« The Wire » s’apparente, selon certains critiques, davantage au mélodrame qu’à la tragédie : la série suit en effet de nombreuses conventions du genre, comme l’accent mis sur des victimes impuissantes, l’utilisation de la corruption et l’injustice comme sources premières de conflit, ou encore l’incapacité des personnages de changer leur environnement qui suscite l’indignation des spectateurs face au destin des victimes. En dépit de son constat sombre et de la circularité de sa conclusion, les personnages se rebellent le plus souvent contre leur destin et la série contient en germe l’idée que les choses devraient être changées ; la tragédie suppose un sentiment de résignation face au destin, tandis que « The Wire » est une œuvre foncièrement « indignée par l’injustice du monde ».
Toutes ces séries [celles de David Simon] n’ont ainsi de cesse d’interroger la politique et les systèmes de classes, les représentations, la culture, les images et le langage. Chacune ambitionne de nous faire « réfléchir, peut-être voir les choses différemment » […]. Aucune solution simple et univoque n’est proposée aux maux qui sont représentés, mais une même interrogation unit ces œuvres, celle de la communauté d’êtres humains : comment continuer à jouer, non pas chacun pour soi, mais ensemble, et selon des règles plus justes ?
Au-delà de la référence au roman, les sources littéraires revendiquées par la série remontent à l'Antiquité : la tragédie grecque procure la dynamique de la série, une logique selon laquelle le destin individuel échappe au contrôle et à la volonté des personnages, mais se retrouve soumis à des forces supérieures dont les êtres ne sont que les jouets. Il ne s'agit pas ici des dieux capricieux, mais d'un système - comme le formule David Simon, c'est « le capitalisme qui a remplacé Zeus ».