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Critique de MaxSco


Attention ! Cette critique est trop longue mais je ne suis pas parvenue à faire autrement. @En mars, fusils brisés aura été pour moi une véritable déflagration !

Je voulais tellement le lire, ce livre. Il m'intéressait parce qu'il y était question de la guerre du Viêt Nam et parce que c'était le récit d'un combattant, celui qui est sur le terrain, vit la guerre, la connaît, la ressent dans ses tripes ; c'est-à-dire une voix rare et a fortiori de ce côté là.

J'en connaissais bien peu sur la guerre du Viêt Nam ; ce que j'en savais venait uniquement du regard des Américains et @En mars, fusils brisés me donnait là l'occasion d'en avoir une autre idée, à travers le prisme d'un soldat de l'armée vietnamienne du Sud.

Et voilà ! @En mars, fusils brisés m'a explosé en pleine figure. 1975, @Cao Xuân Huy, jeune lieutenant du corps d'élite des Marines, combat dans une des plus violentes zones du conflit après la retraite des Américains et très peu de temps avant la prise de Saïgon par l'armée Viêt Cong. Les conditions sont terribles, trop de morts, pas assez de munitions, des supérieurs trahissant leurs hommes, une position totalement impossible à tenir, la défaite, la déroute, le sauve-qui-peut... Ce qui reste de la division des Marines dont @Cao Xuân Huy rejoint la route des civils. L'armée communiste du Nord Viêt Nam a vaincu. @Cao Xuân Huy aura la chance de ne pas être exécuté. Il sera fait prisonnier et rejoindra un camp de « rééducation ».

@Cao Xuân Huy, à travers ses souvenirs – et peu importe si parfois, il y a des failles – nous fait ressentir au plus près possible l'atrocité de la guerre. Je dis « la » guerre sciemment. Ce récit représente son universalité. Les époques, les lieux, les moyens peuvent changer, il n'en reste pas moins qu'une guerre reste une guerre. Toujours un échec. Toujours les pires atrocités commises par les hommes.

Les jeunes futurs combattants, comme l'a été @Cao Xuân Huy, (et quand ils ont réussi à intégrer un corps d'élite, ils sont persuadés et fiers d'avoir fait « leurs preuves »), veulent vivre dans l'action, sont avides de sensations fortes, ont la fougue et la détermination de la jeunesse, le goût de la vie militaire avec son esprit de camaraderie et les coudes toujours serrés avec leur frères d'armes.
Mais quand le combattant, aussi bien préparé soit-il, entre dans le « dur » de la guerre, il s'agit de tout autre chose. La guerre est inhumaine, dantesque, inimaginable.
Le récit de @Cao Xuân Huy est âpre, direct, franc. Rien ne nous est épargné et c'est très bien. Nous ne devons jamais oublier de quelles ignominies l'homme est capable. @En mars, fusils brisés nous fait approcher la réalité parfois insoutenable de ces horreurs : la mer devenue rouge du sang versé, le chaos, les crânes éclatés, l'éparpillement de bouts de chair, des soldats écrasés sous les chenilles de véhicules militaires, des corps découpés par les hélices d'un bateau de secours, des os brisés, des noyades, des hommes abattus sommairement, les bombes, le chacun pour soi au moment où les officiers supérieurs ont pris la fuite, la lâcheté... et nous ressentons (autant que faire se peut), avec @Cao Xuân Huy, son dégoût vis-à-vis de ces trahisons, la haine de ces militaires qui les ont abandonnés en sachant que les survivants, sous peu, seraient aux mains des militaires Viêtcong. ET ce « trop plein » de morts, d'atrocités, d'absurdité, de sang...

@Cao Xuân Huy ne tait rien de ce qui le traverse ; il nous raconte cette défaite, cette déroute avec son franc-parler et nous narre même comment, au milieu d'exactions, de souffrance, de peur, de détestation, il a cherché à se frotter à une femme... Aucune exaction n'est exclue dans une guerre, tous les abus sont permis.

@En mars, fusils brisés est définitivement une grosse claque. Cette expérience terrible que l'auteur partage avec nous a cette légitimité incontestable du fait que c'est SON expérience personnelle, une expérience du pire.
Et après l'avoir lu, il me semble que l'objectif de l'écrivain est atteint. Nous avons pataugé avec lui jusqu'à écoeurement dans l'abomination qu'est toute guerre.

La présentation du livre par Emmanuel Poisson, le traducteur (bravo à lui!) également professeur d'histoire du Viêt Nam à l'université de Paris et François Guillemot, historien à l'Institut d'Asie orientale est passionnante et quand je l'ai relue une deuxième fois, je me suis dit que dans ce texte, « Une guerre sans fard », tout était déjà dit. Les très belles et touchantes pages de l'écrivain Bao Ninh sur sa rencontre avec @Cao Xuân Huy à Hanoï, après les années 2000, sont essentielles, elles aussi. Elles nous aident à mieux comprendre... l'incompréhensible. Et également à concevoir le processus d'écriture de @Cao Xuân Huy. Et aussi : comment est-il possible de vivre après ÇA ? Comment peut-on s'en sortir ?
La post-face de Do Kh., journaliste, essayiste et écrivain du « courant novateur » des lettres vietnamiennes est importante – comme tout dans cet ouvrage ! - et nous permet de mieux nous saisir du contexte de cette guerre fratricide si complexe du Viêt Nam. Tous les spécialistes ayant contribué à l'ouvrage nous en donnent des éclairages cruciaux.

J'ai refermé @En mars, fusils brisés complètement sonnée, le coeur serré, les tripes nouées.

« La guerre est le fruit de la dépravation des hommes. C'est une maladie convulsive et violente du corps politique. » est-il écrit dans la première Encyclopédie française de 1751. Et depuis la nuit des temps, ici ou ailleurs, elle n'a jamais cessé d'être présente.

Je remercie infiniment les éditions RIVENEUVE et BABELIO de m'avoir permis de découvrir cet ouvrage rare et précieux (la superbe couverture est illustrée par @Marcelino Truong, auteur de bandes dessinées dont @Une si jolie petite guerre (autobiographie de @Marcelino Truong – mère malouine et père vietnamien – qui raconte sa République du Viêt Nam du Sud lorsqu'il était enfant, au début des années 60...)).
Et mille fois merci, bien entendu, à l'auteur @Cao Xuân Huy et aussi aussi aux historiens et écrivains, spécialistes du Viet Nâm pour leur contribution si importante à @En mars, fusils brisés.
Ce livre précieux restera dans ma bibliothèque, bien sûr mais surtout dans ma mémoire.
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