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Critique de myrtigal


Les petits livres de la collection Découvertes de Gallimard sont toujours de véritables pépites passionnantes. Alliant un texte court et précis et une riche iconographie, photos, archives, le tout dans un petit format, ils nous permettent de découvrir un sujet ou une personnalité de façon rapide et pédagogique.

Ici il s'agit de Jean-Jacques Rousseau, célèbre écrivain et philosophe des Lumières que l'on connaît tous, mais qui était-il et quelle fut sa vie ? C'est ce que l'auteur va nous raconter tout cela. En commençant par sa naissance et son enfance à Genève, petite république indépendante et cosmopolite dont il gardera toujours en lui les valeurs. Puis il quittera la suisse pour divers apprentissages dans divers endroits ; Turin, Annecy, Neuchâtel, Chambéry, etc. Puis plus tard, Paris, Montmorency, Eaubonne, Venise, Londres. À vrai dire durant toute son adolescence mais aussi durant sa vie d'adulte Rousseau n'aura de cesse de voyager. C'est quelque chose qui m'a beaucoup frappé, et en ça il m'a fait penser à Vincent van Gogh, qui lui aussi a eu une vie particulièrement marquée par une incroyable errance géographique. Et au détour de ces nombreux déplacements Jean-Jacques fera beaucoup de rencontres, dont deux qui seront importantes dans sa vie ; Mme de Warens, qui sera sa tutrice à Annecy et pour laquelle il nourrira une très grande affection, et Thérèse le Vasseur, une jeune lingère qui deviendra sa compagne (et la mère de ses enfants) et restera à ses côtés durant toute sa vie.

On découvre combien la vie de Rousseau fut difficile, semée d'embuches, laborieuse, souvent miséreuse. Je dois dire que je ne m'en doutais absolument pas. le connaissant comme l'un des plus grands philosophe de notre histoire, j'ai cru son parcours et sa vie plutôt linéaire et aisé. Même si quand j'ai lu Les rêveries du promeneur solitaire il y a trois ans —ma première lecture de son oeuvre—, dans laquelle il se remémore les nombreux obstacles de sa vie, j'avais commencé à comprendre qu'il avait connu des moments difficiles mais je ne savais pas que ce fut à ce point. On apprend que Jean-Jacques n'a presque jamais vécu dans la stabilité financière (ni même la stabilité tout court), qu'il n'a jamais vraiment eu de domicile ni fixe ni à lui, et qu'il n'a jamais vraiment eu d'amitiés stables non plus. Rousseau est connu pour son obsession de « persécution », à l'époque et toujours de nos jours, il lui a souvent été reproché son auto-apitoiement, mais personnellement lorsque j'ai lu Les rêveries je n'ai absolument pas ressenti cela bien au contraire, j'ai été très sensible à sa mélancolie et je comprenais ce qu'il ressentait. Et à présent, grâce à la lecture de ce livre j'ai pu apprendre combien il avait effectivement une personnalité particulière, ombrageuse, mélancolique et solitaire, et qu'elle fut bien souvent incomprise par ses pairs et contemporains. Mais à aucun moment l'auteur nous le présente comme un délire infondé, au contraire, il fait preuve de recul et de compréhension envers Rousseau et décrit sa personnalité avec justesse, ainsi que la réalité de ce qu'il a vécu. Car il fut effectivement durement traité.

Même dans son oeuvre littéraire rien ne fut linéaire pour Jean-Jacques, il a d'abord commencé par la musique, en composant et théorisant, puis la philosophie et les questions sociales se développeront plus tard, au contact de la foisonnante vie parisienne. On verra la genèse de ses trois oeuvres majeures ; la nouvelle Hëloise, l'Émile et le Contrat social. Mais comme si sa personnalité n'était pas déjà un assez lourd pour fardeau pour lui, ses oeuvres —et ça encore je ne le savais pas—, seront très sévèrement critiqués et même interdites. Il subira des foudres et des persécutions, comme je crois rarement j'en ai vu pour un écrivain, et l'obligeront à constamment changer d'endroit où vivre ; instabilité supplémentaire à l'instabilité. Néanmoins à côté des coups durs il eut aussi, heureusement, des joies et des succès ; Hëloise en fut un, entre autres, mais aussi un opéra composé et très apprécié par le roi. Mais on apprend que même les succès furent pour lui difficile à gérer psychologiquement et socialement.

Mais ce qui m'a le plus révoltée et écoeurée ce fut Voltaire. La cerise sur un gâteau déjà bien garni, il n'aura de cesse de rabaisser et chercher le conflit avec Rousseau. Nous connaissons tous la rivalité restée célèbre et passée à la postérité entre les deux plus grands philosophes, mais j'ai toujours pensé qu'elle fut équitable et équilibrée. Et bien absolument pas. Marc-Vincent Howlett, qui a aucun moment ne prend parti, relate les faits tels qu'ils se sont déroulés et ce que l'on constate rapidement c'est que chaque fois Voltaire a pris la plume de son propre gré pour attaquer ou se moquer le premier de Rousseau, sans que celui-ci ne l'ait sollicité ou adressée la parole en préalable. Une méchanceté gratuite que j'ai trouvé méprisable.
Las des innombrables méprises autour de son oeuvre et de sa personne, il finit par s'isoler définitivement, et s'attèle, à côté de sa passion pour la botanique, à une dernière oeuvre pour se faire comprendre de tous, livrer sa vérité et se mettre à nu dans le but qu'enfin les gens le comprennent : les confessions.

Comme chaque fois dans les Découvertes Gallimard l'iconographie est très belle, et l'annexe là aussi, comme chaque fois, particulièrement riche avec énormément de textes de Rousseau mais aussi d'autres auteurs de l'époque ou contemporains, livrant un éclairage supplémentaire sur le philosophe à la lumière de thèmes particuliers.

Bref c'est un livre passionnant qui m'a permis de mieux découvrir un Jean-Jacques que j'appréciais déjà, et dont la vie m'a particulièrement touchée.
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