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Critique de Basilio


Le Passe-broussaille, de Robert Holdstock, est plus ambitieux que les deux tomes qui le précèdent dans le cycle des Mythagos - La Forêt des mythagos, Lavondyss. Peut-être à cause de son ambition même, il est moins réussi.

En premier lieu, le récit est - de beaucoup - moins prenant. Dans les deux premiers tomes, la quête visait à sauver une personne bien aimée. Dans les deux, le protagoniste était attachant. Ainsi armé d'une motivation puissante, le lecteur plongeait sans réticences jusqu'au fond des dédales instables de la forêt de Ryhope et de ses mythes.

Dans le Passe-broussaille, une implication telle n'a plus cours. Richard, un homme somme toute quelconque, est appelé par une inconnue à l'accompagner dans la forêt. Selon elle, il y retrouvera son jeune fils Alex, qu'il a pourtant vu mort. Alex a été présenté au lecteur dans un prologue qui ne l'a pas rendu sympathique. La demande faite à Richard est incongrue. Lorsque nous apprenons finalement qu'une troupe de scientifiques vit dans les profondeurs des bois, à l'insu de tous, en toute connaissance du risque (plusieurs sont déjà morts), sans relation aucune avec quelque organisation universitaire que ce soit, l'histoire verse simplement dans l'invraisemblable.

A ce moment-là, c'est peut-être toute la force du style de Robert Holdstock de faire que le lecteur ne referme pas le livre en haussant les épaules ; que par la suite, il continue à tourner les pages, bien que rien n'assure jamais le moindre intérêt aux péripéties du Passe-broussaille, ni aux personnages rencontrés.

Dans les récits précédents, Stephen ou Tallis s'enfonçaient dans la forêt sans trop comprendre ses mystères. Ici au contraire, il semble que Holdstock ait souhaité théoriser Ryhope, à la fois dans sa création continue et dans son fonctionnement. Il a complexifié la trame de son univers, rajoutant de multiples plans, de multiples temps, de multiples tunnels les reliant. Probablement toujours dans cet objectif de théorisation, ses « scientifiques » expliquent sans cesse tout ce qui se passe, ou du moins ils dégagent une fumée verbale d'explications opaques qui n'améliore en rien, et loin de là, la compréhension de Ryhope et, en fin de compte, la narration. Les évocations de mythes prétendus premiers ont peu être une signification profonde pour l'auteur – au point qu'il en a donné sa version complète en annexe ; mais pour le lecteur, elles le laissent froid. La forêt est trop touffue, les dangers trop vite désamorcés, les disparitions et résurrections des personnages incompréhensibles, les ajouts et sur-ajouts inutiles, les allers-retours dans le temps des bizarreries sans intérêt réel pour l'intrigue.

Néanmoins, finir la critique sur ce point serait donner un bien mauvais aperçu de l'oeuvre. Il y a quelque chose dans le Passe-broussaille – quoique peut-être plus encore dans La Forêt des mythagos et surtout Lavondyss – qui ramène à une essence de l'humain sombre et sauvage, une animalité oubliée pétrie de contacts et d'odeurs, un échafaudage mental bâti aux franges de la conscience, qui ne se trouve dans nul autre ouvrage, et confine à la poésie. C'est sans doute cela qui fait lire le Passe-broussailles, et s'en retrouver comme tombé puis ressorti d'un buisson de ronces épaisses, égratigné certes, étourdi, mais étonné et heureux de s'en être tiré à si bon compte.
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