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Critique de Andromeda06


"Peau d'homme" est un roman graphique dont les événements se déroulent en Italie, pendant la Renaissance, et qui met en scène Bianca, jeune fille de dix-huit ans sur le point de se marier. Issue d'une "bonne famille", elle est promise à Giovanni, le mariage ayant été arrangé et négocié par les deux familles concernées. Parce qu'elle regrette de ne pas pouvoir connaître son fiancé avant le jour dit, sa marraine lui révèle le secret qui unit toutes les femmes de la famille : elles possèdent une peau d'homme, qu'elles ont appelée Lorenzo et qu'elles ont revêtue tour à tour pendant leurs jeunes années. Bianca, à son tour, peut désormais se faire passer pour un homme et ainsi faire la connaissance de son futur mari dans son "milieu naturel". Mais au-delà du fait qu'elle apprendra que ce dernier est homosexuel, elle se rendra compte de la place réelle des femmes dans ce monde d'hommes. Qu'elle soit dans sa peau de femme ou dans celle de Lorenzo, Bianca s'émancipe, s'insurge, se rebelle...

Plusieurs sujets forts sont abordés sous divers angles, et notamment la condition de la femme, l'homosexualité et le fanatisme religieux. Ils sont traités par le biais de personnages aussi différents les uns que les autres, nous offrant de ce fait une vue d'ensemble. Les femmes, par exemple, sont tantôt un objet ou une marchandise (point de vue du père), tantôt un être inférieur qui n'éprouve aucun désir (point de vue du mari), tantôt un démon en jupon responsable de la débauche des hommes (point de vue religieux) ; mais elles sont aussi des femmes qui ont un corps et des idées qu'elles assument et dont elles sont fières, capables de s'affirmer et d'user de représailles dans ce monde d'hommes qui les brident. Il en est de même des homosexuels, ou plutôt des invertis comme ils sont appelés ici, obligés de se cacher, de jouer les "mâles" au grand jour, et pas mieux traités que les femmes.

On observe donc Bianca évoluer dans cette atmosphère quelque peu misogyne et intolérante, dont le fanatisme religieux est une véritable contagion, porté qui plus est par la voix d'Angelo, le frère même de Bianca. Au fur et à mesure que Bianca ouvre les yeux sur tout ce qui l'entoure, Angelo se fait de plus en plus dur envers ses sujets, qui pourtant sont de plus en nombreux. Les femmes en prennent pour leur grade, responsables de tout aux yeux de "Dieu", il en va de même pour les invertis et toutes les autres personnes qui ne rentrent pas dans le moule. Tous les citoyens "modèles" s'insurgent contre eux. Mais quand Angelo va trop loin, qu'il défend aux hommes de tromper leur femme ou de la battre, la tendance tourne enfin, il est temps d'envoyer Angelo vers une nouvelle sainte mission, celle de relever un vieux monastère, tout là-bas au fin fond de la montagne...

Évidemment, nous sommes au temps de la Renaissance, soit quelque part entre le XIVe et le XVIe siècles, et bien des progrès dans les moeurs étaient encore à accomplir à cette époque. Mais Hubert et Zanzim mettent tout de même le doigt sur des sujets encore d'actualité, et c'est certainement voulu, et c'est pour moi ce qui fait le point fort de leur histoire. La plupart des coups de gueule de Bianca sont encore à conjuguer au présent, et malheureusement certaines réflexions phallocrates et homophobes également.

Mais le ton donné, tantôt grave et colérique, tantôt sarcastique et ridicule, nous offre une lecture haute en couleur. C'est, certes quelque peu révoltant, mais également très jouissif. Les pages se tournent toutes seules. On s'attache aux personnages ou on aime à les détester. L'histoire est menée tambour battant. Un vrai régal !

Mon seul bémol vient des dessins, et plus exactement de la physionomie des personnages que j'ai trouvés peu travaillés, ou plutôt "déformés", avec des yeux trop grands, des nez trop longs ou quasiment inexistants, ou encore des expressions trop exagérées, ne les mettant pas en valeur. Je n'ai en revanche rien à dire quant à la représentation des décors, mobiliers, tenues et autres, quant aux couleurs choisies et aux traits simples des dessins, formant un tout représentatif du contexte de l'époque.

"Peau d'homme" était dans ma liste d'envies depuis déjà un certain temps, et ça fait un moment que j'attends qu'il soit disponible à la bibliothèque. Mais ça valait la peine d'attendre, je comprends le succès qui lui tourne autour et les nombreux prix reçus.
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