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Critique de Darkcook


Un Hugo une fois par an, voila la prescription, et encore, c'est insuffisant, c'est bien parce qu'il y a tant d'autres auteurs à lire... Dévot d'Hugo assumé et fan de théâtre, il fallait absolument que je comble cet été une de mes plus grosses et honteuses lacunes (et là, je crie tel Maffio, de façon ostentatoire, en fin d'acte I) : "Lucrèce Borgia!!!" En plus, tout le monde me parle des séries Borgia, bref, je devais me renseigner quand même...

Si on vous dit : Hugo, sang, inceste, Italie? Moi, en tout cas, je fonce! Hugo est un adorateur de Shakespeare et d'Eschyle, et l'on retrouve ici leur passion, leur folie, et tous les excès les plus fous à peine imaginables, qui doivent régaler les spectateurs des sus-dits feuilletons, sortis des écrits encore à lire (oui, je sais, pour un wannabe Ellroy Junior tel que moi, c'est honteux) du divin Marquis de Sade. On assiste ainsi à la relation ambigue entre Lucrèce Borgia et Gennaro, le fils que la première a eu avec son propre frère, sans que le fougueux jouvenceau ne soit au courant de l'identité de sa soupirante bienveillante!! Outre moult rappels à Oedipe et Jocaste, on se régale de ce bain de pêchés et de luxure dans lequel nous plonge Victor. Lucrèce est l'objet de la passion dévorante de ses deux frères qui iront jusqu'au fratricide, il est susurré qu'elle a peut-être aussi couché avec son père, et ce dernier, le pape Alexandre VI, règne tel un parrain de la mafia sur les sous-sols du Vatican et les soupers où tous sont égorgés et empoisonnés sous ses ordres!!

Le lien entre Lucrèce et Gennaro demeure passionnant et complexe, on retrouve la verve hugolienne telle qu'on la connaît dans les répétitions et les gradations de répliques enflammées, et bonus non négligeable : Hugo parvient, dans cette sanglante tragédie, à injecter un humour bienvenu, entre autres avec le personnage de Jeppo. Non pas qu'il faille à tout prix débrider, atténuer le tragique, c'est même le contraire, mais ici, on est d'autant plus accroché à l'action, forte en surprises, avec toujours plus d'empathie, malgré la simplicité de l'histoire au final. Le drame aurait pu aisément ne pas connaître ce dénouement, mais le destin l'emporte toujours, c'est bien connu. À ce sujet, j'étais initialement frustré par la fin, bien qu'elle m'ait tout de même surpris. Cependant, en voyant dans l'édition les fins alternatives prévues par Hugo, encore inférieures, j'ai fini par l'accepter. Elle enrichit encore ce cher Gennaro, et s'avère des plus cohérentes. C'est un Borgia!!

Je salue les très grands moments : le début, la mutilation de l'emblème des Borgia, et ce souper final aussi effrayant que drôlatique! L'arrivée soudaine des pénitents ajoute encore à la terreur, et on y devine bien là une reminiscence du théâtre shakespearien peuplé de créatures d'outre-tombe!

Je serais presque tenté d'enchaîner avec Le Roi s'amuse, qu'Hugo décrit fièrement dans la préface de Lucrèce Borgia comme pièce soeur, formant un diptyque sur les monstres pathétiques qui lui sont chers. Mais les autres génies de ma bibliothèque, ses confrères de lectures si longtemps repoussées par le manque de temps m'appellent des tréfonds... De profundis clamaverunt...
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