Le temps passe vite... Nous sommes déjà à plus de la moitié des présentations de la sélection du Prix Filigranes.Cette semaine, Fabrice Humbert, auteur du roman "Le monde n'existe pas" vous a laissé un message. Lui aussi a relevé le défi : présenter son roman en moins de 60 secondes ! Voici le résultat ! @Gallimard
«Autrefois, j'avais un ami. Je l'ai rencontré il y a bien longtemps, par un jour d'hiver, sautant de sa voiture et grimpant quatre à quatre les marches du lycée Franklin. C'est le souvenir le plus vivace que j'aie de lui, une impression inégalable d'éclat et de beauté. Figé sur les marches, rempli d'admiration et de honte, j'étais égaré dans ma condition de "nouveau", égaré en moi-même. Il m'a sauvé des autres, de ma propre jeunesse. Des années plus tard, alors que cet homme était devenu une image détestée, j'ai tenté de le sauver. J'aurais aimé qu'on sache qui il était vraiment.»
Lorsque Adam Vollmann, journaliste au New Yorker, voit s'afficher un soir sur les écrans de Times Square le portrait d'un homme recherché de tous, il le reconnaît aussitôt : il s'agit d'Ethan Shaw. le bel Ethan, qui vingt ans auparavant était la star du lycée et son seul ami, est accusé d'avoir violé et tué une jeune Mexicaine. Refusant de croire à sa culpabilité, Adam retourne à Drysden, où ils se sont connus, pour mener l'enquête. Mais à mesure qu'il se confronte au passé, toutes ses certitudes vacillent
Roman haletant et réflexion virtuose sur la puissance du récit, le monde n'existe pas interroge jusqu'au vertige une société aveuglée par le mensonge, où réalité et fiction ne font qu'un.
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Un être en guerre, pour moi, c’est un homme pour qui la défaite a déjà eu lieu. La défaite de tout ce qui peut nous rendre humains mais aussi la défaite du bonheur.
Dans la vie, le problème, c’est de se réinventer. De devenir un autre être. D’autant que lorsqu’on cherche à se réinventer, le vrai travail se produit, celui de la perpétuation, la puissante force qui pousse à être toujours soi-même, de sorte que les métamorphoses se nouent et se dénouent pour arriver au terrible constat : nous sommes toujours nous-mêmes mais plus profondément.
Toute société, en ses origines, est dirigée par des voleurs et des criminels, qui s’imposent dans un monde sans loi, et ce n’est qu’ensuite, par le gauchissement de l’épopée et de la mémoire, que les criminels deviennent de grands hommes. Les seigneurs du Moyen Age furent des pilleurs sauvages, comme l’avaient été les premiers Grecs et les premiers Romains. De même que les millionnaires du XIXe siècle américain furent des bandits érigeant leur fortune d’acier et de pétrole dans le vol et le chantage avant de se refaire une morale dans de belles fondations artistiques et citoyennes dont leurs descendants s’enorgueillissent, Lev appartint à une époque sauvage où les criminels et les voleurs arrachèrent les meilleurs morceaux de la dépouille impériale.
Les camps de concentration sont l'enfer réalisé parce que le terrible mélange d'un ordre de fer et des plus affreuses pulsions humaines a fait surgir sur la terre tout ce que des représentations séculaires avaient imaginé. Les camps sont l'Homme. Entrer dans un camp, c'est pénétrer dans un délire glacé, dénué de toute autre signification que la destruction, la souffrance et la mort.
Durant mon adolescence, le mot "juif" est soudain devenu important, sans raison, comme si j'avais pu prévoir qu'un jour, ma vie serait consacrée à l'élucidation d'une page d'histoire familiale dans un camp de concentration. Preuve à l'appui de ce pouvoir prophétique que certains, comme Hugo, attribuent à l'écriture , et auquel je crois assez, simplement parce que ce labeur minutieux, tous les sens rivés à la page, fait monter des vagues secrètes; révèle des domaines cachés, déterminants et amenés à paraître au grand jour.
Les héros ne sont peut-être tels que parce qu'ils ont commis une faute qu'ils passent toute leur vie à réparer.
Franklin et ses compagnons ne sont plus sur la terre. Ils marchent dans un espace nu, désolé, qui pourrait être une lointaine planète. Ce sont des êtres abstraits dans un espace abstrait. Il n’y a rien. L’étendue. La neige. Quelques collines. Parfois, ils croisent quelques traces d’Indiens. Quelques traces de troupeaux. Des ombres en quête d’autres ombres. Ils avancent sans repères, et sans doute marchent-ils à l’intérieur d’eux-mêmes, d’un pas mécanique, pour ne pas tomber.
Il finit par comprendre que lorsqu’on se trouve en face de la folie, il n’est d’autre solution que de fuir ou de succomber à cette folie, même pour une minute.
Je prétends que tout ce que nous vivons est un livre ou un film. En tout cas une fiction, recomposée ou non. Le film en cours s'intitulait Retour à Drysden. Je logeais dans un décor de film policier. La route qui serpentait dans les montagnes était celle de Shining. Comme dans le film de Kubrick, une caméra dans un hélicoptère avait filmé le trajet de la voiture. Drysden n'existait pas. Le monde n'existe pas. Le monde est une histoire pleine de bruit et de fureur.
(page 66)
(...) je me demande comment on arrive encore à écrire des livres originaux dans ce pays (sauf si la seule vraie originalité vient de la convention, comme le disait Sarah). Un site [américain] précise justement que toutes les conventions narratives doivent être utilisées : intrigue, personnage, décor, climax et dénouement. Et que les détails doivent être soigneusement choisis pour soutenir ou embellir l'histoire.
Je change de langue : passant sur des sites allemands, je trouve des études universitaires sur la chanson de geste ou Walter Benjamin que j'abandonne aussitôt. Sur les sites français, des cours pour le bac me proposent des analyses basiques de narration. En dix minutes, la différence des approches entre les trois cultures est évidente. Les Américains proposent de faire, les Français de commenter, les Allemands de philosopher. On dirait une caricature.