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Un célèbre dramaturge, las de ses nombreux biens et de son épouse trop belle, succombe au démon de midi et tombe amoureux de sa secrétaire, une jeune fille de quarante ans sa cadette, dont la simplicité et le naturel l'ont convaincu de lui donner le rôle-titre dans sa prochaine pièce… Dit comme cela, on dirait le scénario de l'un de ces films français sortant chaque année par dizaine. On imagine déjà Clovis Cornillac, Audrey Tautou et Catherine Frot au casting. Fort heureusement, l'écriture sauve cette trame très classique, et a réussi à m'entrainer à la suite de ces personnages.

Il y en a quatre : l'écrivain vieillissant, au coeur usé ; son épouse à fleur de nerfs, au coeur malade ; l'assistant-imprésario-confident, qui n'a jamais trop eu de vie à lui ; la secrétaire, fraichement débarquée de sa campagne anglaise, prenant chaque tâche avec calme et conscience. Tous quatre sont bien construits, aussi bien dans leurs personnalités que leurs relations ; l'histoire est bien structurée, les descriptions vivantes. On les suit par les rues de Londres, puis au milieu des buildings géants de New-York, et enfin sur les rives de l'une de ces îles grecque où le temps a l'air de passer un peu plus lentement que partout ailleurs.

Les ambiances des lieux surtout sont prenantes. Les chambres d'hôtels impersonnelles et froides. Les terrasses face à la mer, écrasées par le soleil, des petites maisons des îles grecques. Les rues humides de Londres et New-York, toujours noyées de bruit et de mouvement. Dans ces environnements l'histoire prend son envol et nous emmène avec elle.
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À sa sortie, en 1959, » Une saison à Hydra « a été salué par les critiques pour sa beauté et son originalité. Publié en ce début d'année 2019 aux éditions de la Table Ronde, dans la collection Quai Voltaire, ce somptueux roman d'Elizabeth Jane Howard est traduit de l'anglais par Cécile Arnaud, et majestueusement préfacé par Sybille Bedford.
Londres, 1950. Emmanuel Joyce est un auteur dramatique à succès, âgé d'une soixantaine d'années. Lui et son épouse Lillian – de vingt ans sa cadette – ont perdu leur fille Sarah à l'âge de deux ans, des suites d'une méningite.
Toujours accompagné de Jimmy Sullivan, son manager et homme à tout faire, Emmanuel tente, tant bien que mal de soutenir son épouse, de santé fragile, à surmonter ce drame. Ainsi, ils prennent la décision de se rendre à New York dans le but de dénicher une comédienne de talent pour jouer le rôle de Clemency dans la pièce de théâtre de Broadway.
Mais avant cela, ce trio doit annoncer à leur secrétaire Gloria, que ce voyage se fera sans elle.
p. 25 : » M. Joyce lui a annoncé ce matin qu'elle ne pourrait pas venir à New York. Elle était terriblement déçue et tout ça. Je suppose que c'est pour cette raison qu'elle a pris le phénobarbital. «
Tourmenté par le geste de désespoir de son ancienne secrétaire et maîtresse occasionnelle, Emmanuel est en proie à une certaine forme de culpabilité.
p. 46 : » Il devait descendre du bus ; arrêter de boire, arrêter de séduire des secrétaires ; arrêter de blesser Lillian… »
Lors d'une réception, Lillian présente à son mari une jeune femme de dix-neuf ans, Alberta Young, tout droit sortie du presbytère de son père dans le Dorset. Jolie mais très naïve, Emmanuel et Jimmy concèdent que la jeune femme serait parfaite dans le rôle de secrétaire, ou du moins qu'elle apprendra le métier sur le tas.
Finalement M. Joyce décolle de l'aéroport de Londres en direction de New York en compagnie d'Alberta. Décision prise à la dernière minute parce que la pauvre Madame Joyce était malade. Sullivan et elle arriveront donc plus tard, par le ferry.
Rapidement une certaine complicité s'installe entre Emmanuel et l'innocente Alberta.
p. 155 : » Il éprouvait en sa compagnie une sensation de bien-être tendre qu'il n'avait jusqu'ici ressentie qu'après l'amour. »
Contrarié de ne pas trouver la perle rare malgré l'enchaînement des auditions pour le rôle de Clemency dans sa pièce, Emmanuel à la drôle d'idée de tenter un essai avec Alberta.
p. 20 : » – Vous savez que j'ignore tout du travail de comédienne. »
Et c'est ainsi que ça s'est fini – ou que ça a commencé. «
Mais Lillian, hantée par la mort de leur fille et fragilisée par sa maladie de coeur, se demande si les motivations de son mari pour confier le rôle à Alberta ne seraient pas d'ordre plutôt amoureux ? Elle se confie alors au fidèle Jimmy sur ses tourments et soupçons. Celui-ci tente de la rassurer au mieux.
p. 221 : » – Elle a ce quelque chose qu'il faut pour incarner Clemency, c'est la principale raison pour laquelle nous voulons essayer avec elle. Ecoutez Lillian, je suis sûr que vous trouvez cette idée folle, mais vous pourriez grandement nous aider à en faire un succès. «
Afin de permettre à Jimmy d'apprendre le métier d'actrice à Alberta dans les meilleures conditions, et surtout loin des obligations mondaines, le quatuor s'envole pour l'île d'Hydra. Dans ce cadre somptueux, des affinités se nouent.
Avec un sens du détail dans ses descriptions, Elizabeth Jane Howard a l'oeil flaubertien. Les personnages sont la clé essentielle du succès de ce roman. Une écriture incroyable et un style parfaitement maîtrisé, donnent à cette oeuvre un relief qui pour ma part n'ont pas leur pareil. Elizabeth Jane Howard était une auteure britannique d'une précellence littéraire incontestable. Quel bonheur à lire !
Lien : https://missbook85.wordpress..
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Elizabeth Howard, désormais célèbre chez nous avec sa saga des Cazalet, a écrit ce roman choral en 1959.

