells.

C'est un défi de taille et surtout, ô combien original ! À mon avis, Pekka Himanen a très bien réussi.
Son observation et son analyse des phénomènes culturels à l'ère de l'information, dans laquelle l'économie, le travail, tout est décentralisé et va de plus en plus vite, me semble juste et demeure tout à fait pertinente.

Depuis le paradoxe du « temps optimisé », dans lequel, pour se libérer, réduire leur temps de travail et passer plus de temps de qualité à la maison et pour les loisirs, les gens même de l'élite qui utilisent les technologies pour y arriver finissent par tomber dans un état où ils ramènent avec eux la nécessité d'optimiser même leur temps libre ce qui les fait tomber dans le pire état d'esclavage, toujours occupé et obligé de courir dans tous les sens pour ne rien manquer, jusqu'à l'employé qui, pour être flexible et s'adapter à ce monde en perpétuel changement, va suivre les préceptes d'un gourou du développement personnel qui lui montre comment se « reprogrammer », exactement comme s'il était un ordinateur, tout y est pour nous faire vraiment réfléchir à notre existence, et même rire de notre mode de vie...

Pour son ouvrage, Himanen s'inspire également en grande partie de celui du sociologue Max Weber, « l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme », pour proposer son éthique hacker, qui en est comme une espèce de contrepartie.

Et pourquoi pas ? Ces inventions technologiques au fondement de notre nouvelle société – Internet, la Toile, l'ordinateur personnel et le système d'exploitation open source Linux – ont toutes été faites dans un même esprit, celui des hackers, à ne pas confondre, d'ailleurs, avec les crackers, terme que Pekka emploie pour désigner ces pirates informatiques malveillants en les distinguant de ces « grands » tels Steve Wozniak, l'homme derrière le premier ordinateur personnel et Tim Berners-Lee, à l'origine de la Toile, notamment. Cet esprit, donc, selon lui, serait notre planche de salut à nous tous pour réussir à naviguer dans ce monde devenu parfois si embêtant, éclaté, pour ne pas dire...perdu.

Contrairement à celui que l'on retrouve dans l'éthique protestante, l'esprit hacker est centré autour de la passion, du jeu, et non du travail (la plupart des programmeurs influents ont développé leurs idées en pyjama, en dehors des heures de bureau), de la créativité, du souci des autres, souci de les emmener vers l'évolution avec soi, libérer, rendre accessible au plus grand nombre possible les progrès et l'information.

Dans cette optique, il y a un renversement. Ce sont les grands hommes d'affaires tels que Bill Gates, à la tête de Microsoft, par exemple, qui deviennent les criminels, les pires exemples de pirates de l'informatique de l'histoire. Les fameuses licences de ce célèbre milliardaire, qui servent à faire de la rétention d'informations, sont associées à cette mentalité capitaliste et protestante, mentalité centrée autour du travail et de l'argent, qu'il s'agit de dépasser par l'éthique hacker, pour ne pas laisser sombrer l'humanité dans cet avenir incertain.

Bref, que de bonnes idées pour se sortir des marasmes et des états de crise...C'est un ouvrage très brillant. Éclairant. À lire... Et à relire...

Ce n'est pas dans le livre mais, aujourd'hui, on pourrait se demander...Les dirigeants de Pfizer et autres pharmaceutiques qui ont développé les vaccins contre le covid-19. Avec leurs brevets, sont-ils dans l'esprit hacker ou plutôt dans l'esprit de Microsoft ?
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