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Critique de fuji


Il faut toujours faire confiance à sa libraire !
Quai Voltaire a eu l'excellente idée d'éditer ce roman, dont l'auteur est décédé en 2014. Ne connaissant pas cette dernière je suis allée glanée des informations, et apparemment ses qualités littéraires n'ont pas été reconnues à leur juste valeur.
Ma lecture a été passionnée et attentive, je m'en explique : ce roman polyphonique m'a fait penser aux qualités d'écoute d'un mélomane assistant à un superbe concert.
Il visualise l'orchestre, il écoute et prête attention à chaque instrument pour ses qualités personnelles mais aussi pour sa prestation avec l'ensemble musical.
J'ai donc lu dans la continuité, mais en faisant des arrêts le temps d'intégrer certaines scènes, parfois je revenais en arrière pour retrouver une phrase…
A la fin de ma lecture j'ai eu une obsession recouvrer une citation :
« L'apparence est un rideau derrière lequel la réalité se dérobe au vulgaire. » Pierre-Charles-Victor Boiste.
Jimmy, trentenaire, est le manager du célèbre dramaturge Emmanuel Joyce, la soixantaine. Il est aux petits soins pour Lilian la femme d'Emmanuel, qui est de santé fragile et surtout dépressive à la suite du décès de leur fille Sarah, survenue avant ses deux ans. Drame omniprésent que l'on ne peut que comprendre.
« …Sarah était morte, c'était presque comme une hémorragie mortelle. »
Le premier chapitre nous donne une image peu sympathique de ce trio. Emmanuel parait imbu de lui-même, Lilian semble jouer de ses fragilités et Jimmy semble obséquieux.
Le drame engendré par la secrétaire du moment, nous montre qu'Emmanuel n'est pas particulièrement fidèle et Lilian pense « Naturellement, il a besoin de distractions extérieures, et de quel droit m'y opposerais-je, moi qui suis malade en permanence. »
Cette atmosphère délétère est sous-tendue par une quête : trouver la comédienne capable d'incarner Clemency, l'héroïne de la pièce d'Emmanuel.
Lilian va se charger de trouver une nouvelle secrétaire pendant que les hommes chercheront La Comédienne.
Alberta, jeune fille de 19 ans va entrer en scène…
De Londres à New-York, de New-York à Athènes, d'Athènes à Hydra, le lecteur va vivre avec eux.
L'auteur d'une plume élégante et précise fait vivre chacun dans toute sa complexité.
Lilian pense : « En matière de complaisance, je me débrouille très bien toute seule. » L'attention dont elle est l'objet ne l'aide en rien même si parfois elle en joue.
Emmanuel se définit ainsi : « Je suis un petit homme qui craint que les meilleures années de sa vie soient passées pendant qu'il avait le dos tourné. J'en suis un autre qui, après avoir toujours compté sur sa source secrète, redoute soudain qu'elle ne soit tarie. Je suis aussi un homme dont la femme a besoin, mais qui ne veut pas de lui. »
Jimmy prend conscience de la chaîne qu'il s'est mise lui-même et qui le rend dépendant de ce couple.
Le lecteur suivra l'évolution d'Alberta grâce à son journal et aux lettres qu'elle écrit à sa famille.
La fine psychologie dont fait preuve Elizabeth Jane Howard est appliquée avec la même qualité aux personnages secondaires, tel le petit Julius et les époux Friedmann.
C'est un tableau très réaliste se passant dans les années cinquante, mais tout en nuances qui le rend intemporel, car l'auteur décortique l'intériorité de ces êtres.
Les changements de lieux, dans des descriptions vives qui nous font vraiment croire que nous sommes avec les protagonistes, ces décors éblouissants habillent la complexité de chacun d'eux.
D'une subtilité exquise, cette plume allie élégance et intelligence. Un roman d'une grande beauté, réaliste et poétique, des dialogues sans fausse note, comme j'aimerais en lire plus souvent.
J'espère que d'autre écrits seront traduits.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 20 août 2019.
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