Emmanuel Joyce est un dramaturge célèbre d'une soixantaine d'années, époux volage. Son épouse Lilian a une santé fragile et ne se remet pas de la mort prématurée de leur enfant. Ils ne possèdent pas de maison et posent leurs valises dans des hôtels ou des appartements loués au gré de leurs déplacements. Ils vivent en permanence avec Jimmy, leur assistant dévoué, qui selon ses propres termes ‘répare les pots cassés'. Un subtil équilibre fait de non-dits depuis une dizaine d'années permet au trio de se supporter.

Nous faisons leur connaissance à Londres alors qu'ils viennent de recruter une nouvelle secrétaire très jeune, inexpérimentée, venue d'un presbytère du Dorset, mais qui possède beaucoup de bon sens.

De nos jours, cette histoire qui sent le soufre ne semble pas a priori extraordinaire. L'auteur nous offre cependant un fin portrait psychologique des quatre personnes. A chaque étape du voyage, nous attendons avec impatience la voix de chacun d'eux qui complète un tableau tout en nuances. Ces vacances à Hydra vont même révéler de façon assez inattendue ce que chacun cherchait consciemment (ou inconsciemment) à cacher. J'ai beaucoup aimé l'écriture de Elizabeth Howard et le procédé qui permet de révéler les personnalités sans manichéisme.


