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Citations sur Le Dieu dans l'ombre (21)

Il y a encore en moi une étincelle de colère. Mon côté rancunier se demande : est-ce qu’il s’imagine que ça suffit ? Une journée de son précieux temps dans un été de routes poussiéreuses pleines d’ornières ? J’essaie de ne pas entendre la voix méchante. L’amour est patient, l’amour est généreux. L’amour ne connaît pas l’envie. Je me récite la litanie. Il supporte tout, croit tout, espère tout, résiste à tout. L’amour ou la bêtise, c’est l’un de ces deux-là. 
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La viande qu'on achète au magasin, dans un plateau de carton emballé de plastique; la viande qui porte des étiquettes de prix, des indications nettes, c'est un aliment identifié comme faux-filet, rumsteck, ou tranche grasse. Aucun morceau ne porte l'étiquette :"Tranche d'épaule prélevée de nuit sur un gros animal mort dans un champ de neige". Rien qui puisse leur rappeler que l'animal a été dépouillé alors que la chair était encore chaude et que la vapeur s'élevait dans la nuit jusqu'aux étoiles gourmandes. Ils ne veulent pas se souvenir qu'ils sont des prédateurs, des carnivores. Ils préfèrent manger les muscles avachis d'un animal élevé jusqu'aux jarrets dans sa propre bouse, castré, vacciné, inspecté, abattu d'une chiquenaude dans le front, réfrigéré dans une grande pièce blanche et découpé en tranches bien nettes par des machines électriques. De la viande "désanimalisée".
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C’est un pas en arrière, de devenir femme. La serviette absorbante, l’inexorable écoulement de sang, la restriction des activités, tout ça n’est qu’une sorte de retour à l’enfance. Je suis moins aujourd’hui qu’hier, je suis diminuée par cette fuite de sang corporelle. Ce n’est pas ma faute, mais la punition me poursuivra pendant ma vie entière.
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Éditions Télémaque
p.426.
- Mais ma faim à moi, c’est le désir du cœur, lui ai-je dit. Celle dont les humains souffrent toujours. Et je te demande, une dernière fois, de l’apaiser. »
C’est ce qu’il a fait. Je l’ai senti me caresser non pour satisfaire son propre désir, mais pour l’amour de moi. Je l’ai laissé me faire l’amour, pour moi uniquement, j’ai accepté ce qu’il m’offrait de bon cœur. Et je ne me suis sentie ni coupable, ni inférieure, ni méprisée. Je me suis sentie aimée. Et ensuite je lui ai dit : « Maintenant, tu peux me ramener chez moi. »
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Il joue et je suis forcée d'écouter, mais personne ne peut m'obliger à montrer que j'écoute.
Je continue à fixer le vide derrière lui pendant qu'il chante une minuscule grenouille verte accrochée sous une feuille, une grappe d'airelles sous une ombrelle de feuilles vermeilles, les menus grelots des aulnes bruissant sur les feuilles nouvelles, et la sève des épicéas qui scintille dans la lumière du soleil.
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Je suis en sûreté. Même en dormant, je sais que je suis en sûreté. La sécurité est quelque chose qui se sent à l'odeur, quelque chose de chaud et de solide autour de moi. Maintenant, il n'y a plus de danger à dormir, plus de danger à rêver. Sensation oubliée depuis bien longtemps...
... Je rêve d'un jour d'été quand j'avais neuf ans, le jour de mon dernier anniversaire à un chiffre. Je suis dans la forêt. C'est le plein été et la forêt ressemble à un animal assoupi.. Je marche sur sa peau, sens sa respiration tout autour de moi. Je la perçois dans son intégralité, feuille et brindille, insecte et oiseau. J'en ai assez d'être une intruse. Je veux en faire partie, être à l'intérieur d'elle et l'avoir en moi.
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C'est un pas en arrière de devenir femme. La serviette absorbante, l'inexorable écoulement de sang, la restriction des activité, tout ça n'est qu'une sorte de retour à l'enfance. Je suis moins aujourd'hui qu'hier, je suis diminuée par cette fuite de sang corporelle. Ce n'est même pas ma faute, mais la punition me poursuivra pendant ma vie entière.
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L'école n'est pas mon terrain de prédilection. Je m'offusque de devoir gâcher le peu de lumière solaire les jours d'hiver enfermée dans une classe, au lieu de courir en liberté dans la blancheur scintillante des paysages d'hiver de Fairbanks. Ce n'est même pas ça, d'ailleurs. Je trouve qu'il y a quelque chose de contraire à la nature dans l'obligation scolaire, quelque chose de destructeur. Prendre un jeune être et l'enfermer de force dans un espace clos avec trente de ces congénères du même âge... Ferait-on cela à un chiot ou à un jeune chimpanzé ? On sait ce qui se passe dans ces conditions avec des poulets ou des rats. Le résultat est le même avec des enfants, sauf que les dégâts sont moins visibles. Si j'étais un poulet persécuté par les coups de bec des autres jusqu'à ce que les entrailles lui sortent du rectum, quelqu'un me prendrait en pitié. Mais je suis une enfant et on demande aux enfants d'endurer stoiquement des tortures dignes des damnés.
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J'atteins enfin le sommet du talus. Je regarde en arrière mais je ne peux ni voir ni entendre la rivière, tant la végétation est dense. Je suis à présent au milieu des cèdres, ces grands arbres odorants. Si jamais l'un d'eux tombe, si un arbre s'écrase dans l'humus de la forêt, d'autres surgiront de son tronc en rangs serrés. On les appelle les arbres pépinières. C'est la vie, me dis-je. Utilise ton corps pour vivre, ou quelqu'un d'autre en fera usage. Arbrisseaux, carpophores en console, champignons, fougères, mousses, ils recouvrent tous le géant abattu, se nourrissent de sa substance pourrissante.

