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Critique de motspourmots


"La verrière, le lieu d'ailleurs, le plafond en verre pas très propre, en attente d'une grande douche ; en levant le regard, aucune idée d'où nous nous trouvons, dans quelle gare, dans quel pays ; et entre le ciel et nous, un filtre, un sfumato pour arranger les contours du monde."

Après la force et le souffle de son premier roman, Giboulées de soleil, j'attendais avec une certaine curiosité le nouveau livre de Lenka Hornakova-Civade... ce fameux passage réputé si difficile au second roman lorsque le premier a ému, enthousiasmé et même reçu les lauriers du Renaudot des Lycéens. Ce qui surprend c'est un abord presque assagi, une écriture plus assise, plus confiante aussi. Là où primait la passion des Giboulées de soleil, on trouve à présent un regard presque apaisé, toujours aux aguets mais tourné vers l'essentiel, le regard d'un artiste. Une verrière sous le ciel ... comme pour se protéger des Giboulées de soleil sans se priver de la lumière ni de la chaleur.

Ana a tout juste 18 ans lorsqu'elle refuse de monter dans le train qui, depuis la Gare de l'Est doit la ramener en Tchécoslovaquie avec le groupe organisateur de cette colonie de vacances patronnée par le "parti frère". Nous sommes en 1988 et personne ne devine encore que bientôt sonnera la fin du bloc de l'est. Livrée à elle-même, sans argent et sans réel vocabulaire français, Ana va rencontrer la mystérieuse Grofka au Père Lachaise où ses pas l'on conduit puis trouver refuge dans un café, auprès de Bernard, le patron et surtout des clients, fidèles ou de passage. Parmi eux, Jacob et Yakoub, le vieux juif et le vieil arabe qui parlent tous les jours du soleil de la méditerranée mais également Eugène et Albert. Ce dernier, artiste peintre fait d'Ana son modèle sous la verrière qui lui sert d'atelier.

Dans l'esprit d'Ana, à travers son regard se mêlent les cultures, les souvenirs et les aspirations. La réalité vient corriger certains rêves mais également en susciter d'autres. de Prague à Paris, les images s'assemblent, se métamorphosent et la jeune fille avance en tentant de réconcilier les mondes et de s'adapter à celui qui s'ouvre à elle. Elle regarde, observe, écoute et façonne le début d'une autre vie.

"Est ce que chaque personne trouve son propre poème ? Ou même plusieurs ? Pour les jours tristes, pour les jours heureux, pour les jours d'hésitation, d'amour, de doute et de colère ? Je voudrais confier aux nuages voguant dans le ciel de France un message qu'ils transporteraient jusqu'à Prague, je voudrais que ce soient les nuages qui fassent le pont."

Il est question de liberté dans ce livre, lorsque la liberté devient un apprentissage, que l'on en mesure le potentiel autant que les limites. Un apprentissage qui trouve dans l'art un moyen d'expression autant qu'un vecteur de transmission. C'est fait avec beaucoup de poésie et de finesse dans la construction pour parvenir à faire passer ce que représente cette alchimie complexe qui conduit à la découverte de soi par le prisme du monde qui nous entoure.

C'est une fois refermé que l'on mesure l'extraordinaire richesse de ce livre, construit comme une sorte de kaléidoscope. Et qui se lit comme on décrypterait ce que raconte un tableau... Oui c'est ça. Quelque temps après, cette lecture m'a fait penser à une visite thématique que j'avais eu la chance de faire au Louvre avec un spécialiste d'Histoire de l'Art qui nous avait "raconté" les tableaux et révélé leur sens au-delà de la simple reproduction. C'est exactement ce que j'ai ressenti avec ce livre. L'impression de lire un tableau. Alors chapeau l'artiste !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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