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Bon, alors me voilà bien embêtée. Cela fait quelques jours que je repousse la rédaction de ma chronique, persuadée que mes impressions sur ce roman allaient bien finir par s'atténuer au cours de ma relecture de certains chapitres… Mais le temps passe et mon ressenti ne change pas d'un poil. Alors, je me résous à dire en toute honnêteté que ce roman qui avait TOUT, mais ABSOLUMENT TOUT, pour me plaire m'a ennuyée au point que j'ai eu du mal à le finir ! Et pourtant, cela avait bien commencé... 
Tenez : prenez par exemple une comédie d'Ernst Lubitsch, de Howard Hawks ou de Frank Capra, ajoutez-y une poignée de répliques bien mélancoliques à la Tchekhov, quelques lettres de Judy Abbott dans Daddy-Long-Legs de Jean Webster et, me semble-t-il, nous y sommes. Et non seulement nous y sommes mais, présenté comme cela, je me RUE littéralement sur l'ouvrage...
Un auteur dramatique londonien d'une soixantaine d'années, Emmanuel Joyce, en panne d'inspiration, est à la recherche d'une actrice pour un personnage féminin dans une pièce qu'il s'apprête à mettre en scène à Broadway. Son secrétaire et homme à tout faire, Jimmy Sullivan, le seconde dans cette entreprise. Quant à Lillian, la femme d'Emmanuel, de vingt ans sa cadette, elle suit comme elle peut les caprices d'un mari un brin volage et se plie à ses continuels déménagements. Profondément dépressive, Lillian est une femme à la santé fragile, à jamais marquée par la disparition de sa fille Sarah morte à l'âge de deux ans.
Ces trois personnes vivent ensemble, tant bien que mal, allais-je dire. Or, un quatrième élément va venir se greffer à ce petit groupe en la personne d'une jeune et jolie secrétaire que les Joyce veulent emmener avec eux à New York. Simple, naïve, spontanée, pleine de bon sens et très débrouillarde, la jolie Sarah-Alberta va devoir affronter les humeurs et les caprices du trio, trois individus qui s'aiment mais se supportent de moins en moins, fatigués et ennuyés qu'ils sont de la vie et d'eux- mêmes. On peut penser que son regard neuf et franc sur les êtres et les choses va ébranler les certitudes des uns et des autres et qu'elle va servir de révélateur, de déclencheur permettant peut-être une redistribution des rôles des membres du quatuor, pour un temps au moins.
Le point de vue alterné de chacun de ces personnages permet au lecteur d'accéder à leurs états d'âme. Par ailleurs, l'évocation de leur passé dont il est question régulièrement éclaire leur comportement présent et leurs choix quant à l'avenir.
La question est donc : pourquoi ce sentiment d'ennui ne m'a-t-il pas quittée ? Pourquoi ne me suis-je pas DU TOUT attachée aux personnages ? Pourquoi leur mal-être, leurs souffrances, leurs angoisses ne m'ont-ils ni touchée ni émue ? Franchement, je ne sais pas. C'est comme s'ils m'avaient semblé « faussement consistants », comme des êtres stéréotypés et sans réelle profondeur, dont l'agitation perpétuelle, les sautes d'humeur et les discussions vaguement mondaines auraient fini par me lasser. Alors qu'Emmanuel est un auteur dramatique, il est finalement rarement question du travail de l'écriture, de la mise en scène ou de ce qui fait l'intérêt d'un comédien. En fait, et contrairement à ce qu'on aurait pu attendre, les personnages évoluent peu, demeurent assez figés parce qu'au fond, ils n'échappent pas à la caricature, notamment le personnage de la jeune secrétaire.
Du coup, l'ennui l'a très vite emporté tellement j'ai eu le sentiment de faire du surplace (malgré les voyages qu'ils entreprennent), et c'est dommage, car je pense qu'il y avait là une vraie matière romanesque à exploiter. Au lieu de cela, j'ai eu le sentiment de m'enliser sans qu'aucun élément dynamique ne me sorte de ma lassitude.
Même les descriptions m'ont semblé assez kitsch...
Ce n'est que mon point de vue, je reste bien persuadée que ce roman va séduire bien des lecteurs dont je regrette sincèrement de ne pas faire partie….
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Un auteur qui semble avoir eu un certain retentissement en Grande-Bretagne mais jamais jusqu'ici traduit en France ; un oubli réparé maintenant dans cette souvent si intéressante collection « Quai Voltaire », grâce à ce roman paru initialement en 1959. L'éditeur nous annonce par ailleurs la parution prochain d'un cycle en cinq volumes, les Cazalet Chronicles, l'oeuvre la plus connue d'Elizabeth Jane Howard.

