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Critique de soniamanaa


Quinze ans de ma vie à traquer tout écrit sur le sujet, à arpenter les plaines de Pologne, à ployer à Yad Vashem sous le tumulte de six millions de voix murmurantes, et je n'avais jamais croisé ce livre...
C'est la lecture, il y a quelques mois du conte "La plus précieuse des marchandises" qui a orienté mon choix et m'a fait ratisser les librairies d'occasions pour accumuler le maximum de livres de Fabrice Humbert.

Si L'origine de la violence n'est pas chronologiquement la première oeuvre de l'auteur, elle me semble être incontestablement son oeuvre fondatrice. le personnage central est un double incarné de l'auteur.
Il y a tant de critiques pour ce livre que je ne m'attarderai pas sur l'intrigue. Une photo croisée au camps de concentration de Buchenwald est le point de départ d'une longue et épuisante quête des origines.

Deux thèmes se juxtaposent dans le récit. L'un est le poids des secrets dans les aventures familiales, l'autre, plus central, dessine une longue ronde autour du Nazisme, première chute du continent européen selon l'auteur, la seconde étant le communisme.
On écrit "nazisme", et l'on s'imagine avoir tout dit. Témoignages, essais philosophiques, recherches historiques ont expurgé le sujet de tout mystère, semble t'il.
Et pourtant...
L'angle d'approche de l'auteur n'est pas tant d'appréhender l'aveugle adhésion d'une population aux thèses délirantes d'un gnome médiocre et grotesque, que de débusquer ce qu'il nomme avec une majuscule agressive le Mal absolu.
"Le Mal absolu n'était pas une idée mais un tourment ; on ressentait le Mal à l'intérieur de soi ". "Les camps sont l'homme".
Le titre de l'ouvrage n'est pas sans en appeler un autre: Les origines du totalitarisme d'Hannah Arendt. Dans mon esprit, les deux oeuvres se superposent et se complètent. Si les écrits de la philosophe ont tenté de circonscrire le nazisme dans ses dimensions sociétales et politiques, Fabrice Humbert traque les forces psychanalytiques, quasiment oecuméniques de ce Mal aux dimensions universelles. Il observe comment, débarrassés des normes et règles encadrant la société, adoubés par les discours d'un système pervers, les forces les plus obscures, sanguinaires et sadiques se sont libérées chez tant d'êtres humains. Cette consanguinité de l'homme et du Mal, il la dissèque, cherche à la neutraliser, tout en avouant que cette violence est tapie dans un "Ça " consubstantiel à l'humanité.

Livre d'une puissance inouïe, écrit d'une plume sans fioritures mais nourrie des plus belles pages de la littérature, L'origine de la violence est devenue pour moi une oeuvre centrale. le seul hic est qu'elle m'invite à relire l'immense cohorte de pages déjà lues afin de réorganiser ma pensée, et, sans doute ma propre narration.
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