Mieux valait affronter les loups et les rigueurs de la privation plutôt que la haine et la peur débridée de ceux des hardes. Les humains étaient les plus cruels des prédateurs.
- Tout est arrangé, dit-il avec satisfaction.
- Quoi ? demanda Kari en tombant dans le piège.
- Les femmes ! répondit-il en lui lançant un regard noir. Ce que fait un nadj ne te regarde pas, jeune fille. Apporte-moi un peu d'eau. [...]
Au lieu de provoquer la colère de Tillu, les paroles de Carp augmentèrent, au contraire, sa lassitude. Elle décida de l’ignorer et ne regarda même pas Kari se lever pour servir le chaman, mais se tourna vers Ristin.
- Je te remercie de nous avoir offert l’hospitalité cette nuit. Et aussi de m’avoir permis de comprendre des choses que j’ignorais.
- De quoi parlez-vous ? voulut savoir Carp.
- Oh, des bavardages de femmes, assura Ristin d’un ton détaché. Rien qui puisse intéresser un nadj.
Le loup aux yeux noirs et brillants se leva et rit avec lui, langue rouge pendante. Kerleu frappa doucement sur le cuir tendu avec la patte sculptée, et le loup dansa pour lui dans la chaude lumière du soleil d'après-midi.
Il hocha la tête, acceptant ce que le monde des esprits lui envoyait. Il en userait à bon escient, comme il se servait de tous les présents que lui procurait ses pouvoirs. Chaque bribe de rumeur, chaque sursaut de culpabilité, chaque regard angoissé ou avide de rêve venaient renforcer ses capacités.