Le livre est divisé en parties, chaque partie correspondant à un lieu (Londres, New York, Athènes…), dans chaque lieu, tour à tour, dans un ordre qui change, quatre personnages racontent ce qui se passe, de leur point de vue personnel. Parfois la vision est différente, parfois elle est complémentaire, en ce qui concerne les événements, les sensations, les sentiments. Ce dispositif peut sembler complexe et artificiel, mais Elizabeth Jane Howard le maîtrise à merveille, et en fait l'instrument d'un récit subtil, sensible, riche et complexe. On en vient à attendre telle ou telle voix dans une nouvelle situation, dans tel ou tel contexte, on se demande ce que l'un ou l'autre a pu comprendre de ce qu'éprouvent les autres et quelle est sa réaction.

Trois personnes qui partagent leur vie de longue date constituent le coeur du récit : Emmanuel, un dramaturge soixantenaire à succès, qui voyage dans le monde pour monter ses pièces ; Lillian, son épouse, malade du coeur, n'ayant toujours pas surmonté le deuil de sa fille morte à deux ans ; enfin Jimmy, un jeune homme à l'enfance difficile, devenu l'assistant indispensable du couple, gérant à la fois les spectacles, et la vie quotidienne, entièrement dévoué à Emmanuel. Un quatrième personnage va s'adjoindre à ce trio : Sarah, une très jeune femme, devant faire office de secrétaire et gouvernante. Choisie un peu par hasard, pour remplacer la précédente titulaire partie dans des conditions sordides, révélatrices des relations troubles du trio, elle va très vite faire bouger les lignes, faisant remettre en cause par les intéressés eux-mêmes leurs petits arrangements et habitudes. Et les obligeant à se repositionner à l'intérieur des relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres, et surtout se remettre en cause, à s'interroger sur ce qu'ils sont et sur les choix qu'ils ont faits.

Le livre n'est certainement pas original en ce qui concerne l'intrigue, les personnages résumés sommairement. Ce qui fait sa force et sa grande qualité, c'est la finesse et la richesse des analyses psychologiques, les portraits qui se dessinent progressivement, ni tout à fait blancs ni tout à fait noirs. Chacun a ses blessures secrètes, ses égoïsmes, ses routines, ses espérances aussi. Un besoin de l'autre, et aussi une incapacité à le voir autrement que pas ses yeux et par le besoin qu'il a de lui. Les tableaux par petites touches des personnages principaux s'accompagnent aussi des portraits de quelques figures secondaires, et également d'une immersion dans des lieux, en particulier ceux de l'île grecque sur laquelle le quatuor va passer quelques semaines essentielles, pendant lesquelles les fils vont se nouer et se dénouer.

