Elle était toute entière absorbée par son mari et sa maison. Chaque soir, elle était physiquement fatiguée, mais si heureuse que sa fatigue était une nouvelle et délicieuse source de satisfaction.
Elle avait récemment lu dans un magazine un article intitulé : " Avoir quarante ans et profiter de la vie." Elle l'avait lu consciencieusement en se demandant pourquoi le fait d'avoir quarante ans représentait une telle menace à la joie de vivre. L'auteur de l'article en était apparemment persuadé, mais tout ce que Mrs Fleming avait pu y glaner, c'est que les malheureuses quadragénaires devaient s'évertuer à paraître trente-cinq ans, et ne plus penser à leur âge.
D'après Dorothy, les gens devaient avoir envie de thé ; s'ils le refusaient, c'est qu'ils ne savaient pas ce qui était bon pour eux, étaient malades et avaient plus que jamais besoin de thé.
Les invités étaient conviés à huit heures moins le quart, c'est-à-dire huit heures.
- Tu dois bien savoir si tu l'aimes.
- Je ne suis pas une femme, je ne sais rien de ce genre. Le sens du devoir succède au désir - certains hommes apprécient l'un, certains apprécient l'autre - voilà tout.
".. ce dont rêverait n'importe qui, c'est un travail parfaitement idiot pour lequel il serait grassement payé et qui lui laisserait du temps à consacrer à ce qui l'intéresse..."
Or elle ne pouvait pas se contenter de pleurer, de vitupérer, de condamner - comme le font si facilement les enfants ou les politiciens en difficulté ; elle n'avait aucune conviction toute faite et véhémente pour la soutenir ; pas de retraite intérieure où elle pût cesser d'être son propre juge, pas d'être divin débordant d'amour et de sagesse vers qui se tourner... Seulement le squelette des quelque vingt-cinq ans qu'elle avait devant elle, sur lequel greffer le tissu de sa vie.
Elle l'entendit se diriger vers le lit.
«Allez-y, dit-elle, je vous rejoins." (Voilà qui est sordide à souhait : c'est facile maintenant que ça ne m'intéresse plus. Une fois qu'on a amené un homme à cela, on ne peut pas le laisser tomber.)
Ce qu'elle avait accompli pendant tout ce temps était imperceptible : il n'y avait ni coup de projecteur ni rayon de soleil pour révéler ses capacités à s'occuper de leurs deux maisons, à élever leurs deux enfants, à s'apprêter et à apprêter le décor autour d'elle; la judicieuse remarque de Lewis Carroll sur la nécessité de courir autant qu'on le peut pour rester au même endroit s'appliquait aussi bien au mariage qu'au reste; mais, bien entendu, s'en tenir à ce principe ne vous menait nulle part; il n'y avait donc aucune raison d'espérer que le même homme passe un jour de plus en sa vieillissante et familière compagnie.
Or, elle ne pouvait pas se contenter de pleurer, de vitupérer, de condamner--comme le font si facilement les enfants ou les politiciens en difficulté ; elle n'avait aucune conviction toute faite et véhémente pour la soutenir ; pas de retraite intérieure où elle put cesser d'être son propre juge ; pas d'être divin débordant d'amour et de sagesse vers qui se tourner... Seulement le squelette des quelque vingt-cinq ans qu'elle avait devant elle, sur lequel greffer le tissu de sa vie.