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Critique de Levant


Éminent chroniqueur des faits et gestes de ses contemporains, Houellebecq s'est intéressé au spécimen de la classe moyenne tout juste doté pour aller se consoler de sa misère affective dans les lieux de plaisir au travers de la planète. Les besoins de première nécessité ont évolué depuis qu'on se préoccupait avant tout de se nourrir et se loger.

Chemise à fleurs, tongs et bermuda, élégances spirituelle et comportementale assorties, valent à ce spécimen le sobriquet de « beauf ». le tourisme sexuel, puisqu'il s'agit de cela, est un sujet de chronique qu'on ne s'étonne pas vraiment de trouver sous la plume du futur Goncourt 2010, n'est-il pas ? (Plateforme paraît en 2001)

Il fallait donc s'attendre à ce que l'étude de marketing conduite par le tour opérateur, à laquelle son héros va se retrouver incidemment associé, soit ponctuée d'exercices pratiques détaillés par le menu. C'est confirmé. Tout y est : ingrédients, temps de cuisson, température du four et tournemain du maître-queux. Qu'en pareille contexte on peut sans vergogne travestir en maître-queue. Elle était facile, je vous l'accorde, je n'ai pas pu résister.

Bref, un instant de honte étant quand même vite passé, pour dire ce que m'inspire cet ouvrage, je formulerai seulement le voeu, à l'adresse de notre truculent prosateur national, que sa vie amoureuse soit aussi intense et harmonieuse que celle de son héros, lequel intervient à la première personne dans cet ouvrage. A moins que les écrits ne viennent en consolation de quelques frustrations opiniâtres, assorties d'angoisses existentielles dont on sait, il nous en a convaincu, que ces dernières sont largement atténuées par une pratique assidue de l'exercice physique qui fait se concilier les contraires le temps d'une trêve, toujours trop courte il nous l'enseigne aussi.

C'est mon troisième Houellebecq. J'arrive certes un peu tardivement dans cet univers de cacophonie des sens, mais il faut varier les genres, et j'ai donc confirmé avec celui-ci la maîtrise du verbe que je lui avais découvert dans les deux autres. Maîtrise du verbe donc, plutôt cru, et qui vaut à notre goncourisé son lot d'inconditionnels, justement équilibré par le nombre de ses détracteurs. le bilan étant quand même positif puisque les inconditionnels achètent alors qu'on n'est pas obligé de dédommager les détracteurs. Cette maestria dans la pratique de la langue (française), qui sied aux inconditionnels et leur sert à justifier leur penchant, est à la hauteur de celle de la grammaire du kama sutra avantageusement imagée dans la production littéraire de notre auteur à la tant convoitée jaquette rouge.

J'ai retrouvé avec intérêt – alors inconditionnel ou détracteur ? - un auteur désabusé, qui se complait à se dépeindre sous les traits d'un contemporain obstinément médiocre, en panne de raison de vivre, avec en prime une critique acerbe de notre bonne vieille société européenne. Même si c'est toujours émoustillant à souhait, l'intérêt n'est pas que là. Il faut savoir hausser le débat avec Houellebecq. Il y a malgré tout une morale à cette histoire, le sujet est quand même grave. A trop se vautrer dans la luxure, on se prépare des lendemains incertains et plus dure sera la chute. Et avec Plateforme, elle est sévère, et rédhibitoire. Il ne faut pas non plus effrayer les inconditionnels et leur laisser quand même des arguments pour défendre l'indéfendable. Ils peuvent eux-aussi avoir des scrupules à la bacchanale impunie.

La performance littéraire n'allant pas de pair avec la performance physique, je ne pense pas que ce soit le meilleur Houellebecq. J'en ai deux autres qui arrivent pour consolider cette opinion de novice. Je subodore le thème choisi à dessein pour donner libre cours à une imagination libérée de toute convenance. Je n'irai pas jusqu'à dire que cet ouvrage devait être alimentaire, ce serait ramener le sujet à un besoin physiologique de première nécessité et cela risque de rester sur l'estomac de certains, mais soit, beauf s'écrira bof pour une fois. Notre Houellebecq national fera mieux, dix ans plus tard.
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