Un très joli livre, plein d'une douce mélancolie, d'une nostalgie de ce qui aurait pu être, d'une poésie du quotidien. Si je voulais à tout prix trouver une réserve, peut-être que le personnage de Sarah (rebaptisée Alberta, parce que Sarah était le prénom de la fille morte du couple) est un petit peu trop parfait, elle est si lumineuse et innocente, mais terriblement forte aussi. Mais j'ai fait un très beau voyage en compagnie de ces quatre-là, et j'attends déjà avec impatience la parution annoncée des livres d'Elizabeth Jane Howard.
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Emmanuel est un dramaturge célèbre de 60 ans, mais c'est aussi un homme qui a tendance à tomber amoureux un peu trop souvent de jolies actrices ou de ses jeunes secrétaires, sa femme Lilian, de 20 ans plus jeune que lui est une femme malade du coeur et qui ne s'est jamais remise de la mort de leur fille datant d'il y a 14 ans.
Jimmy, quant à lui est le fidèle assistant d'Emmanuel, un assistant dévoué au point de n'avoir pas de vie à lui, et Alberta est la toute nouvelle secrétaire d'Emmanuel.
Ce sont ces quatre personnages que nous allons suivre durant quelques mois, de Londres à New-York en passant par Hydra, une île grecque, chaque chapitre étant vécu par l'un ou l'autre des protagonistes.
J'ai été charmée par ce roman des moeurs, cette chronique d'un drame annoncé, car on sent bien que quelque chose va avoir lieu, mais quoi exactement...tout dépendra de l'attitude de chacun.
Ce très joli roman parle de deuil, de conquêtes amoureuses, de l'idée de profiter de la vie, mais aussi de secret, du devoir envers la famille et enfin de toutes ces petites choses insignifiantes, ces petits gestes quotidiens que l'on fait, ces petits mots que l'on dit sans y penser, et qui remplissent nos vies, la rendent plus belle et plus riche.
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Ah, quel beau voyage que celui de cette lecture du côté de l'île grecque d'Hydra ! Ce roman psychologique d'Elizabeth Jane Howard nous présente quatre personnages, leurs pensées, leurs émotions, leur point de vue entre Londres, New York, Athènes et Hydra.

Emmanuel Joyce est un dramaturge à succès. Il est entouré de sa femme, Liliane, et de son manager (et ami) Jimmy. Alors qu'il cherche une actrice principale pour sa nouvelle pièce, son attention se porte sur sa secrétaire Alberta, jeune femme timide, gentille et volontaire. Tous les quatre partent alors en Grèce pour y répéter la pièce, se détendre et profiter des bienfaits de ce dépaysement…

Le point fort de ce roman est, à mes yeux, l'alternance des points de vue qui nous permet de découvrir une même action ou un même évènement selon différents angles. Chaque personnage présente des désirs et aspirations différents, mais révèlent également au fil du récit des failles qui les rendent plus humains. Ainsi, Emmanuel, sorte De Valmont des temps modernes, tombe amoureux ; Liliane, endeuillée, souffrant de problèmes de santé, apprend à vivre l'instant présent ; Jimmy, dont la vie a toujours été étroitement liée à celle d'Emmanuel, devient indépendant ; enfin, la vie d'Alberta prend un tournant inattendu.

Malgré des longueurs (notamment au début de l'intrigue) et des réflexions parfois complexes, ce roman a été une expérience incroyable, ne serait-ce que par sa description d'un été chaud sur l'île sauvage d'Hydra, ponctué de baignades, dégustation de plats locaux, farniente au soleil, propice à l'exacerbation de sentiments tus, éveillant chacun de nos sens…et nous donne envie de découvrir la Grèce et ses recoins les plus reculés.

Une Saison à Hydra n'a pas été un coup de coeur, mais n'en demeure pas moins un roman envoûtant !

A lire !
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J'ai vu un peu du charme de Cecil Beaton dans l'oeuvre d'Elizabeth Jane Howard : même tombé parfait, même équilibre rassurant, même stabilité sociale, même exotisme contrôlé.
L'analyse psychologique des quatre personnages principaux d'"Une Saison à Hydra", parfaite, a ce je ne sais quoi de pénétrant et d'un peu kitsch (Alberta, la jeune première, a les joues roses et la naïveté charmante). La narration nous fait voyager plaisamment en plusieurs lieux successifs (Londres, New York, Hydra, Athènes) et entendre les voix des quatre personnages qui racontent tour à tour leur vision des choses, avec un sens des longueurs délicieusement suranné. "Une Saison à Hydra" a bien la précision délicate et le sens du romanesque d'une robe New Look de Monsieur Dior.

