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Critique de harvard


"Neverhome" étrange et attachant roman qui traverse une guerre fratricide américaine, sans drapeau, sans colère, sans ressentiments. On pourrait le sous titrer "La ballade de Gallant Ash", chant polyphonique en l'honneur "d'une femme mariée, loin de chez elle, qui voyage avec une armée en temps de guerre" (je cite)
Une langue parlée et rude souvent, une écriture sobre faite d'échappées, de ruptures, détonnante et inattendue, où la somme des petits riens de la vie d'un camp militaire côtoient le funambule, le rêve, comme si des fantômes insouciants parcouraient au clair de lune un champ de bataille dévasté, où s'est déchaînée la folie meurtrière des armées. D'un côté la violence des hommes, le fracas des armes, les brutalités d'une armée de soudards, et d'un autre un récit lunaire avec la distanciation stendhalienne d'une voix intérieure.
Constance notre héroïne, fraîchement mariée part au front dans les armées de l'Union. Elle prend sous le nom d'Ash Tompson, la place de son mari souffreteux, pour mener un combat que sa conscience lui dicte ( Laird Hunt s'est il inspiré d' exemples authentiques de femmes qui ont combattu sous un déguisement d'homme dans les rangs du général Grant ? ) Faite de droiture et d'active fraîcheur dans un monde barbare, Ash croise entre autre un étonnant colonel qui médite sur la condition humaine, alors que le canon gronde, qui l'entretient de ses pensées, lui accorde son estime et lui propose un poste de tireur d'élite car Constance est une fine gâchette. Entre deux bivouacs, deux combats elle tient une correspondance avec Bartolomew son cher époux, avec qui elle réveille les souvenirs d'un bonheur qu'elle espère un jour retrouver quand la guerre sera finie.
Le récit du livre se déplie avec l'enchaînement de scènes de bataille chaotiques, l'enfer d'une maison de fous où elle est enfermée, quand elle est soupçonnée à tord d'espionnage de l'armée de l'Union, avec la corvée des latrines de campagne par grand froid, la torture d'une chaise pour mater sa nature rebelle. En alternance, "j'ai l'impression dit elle d'être sortie d'une histoire et entrer dans d'autres", Ash connait des moments de pur silence dans la beauté des lieux, où volent des colibris, quand le pain est chaud et que des fleurs coupées agrémentent une table de fortune. Et ses rencontres tout au long de son périple sont inattendues, contrastées par un mélange détonnant de tendresse, de sauvagerie, ainsi cette esclave noire en fuite dont on a violé la mère, qui lui refuse sa compagnie, le couteau sous la gorge. Ainsi l'infirmière Neva Thatcher qui la recueille et l'héberge avec une affection si peu désintéressée, qu'elle la dénoncera comme espionne quand Ash décidera de partir. Ainsi le merveilleux Weatherby et la femme du colonel qu'elle visite dans sa dernière fuite, juste avant de rejoindre sa ferme dans l'Indiana pour retrouver son cher mari. Cette femme au grand coeur ne sait pourtant que lui répondre quand Ash lui demande pourquoi son mari colonel devenu depuis général, n'a rien fait pour lever l'accusation de traîtrise et la faire libérer.
Il est de vrais moments qu'enchante la beauté sereine des choses simples, naturelles, délicates. Mais Ash revenant des combats, ne connaîtra pas le repos des braves, la paix des anges, quand elle devra flinguer à son retour cinq hommes qui en son absence sont venu occuper sa ferme et humilier Bartolomew devenu leur valet, réglant in fine un vieux contentieux de l'enfance qui remonte au suicide de sa mère et celui d'un viol que l'on n'efface pas.
Constance, femme guerrière est d'une telle rectitude morale que jamais la rancune, la méfiance, l'avide méchanceté prendront le pas sur la droiture de ses actes qui viennent simplement réparer une injustice faite à sa mère et l'outrage subi par Bartolomew. Sa dernière lettre est pour le colonel devenu général, où elle se repent de "l'avoir maudit lors de sa visite chez les fous". On croit rêver avec cette contrition. Aucune récrimination, aucun ressentiment sur la lâcheté présumée de ce chef militaire respecté, qui aurait pu la sauver. Elle est sans haine, elle efface vite les larmes, c'est un coeur loyal, une belle personne. Si elle prend parti c'est pour un combat désintéressé. Elle s'engage simplement pour la cause de l'Union car elle la croit juste. Un de ses rares étonnements est d'avoir été terrassée par la violence et la haine d'une esclave noire dont elle épousait pourtant la cause.
Gallant Ash ou le glamour féminin, à l'épreuve de la sauvagerie des guerres. le miroir inversé, élèvé à hauteur d'une vraie chanson de geste, de notre célèbre Scarlet O Hara , confinée dans les intrigues aristocratiques d'un planteur du Sud profond. Et Laird Hunt que je découvre avec ce roman ovationné par la presse, est rentré dans la cour des grands écrivains américains. Jim Harisson qui vient de nous quitter à dû l'adouber.
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