Il se souviendrait de sa dulcinée toute sa vie. Pour l’éternité. C’était ça, le vrai amour. On ne l’oubliait jamais.
Elle contempla la rivière, ses eaux fraîches qui couraient à travers les champs. Elle mourait d’envie d’ôter ses chaussures et ses bas et d’y plonger une fois encore les pieds. Une grenouille coassa puis bondit dans les roseaux. Jeune fille, Nellie avait connu l’amour près de cette rivière, et trop de chagrins pour en parler. Elle savait ce que ses eaux gardaient en leur cœur, tout au fond, dans son sombre lit de vase où des poissons couleur de pierre se tapissaient, pareils à des secrets.
Nous ne prenons pas ce qui ne nous appartient pas.
Elle avait rêvé de foules les jours de marché, les enfants coiffées de leur chapeau de paille, en tablier propre et bottines à boutons, immobiles telles des pierres pâles, tandis qu’elle s’éloignait en hâte, aussi rapide que l’eau de pluie dévalant une gouttière.
Les hommes célibataires recherchaient des femmes dans le coin. On pouvait en acheter une pour sept shillings et six pence, le coût d’une licence de mariage. Un homme marié obtenait une meilleure paie dans les fermes.
D'après Louisa, il y avait fort à parier que le docteur appellerait l'inspecteur de l'hygiène. Il risquait d'emmener le bébé à l'hôpital, et elle ne le récupérerait jamais. Une femme non mariée accouchant seule ? Vivian pouvait échouer à l'asile, car elles seules les folles se déshonoreraient de la sorte. Et jamais elle ne parviendrait à garder la tête haute dan le village.La honte serait trop grande. Elle perdrait son travail de blanchisseuse au presbytère........