Mais il y a bien plus que cela dans ce roman, et heureusement : l'observation à la loupe des affres de la création théâtrale (car Emmanuel Joyce est un dramaturge célèbre) permet d'explorer la frontière douloureuse entre le rêvé et le réalisé.
J'ai aimé également la manière dont l'auteure joue avec les cartes de ses personnages (2 femmes, 2 hommes, à différents âges de la vie) qui se superposent à la lumière de plus en plus vive des paysages, s'amusant des combinatoires possibles, pour une issue étonnante que je ne vous révèlerai pas mais qui nous tient tout de même en haleine.
Il y a cette île grecque aussi, que le titre nous fait attendre impatiemment et qui soigne son arrivée pour mieux exploser dans nos imaginations en des descriptions superbes : de jour, de nuit, sous l'eau, sur l'eau, au port, sur l'âne, en terrasse, on ne s'en lasse pas !
Et puis il y a ce thème lancinant du départ, qu'on retrouve dans d'autres romans d'Elizabeth Jane Howard, lancé à sa manière feutrée et tellement élégante :
"Tout était affaire de départ. Où allait-il? La question se posait tout au long de la vie. Ils arriveraient, descendraient du bateau et iraient... vers quoi?"
Mais l'important n'est-il pas le voyage, chère Mrs Howard ?

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"La vie est comme un immense tapis inachevé, avec plein de bouts de fil qui dépassent ; certaines personnes continuent de filer la laine, d'autres utilisent des brins existants et, très occasionnellement, quelqu'un fait les deux et entame un nouveau motif dans le dessin qui se poursuit indéfiniment. D'autres encore passent leur existence à essayer de voir tout le tapis qui a déjà été fabriqué pour mesurer le travail qu'il reste à accomplir".

Le lecteur d'Une saison à Hydra ne découvre l'ensemble du tapis que par petites touches, au fur et à mesure que chacun des quatre protagonistes tisse, avance, avant de parfois revenir en arrière pour dessiner un autre motif. Ces quatre-là sont autant de fils entre les mains de la romancière qui prend le temps d'étudier le moindre détail de leur texture, de leur origine, de leur résistance, d'envisager les différentes combinaisons entre eux avant de tenter des assemblages, et de finalement présenter la combinaison finale. le travail d'Elizabeth Jane Howard est aussi méticuleux que celui d'une dentellière, d'une brodeuse ou d'une tisserande. Chaque point, chaque rangée a sa place dans un ordonnancement qui tient en haleine par la mécanique de précision qui décline la psychologie de chacun des personnages. Avec force images et des descriptions de l'île d'Hydra à couper le souffle.

Ils sont donc quatre, un chiffre qui évoque un certain équilibre, des paires bien rangées, bien plus stable qu'un trio. Et pourtant. Au-delà des apparences, les vies intérieures sont loin d'être simples ou lisses. Prenons d'abord le couple formé par Emmanuel et Lillian. Lui est un célèbre auteur de théâtre, la soixantaine, en quête de l'actrice principale de sa prochaine pièce, entre Londres et New York. Sa relation avec sa femme, d'une vingtaine d'années sa cadette est marquée par la perte de leur fillette dix ans auparavant et par la fragilité du coeur de Lillian. Il oscille entre l'évitement et le ménagement, se réfugie dans le travail et se laisse parfois séduire par un joli minois. Nous sommes dans les années 50, l'ombre de la guerre plane encore. Auprès d'eux se trouve Jimmy, sorte de manager et de secrétaire particulier qui organise leur vie et planifie leurs déplacements au gré des envies et des contraintes professionnelles. Ils n'ont pas de maison, s'installent dans celles qu'on leur prête ou qu'ils louent, vivent dans une sorte de tourbillon qui leur évite certainement de trop s'interroger sur eux-mêmes. le recrutement d'une nouvelle secrétaire, Alberta va changer la donne. Cette toute jeune fille n'a rien à voir avec le milieu fréquenté par les Joyce. Élevée dans un foyer stable et aimant, elle porte un regard à la fois frais et exempt de ressentiment sur le monde qui l'entoure et représente une curiosité pour les trois autres dont les enfances furent difficiles et les parcours traumatiques. de New York à Hydra, l'été va être l'occasion pour chacun de réfléchir à ses profonds désirs, de se réconcilier avec son passé afin de pouvoir envisager un avenir plus serein.

