« Le break du faux marchand de glace est garé là-bas, sur la route, et j’ai l’impression qu’Hubert essaye de se cacher entre les arbres. »
Hannibal regarda dans la direction qu’indiquait Bob et sourit.
« Tu as raison. Hubert est aussi bien caché qu’une baleine dans une baignoire. Il se montre tout le temps pour vérifier que personne ne peut le voir ! »
Le capitaine Joy lui-même marchait de long en large sur le gaillard d’arrière du Vautour noir. La barbe au vent, il portait une longue veste noire, des bottes, une large ceinture de cuir dans laquelle était passé un coutelas, et, sur la tête, un tricorne orné d’une plume rouge. Sa manche gauche se terminait non par une main mais par un crochet de fer. Il apostrophait les touristes qui montaient à son bord :
« Yo ho ho et une bouteille de rhum ! Embarquez, embarquez, mes petits agneaux, et plus vite que ça ! Un riche galion passe au large ! La marée est bonne ! Nous allons lever l’ancre, hisser nos voiles et nous emparer d’un riche butin ! »
Obéissants, Hannibal et Peter embarquèrent avec les touristes. Soudain des voix de pirates chantant des chansons de marins et poussant des cris à vous geler le sang se firent entendre : elles sortaient de haut-parleurs dissimulés dans les agrès. En même temps, des silhouettes découpées dans du carton se dressèrent de tous côtés sur le pont : un emplâtre sur l’œil, un couteau entre les dents, c’étaient des pirates, on ne pouvait s’y tromper. Une voile unique claqua sur le mât avant et Le Vautour noir s’éloigna de la rive. Au moteur, évidemment.
« Tout ça, dit Peter, ne me paraît pas très réaliste. Un moteur, et de la musique en conserve ! »
Le navire atteignait la plus grande des îles de la crique. Toute une armée de silhouettes de carton vêtues de divers costumes espagnols apparût au-dessus d'une petite crête. Le peintre n'était pas Vélasquez, les couleurs étaient flétries et bien des silhouettes tenaient à peine debout. Une rangée de pirates en aussi piteux état apparut à son tour le long du rivage et les hauts-parleurs firent entendre des bruits de bataille. Le combat dura longtemps, avec canonnade, hurlements de pirates, insultes espagnoles, épées entrechoquées, le tout enregistré. Les touristes attendaient, l'air morose, que la pitoyable bataille se terminât.