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Critique de cprevost


Yu Hua n'en est pas à son coup d'essais. Son roman « Vivre » a en effet donné lieu à une très belle adaptation cinématographique de Zhang Yimou (1994) et « Brothers » (2008) a reçu en France un accueil critique enthousiaste.

En retraçant ici, selon un double point de vue narratif, le parcours de ses deux personnages, l'auteur interroge, une fois de plus, de la fin du XIXe siècle au début des années 1930, plusieurs décennies d'histoire chinoise. Lin Xiangfu, propriétaire foncier menuisier puis père célibataire vagabond, portera au début du roman sa fille sur son torse. Il cherchera courageusement Xiaomei, la mère de l'enfant invraisemblablement volatilisée dans « La ville introuvable » titre de l'ouvrage. L'enfant, façonnée par le mystère de ses origines, alors grandira au fil des pages. En un pays en proie aux soubresauts de l'histoire et aux calamités naturelles, dans un désordre épique sans nom, de formidables énergies individuelles aussi se libèreront. Yu Hua, avec un empressement narratif virevoltant, ménage pour nous dans son dernier roman un subtil et envoutant suspense.

Lire Yu Hua, c'est certes, du Nord au Sud du continent chinois, accueillir d'autres caractères et d'autres paysages mais c'est aussi s'ouvrir à d'autres parlés façonnés par une histoire collective contemporaine immense et tragique. Pour rendre compte de vies soumises à la nécessité des évènements, Yu Hua ne semble pas dans « La ville introuvable » prendre d'abord le parti de l'art. Il rassemble plutôt dans son roman, en de courtes phrases, les paroles, les gestes, les faits marquants des vies, tous les signes objectifs des existences de ses personnages. Il n'y a aucune ou presque intériorité du souvenir dans son roman. L'écriture blanche dans ces pages parait toujours s'imposer. L'auteur raconte le plus simplement possible, sans emphase, les événements des existences de Lin Xiangfu, Xiaomei et de leur fille. L'écriture ici est plus commandée par le regard qu'Yu Hua porte sur ces existences chahutées et ces évènements que sous l'influence d'un quelconque jeu formel. Roland Barthes, dans son premier livre (« le degré zéro de l'écriture »), proposait une définition de l'écriture comme une fonction chargée d'exprimer le rapport entre la création et la société. Elle était pour lui « le langage littéraire transformé par sa destination sociale […] la forme saisie dans son intention humaine et liée ainsi aux grandes crise de l'histoire. » Cette définition semble assez bien aller au travail de l'écrivain chinois car c'est par différence avec la « langue » (fait collectif) et le « style » (de nature individuelle) que l'écriture de Yu Hua parait ici trouver sa place ; car si la langue et le style sont des « forces aveugles » auxquelles nul ne peut se soustraire, si l'écriture au contraire fait l'objet d'un choix, alors « La ville introuvable » apparait certainement comme un « acte de solidarité historique » ayant partie liée à l'écriture.
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