"Il y a une énorme différence entre savoir ce qu'il faut faire et le faire, et je suppose qu'on passe la plus grande partie de sa vie dans cet entre-deux".

Le talent d'Elizabeth Jane Howard est de tenir son lecteur au plus près des réflexions de chacun. Pour cela, elle utilise un procédé qui pourrait lasser - elle braque le projecteur tour à tour sur chaque protagoniste - mais qui au contraire, bien utilisé, offre à chaque prise de parole l'éclairage d'un point de vue qui remet les autres en question. Ainsi, l'équilibre se fait entre la tension narrative - l'envie de savoir comment le jeu va évoluer entre les quatre et quelles paires en sortiront - et le plaisir de la compagnie de ces personnages complexes, modelés par leur passé, contraints par leurs secrets, trahis par leurs erreurs d'appréciation, aveuglés par leur désir d'être aimé. Je me suis régalée, et particulièrement lors de la deuxième moitié du roman, lorsque l'action se déplace à Hydra, territoire totalement nouveau pour chacun des quatre, que l'auteure décrit avec beaucoup de sensibilité et qui joue un rôle à part entière dans l'intrigue, décor solaire et déterminant du dernier acte. Voyage parfaitement réussi !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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J'avoue m'être lancé dans la lecture d'« Une saison à Hydra » avec un peu d'appréhension. À peine sorti de la monumentale et impressionnante saga des Cazalet, ne risquais-je pas d'être déçu ? Il n'en a rien été. J'ai retrouvé le sens très fin de l'analyse d'Elizabeth Howard et son goût pour les descriptions, jamais gratuites, qui suscitent une atmosphère extrêmement subtile dans laquelle évoluent ses personnages.

Ils sont quatre. Emmanuel, auteur de comédie. Sa femme, Lillian. Son manager, Jimmy. Et Alberta-Sarah, une jeune fille, engagée comme secrétaire et à laquelle il va rapidement être question de confier le rôle principal dans la dernière pièce d'Emmanuel.

Mais le rôle principal, Alberta va essentiellement le tenir dans la vie des trois autres. D'abord parce que les deux hommes s'éprennent passionnément d'elle, mais ensuite et surtout parce qu'elle va les amener, eux et Lillian, sans avoir réellement conscience de l'influence qu'elle exerce, à porter sur leur vie et sur leur avenir un regard résolument différent.

Après une première partie « urbaine » qui constitue pour ainsi dire une mise en place, où Elizabeth Howard nous présente chacun des membres de ce quatuor avec ses aspirations, ses habitudes, ses relations et son passé, souvent douloureux, nous sommes entraînés avec eux sur une île grecque quasi déserte (et l'arrivée sur cette île constitue un véritable petit moment d'anthologie) où s'instaure un huis clos à coloration douce où chacun, se retrouvant face à lui-même, va devoir s'accepter tel qu'il est et prendre les décisions qui s'imposent.
La construction polyphonique, la parole étant alternativement donnée aux quatre personnages, permet, sans que ce soit jamais ennuyeux, de bien pénétrer au coeur de la personnalité de chacun et de suivre les méandres de ses transformations intérieures. Jusqu'au dénouement final.

À mon sens, Elizabeth Howard est une plume majeure de la littérature anglaise. Je regrette d'autant plus que, jusqu'à présent, seule une infime partie de ses écrits ait été traduite en français.


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