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Critique de Sofiert



Roman d'aventures et roman historique, quête amoureuse et voyage en Chine. Bref action et romance garantis si vous choisissez le dernier roman de Yu Hua.

L'action se déroule en Chine, de la fin du XIXème au début des années 1930, époque au cours de laquelle la dynastie Qing fut renversée en 1912, après avoir régné pendant près de 300 ans. Cette période trouble fut marquée par l'affrontement de nombreuses bandes de brigands qui se livraient à des pillages, des enlèvements avec rançons, des assassinats et n'hésitaient pas à attaquer les villages.
L'auteur n'épargne pas les lecteurs dans la description des pires tortures vécues par ceux qui tombaient entre leurs mains.
" le sang de plus de deux cents personnes jaillit dans l'herbe, éclaboussant les arbres tout autour de l'aire de séchage et retombant goutte à goutte de leurs feuilles agitées par le vent. Il teignit de rouge la terre de l'aire de séchage, les cheveux blancs des vieillards, les pupilles des enfants et les visages livides des femmes. "
Très cinématographique, cette partie du roman lorgne du côté des films de "splatter", dans l'outrance et la démesure de la violence qui s'exprime, au point d'hésiter entre nausée et parodie.

Mais ce roman est bien loin d'être un roman gore. Il est avant tout le récit d'une quête, celle de Lin Xiangfu qui se rend à Wencheng, la ville natale de sa femme disparue, Xiao Mei. Il traverse la Chine du Nord au Sud, portant sa fille sur son ventre et ses possessions dans son dos à la recherche d'une ville qui n'existe pas. Wencheng n'est pas seulement la ville où sa femme est censée vivre elle est aussi le symbole d'un amour inaccessible, la métaphore d'une quête chimérique.
L'auteur met en place tous les ingrédients pour une épopée : le héros, la découverte d'un monde inconnu, l'objectif ( ici l'amour) et les péripéties qui seront nombreuses.

Et voilà les lecteurs harponnés par Yu Hua qui maîtrise parfaitement la technique d'hameçonnage et ne les lâchera pas.
D'autant plus que son héros est éminemment sympathique et possède d'énormes qualités de gentillesse, de persévérance et de tolérance. de même certains personnages secondaires se distinguent par leur hospitalité, leur chaleur et leur loyauté.
A son arrivée à Xizhen, malgré la tornade qui vient de causer d'énormes dégâts, Lin Xiangfu est reçu chaleureusement par les habitants.
"Il trouvait le bourg très accueillant. Quand sa fille pleurait parce qu'elle avait faim, il se trouvait quelqu'un pour venir à lui spontanément et le conduire dans une famille où il y avait une femme qui allaitait." Ainsi la petite fille, nourrie par toutes les mères du village, sera nommée Lin Baijia, Lin des cent familles

L'installation de Lin Xiangfu au village ressemble à l'arrivée de Candide dans l'Eldorado de Voltaire . Il se lie d'amitié avec Chen Yongliang et sa famille, et s'associe avec lui pour créer une entreprise de menuiserie. Lorsque la tempête est terminée, ils proposent leurs services aux habitants pour remettre en état portes et fenêtres et ceux-ci les rémunèrent sans qu'ils aient besoin de réclamer. La solidarité est également de mise lorsque les brigands attaquent et Gu Yimin, le gouverneur de la ville est un homme honnête et courageux.
Ainsi le profil des personnages est complètement manichéen à la manière des personnages de contes : les gentils sont très gentils et les méchants terriblement méchants.
Par certains aspects le roman relève certes du conte, mais le rêve de vie paisible est largement malmené par la réalité du terrain, dans un contexte de chaos croissant, celui des hommes mais aussi celui de la nature qui fait pleuvoir les catastrophes naturelles. La région de Xizhen est livrée aux exactions de bandits qui y sèment la terreur, surtout d'ailleurs quand ils affrontent les troupes de l'armée nationaliste qui ne font qu'ajouter au chaos.

Le seul personnage ambigu est bien sûr Xiao Mei qui a trompé son mari sur son identité, lui a volé des lingots d'or, l'a abandonné à deux reprises et surtout a abandonné son bébé.
C'est pour résorber cette ambiguïté que l'auteur a choisi d'ajouter une deuxième partie en forme d'épilogue et intitulée "Histoire de Xiaomi". Cette partie retrace son enfance d 'enfant-fiancée, son apprentissage de couturière, sa répudiation, sa fuite, sa rencontre avec Lin Xiangfu, la naissance de sa fille et tous les événements advenus par la suite.

J'ai d'abord pensé que cette deuxième partie, plus courte, perturbait le rythme narratif et restreignait l' imaginaire des lecteurs.
Mais lorsque le mystère a été dissipé, la quête d'amour et de paix mené par Lin Xiangfu, comme celle de Candide face à l'Eldorado, révèle une double aporie: la ville et la femme sont toutes deux introuvables.


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