Je me dis que c'est la meilleure solution. Ils ont injecté dans le corps de Teddy des quantités de produits chimiques et l'ont hermétiquement enfermé dans une boîte. Conserve d'enfant. Confiture de Teddy. Comme des pickles dans le vinaigre. Si jolis à regarder. Puis ils ont pris cette boîte, si soigneusement conçue pour être isolée du reste du monde, et l'ont descendue dans un trou pour l'enterrer. Je pense à son petit corps dans ses habits du dimanche, tout seul dans sa boîte, sous la terre noire. Combien de temps l'embaumement retarde-t-il la décomposition ? Combien de temps avant que ses sucs corporels, ou ce qu'il en reste, ne se mettent à agir sur sa chair, afin d'essayer de lui redonner son utilité nourricière originelle, son unicité universelle ? (...)

Un jour, Tom et moi avions évoqué la question, plutôt en manière de plaisanterie, et je lui avais dit de laisser tomber la cérémonie d'enterrement et de juste me glisser dans le compost au fond du jardin. Je ferais sûrement pousser de superbes tomates. C'était pour rire, mais aujourd'hui, j'en vois l'intérêt. Je m'imagine en train d'installer Teddy dans la chaude terre noire, enveloppé d'un linge, de le planter comme le bulbe d'une fleur extrêmement précieuse, de le recouvrir de terreau en le tapotant pour bien lui donner sa place. En fait ce serait mieux que cet égoisme humain qui consiste à enfermer hermétiquement les dépouilles, comme si empêcher le corps de réintégrer le cycle naturel allait en quelque sorte préserver une certaine essence d'humanité. En fait de préservation, ça me paraît au contraire un isolement très cruel.
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Éditions Télémaque
p.157.
Finalement, j’ai abandonné. J’ai recommencé à te suivre. À ce moment-là, j’avais compris que tu étais la seule. Si je ne pouvais pas t’avoir tout de suite, alors la seule chose que j’avais à faire, c’était... t’attendre. » Il met dans ce mot une profondeur que je n’avais jamais sentie auparavant. Attendre. Il le prononce comme si c’était une condamnation à perpétuité, attendre devient la chose à faire à l’exclusion de tout le reste. La perspective sous laquelle je perçois sa vie me fait perdre la respiration. Comment est-ce possible, me dis-je, de centrer sa vie autour d’une personne et d’attendre son bon plaisir, de n’agir que dans l’unique espoir qu’elle vous remarquera, se souviendra de vous, surtout quand cette personne vous a laissé de côté comme un jouet d’enfance désuet, irréel, inutile ? Comment était-ce, me dis-je, et soudain je sais, en un seul mot. Tom. N’a-t-il pas été mon soleil et moi la plus lointaine et la plus froide des planètes prises au piège de son attraction ?
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